Aller au contenu principal

Infoscènes

Musique : connexions franco-néerlandaises à La Haye

Infoscènes
Image
percussions strasbours

Onzième édition du festival Rewire. Dans un halo de lumière carmin, les notes à la fois majestueuses et inquiétantes de l’orgue actionné par Anna von Hausswolff résonnent sous la voûte de la « grote kerk », la grande église de La Haye (Pays-Bas). Pas d’inquiétude ici, en ces terres néerlandaises libérales et surtout protestantes, la sécurité est réduite au strict minimum et des débordements comparables aux violences commises à Nantes relèvent de l’improbable. En ce cœur historique du pouvoir aux Pays-Bas, qui continue d’abriter les institutions gouvernementales même si La Haye a cédé le titre de capitale officielle à Amsterdam, les liens avec la France sont à chercher ailleurs. Mais ils sont bien réels.
Ici, un lycée français, à deux pas du front de mer, là, une plaque rendant hommage à Louis Napoléon, frère de Napoléon 1er qui lui avait confié la tête du royaume de Hollande. Cette présence française était aussi perceptible, à travers les denses textures électroniques du parisien Aho Ssan, dans une programmation étalée du 7 au 10  avril dernier, à la croisée de l’électronique, des musiques nouvelles et de l’art contemporain. Mais Rewire, dont la ligne défricheuse pourrait assez bien se comparer à celle du célèbre magazine britannique The Wire (Adventures In Modern Music/Aventures dans la musique moderne), est aussi un rendez-vous d’experts.

Rencontres professionnelles  
« Tous les ans, Rewire organise une programmation destinée aux professionnels, souligne Gerco de Vroeg, responsable du bureau parisien du Performing Arts Fund Netherlands, un nouveau programme destiné à faire monter en puissance la coopération franco-néerlandaise dans le circuit du spectacle vivant labellisé. En tout, quinze français ont répondu positivement cette année. » Parmi eux, Stéphane Roth, directeur général du festival Musica, à Strasbourg ; Sandrine Piq, conseillère musique à l’Onda ; Pierre Templé, responsable de la musique au Lieu Unique à Nantes ou Camille Rhonat, directeur artistique du festival de musique contemporaine Superspectives, à Lyon.
Au Théâtre Korzo de La Haye, ils croisent des professionnels néerlandais comme Martijn Buser, nouveau directeur artistique du festival Gaudeamus à Utrecht ayant succédé à son patron emblématique Henk Heuvelmans. Mais aussi Jochem Valkenburg, directeur de la programmation musicale et du théâtre musical au Holland Festival. Édouard Lambert, lui, vient aussi de Lyon, il est administrateur du Périscope, une SMAC labellisée depuis 2018, dont la salle récemment rénovée offre de la diffusion en jazz, un lieu de création et un espace de résidence. « Notre directeur Pierre Dugelay est aussi membre du conseil d’administration du réseau jazz AJC, l’association Jazzé Croisé, signale Edouard Lambert. Nous organisons chaque année 130 concerts et une trentaine de résidences de un à cinq jours. Nous avons aussi une activité d’accueil de porteurs de projets un peu déconnectée du label SMAC, qui concerne l’édition phonographique ou des collectifs d’artistes. »

Jeu collectif 
Collectif artistique pour sa part néerlandais, Slagwerk Den Haag a permis dans l’après-midi du samedi 9 avril de réaliser une démonstration de l’esprit collectif et du pragmatisme locaux. « À Performing Arts Fund Netherlands, nous sommes à la fois indépendants et financés par le ministère de la Culture, expose son directeur Bas Pauw. Pendant les deux ans et demi à venir, notre objectif est de permettre à la musique néerlandaise d’être mieux découverte en France. Mais il n’y pas de motif nationaliste derrière cela, simplement la conviction qu’ils méritent une plus large diffusion. » Ce moment néerlandais doit aussi s’apprécier à la lueur du contexte ukrainien, en plein redéploiement du « soft power » européen, alors que le quatrième gouvernement d’affilée de Mark Rutte est en train de gagner en influence au sein de l’UE à la faveur du Brexit. Au Théâtre Koninklijke Schouwburg (Théâtre royal de la Haye), où sont conviés les professionnels, on découvre des performances du violoncelliste Alistair Sung avec Stargaze, ensemble de musiciens réputés pour ses réinterprétations de Fugazi ou sa collaboration avec Poliça. Tout comme pour ses adaptations scéniques d’un répertoire que ses créateurs ne jouent pas sur scène, celui du duo écossais de musique électronique Boards of Canada.
Ce cocktail de créativité autonome se retrouve aussi dans la performance de la compositrice Genevieve Murphy, accompagnée ici sur scène par le guitariste Andy Moor de la formation culte The Ex, groupe du cru très apprécié de la scène alternative en France. « Genevieve Murphy propose aussi une pièce de théâtre en solo qui dure une heure », glisse Jimmy-Pierre de Graaf, son agent basé à Rotterdam. Stéphane Roth, directeur général, de Musica, festival européen de création musicale contemporaine avec 2,1 M€ de budget, semble bluffé par la cohésion qui se dégage de ce match d’exhibition néerlandais : « J’observe aux Pays-Bas et dans les pays scandinaves et nordiques une aptitude à concilier une organisation solide, une recherche artistique exigeante et une capacité à valoriser les projets dont nous pourrions nous inspirer en France ». 

Nicolas Mollé

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°514

Légende photo : Ryoji Ikeda et les Percussions de Strasbourg.

Crédit photo : D. R.

Cartographie : le SMA sensibilise au risque d’oligopoles dans la musique actuelle

Infoscènes
Image
cartographie

Le Syndicat des musiques actuelles (SMA) relance sa campagne « Vous n’êtes pas là par hasard », interrompue par la pandémie, et destinée à promouvoir les festivals indépendants et la diversité. Avec une cartographie des opérateurs privés dans les musiques actuelles en France. Stéphane Krasniewski, vice-président du SMA, signale : « Il ne s’agit pas de fustiger telle multinationale mais de sensibiliser », alors que des situations oligopolistiques sont apparues dans d’autres secteurs, comme l’édition ou les médias. Laurent Decès, président du SMA, relevait quatre leviers d’action face à un risque analogue : le financement public des festivals indépendants, l’observation permanente du secteur par le CNM, la poursuite du travail de l’Autorité de la concurrence et l’information des publics, partenaires et élus.

D’après la cartographie établie par le chercheur Matthieu Barreira (dont la mise à jour commandée par le SMA par rapport à la cartographie initiale de la revue Nectart correspond aux typographies orangées), les six plus importants opérateurs agissant dans le champ du spectacle vivant et des concerts de musiques actuelles sont dirigés par des milliardaires : John C. Malone (Live Nation), Philip Anschutz (AEG), Arnaud Lagardère (Lagardère), Matthieu Pigasse (Combat), Marc Ladreit de Lacharrière (Fimalac) et Vincent Bolloré (Vivendi et bientôt Lagardère). Cette réactualisation inclut notamment les nouveaux festivals créés par Vivendi/Olympia Production (Inversion et Felyn à Lyon, un festival à Bayonne) ou les nouveaux équipements gérés par Fimalac (Galaxie Amnéville, théâtre Fémina, Colisée Arena…), avec sept théâtres que le groupe a rachetés (Bouffes Parisiens, Michodière…), représentant à eux seuls un quart de la jauge des théâtres privés parisiens. Un groupe de travail « indépendance et diversité » a été créé au SMA. Avec différentes tables rondes (Printemps de Bourges) avant une restitution aux BIS en janvier 2023.

Cartographie aussi consultable à l’adresse : www.vousnetespaslaparhasard.com/ressources

Nicolas Dambre

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°514

Légende photo : Cartographie des opérateurs privés dans les musiques actuelles en France

Source : Syndicat des musiques actuelles - Matthieu Barreira

Rectificatif La Lettre du Spectacle

Infoscènes
Image
LLDS 514

Suite à l’article publié page 5 du dernier numéro de Le Lettre du spectacle (no 514), indûment intitulé par nos soins « La Comédie-Française force le mouvement HF à reculer », la rédaction tient à rectifier les points suivants : la Comédie-Française n’a pas mis le mouvement HF en demeure, n’a pas été en contact avec lui et ne l’a forcé à rien. En conséquence elle ne lui a pas demandé de retirer une de ses publications.

Par ailleurs, suite au droit de réponse publié page 5 du même numéro, indûment intitulé par nos soins « Droit de réponse des avocats de la Comédie-Française », la rédaction tient à rectifier les points suivants : il ne s’agit en rien d’une réponse de la Comédie-Française ou de ses avocats mais de Maître Florence Bourg, avocate au Barreau de Paris, représentante de Monsieur Nâzim Boudjenah. Comme indiqué dans ce texte, « il s’agit d’une affaire de vie privée qui n’a rien à voir avec [la Comédie-Française]».Les avocats du Théâtre ni ce dernier ne sont en rien concernés par ce droit de réponse. Toutes nos sincères excuses aux intéressés et à la Comédie-Française pour ces malencontreuses erreurs.
 

La Lettre du Spectacle, le 22 avril 2022

Présidentielle : le Syndeac constate l’absence de récit culturel

Infoscènes
Image
Nicolas Dubourg

« Quel programme pour la culture ? ». La question sera restée, jusqu’au bout, épineuse et l’USEP-SV n’aura pas pu finaliser son film ainsi intitulé, faute d’investissement personnel des principaux candidats à l’élection présidentielle. Seuls Anne Hidalgo (tinyurl.com/2kk3af7y) et Yannick Jadot (tinyurl.com/mss3w4rp) auront joué le jeu d’exposer leur vision du secteur face caméra. Tous, hormis le président sortant, avaient répondu favorablement au départ. Mais, finalement, Valérie Pécresse a annulé sa participation et Jean-Luc Mélenchon n’a pas pu dégager dans son emploi du temps la demi-heure nécessaire. Nicolas Dubourg, président du Syndeac qui portait la démarche avec le SNSP, les Forces musicales et Profedim, se félicite même de la très bonne tenue du débat organisé le 30 mars au Théâtre Ouvert à Paris : « Il s’agissait d’intervenants de haut niveau qui maîtrisaient vraiment le sujet, nous nous sommes vite rendu compte que deux heures n’allaient pas suffire ». Parmi eux, des représentants des candidats comme Aurore Bergé (LREM), Martin Mendiharat (LFI), Laure Darcos (LR) ou Alain Hayot (PCF).

Pourtant, Nicolas Dubourg ne peut que constater la désinvolture avec laquelle les responsables politiques traitent généralement la culture : « L’agriculture pèse comme la culture 3,5 % du PIB, il y a 700 000 professionnels de la culture, bien plus que d’agriculteurs et pourtant, c’est au Congrès de la FNSEA que les candidats se déplacent ». Les principaux présidentiables étaient, en effet, tous à Besançon le 30 mars au rassemblement de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, à l’exception notable d’Emmanuel Macron, pris par le conseil de défense et le conseil des ministres, qui avait transmis une vidéo. « La culture est aujourd’hui considérée comme futile alors qu’au sortir de la guerre des gens comme Malraux ont précisément construit des politiques culturelles qui ont aidé à s’en sortir, rappelle Nicolas Dubourg. Il y a une vraie absence de vision de nos politiques alors que nous vivons aujourd’hui en Europe un bouleversement militaire incroyable. L’enjeu est de savoir dans quel récit on se place. Car les premières victimes de la guerre sont aussi les artistes et les journalistes. Poutine sait combien la question du récit est primordiale, il fait tout pour interdire la possibilité que d’autres histoires soient racontées. » Nicolas Dubourg admet que quelques politiques l’ont compris. « Les autres sont pris dans une spirale médiatique. Mais c’est à eux de créer ce qui intéresse les gens. La politique actuelle répond à une demande au lieu de créer de l’offre, un espace de débat ».

Nicolas Mollé

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°513

Légende photo : Nicolas Dubourg

Crédit photo : Julien Pebrel

Robin Renucci à la Criée

Infoscènes
Image
Robin Renucci

Le comédien Robin Renucci succédera le 1er juillet à Macha Makeïeff à la direction du théâtre de la Criée (Marseille). Les discussions entre la Ville et le ministère de la Culture ont fait un peu tarder la nomination. « Je n’ai pas été impatient. Je pensais que le handicap de mon âge allait s’éroder au profit de mon projet et de la notion de transmission », confie Robin Renucci, 65 ans, nommé pour un mandat de 4 ans. L’actuel directeur des Tréteaux de France n’arrive pas seul, mais accompagné de douze artistes et intellectuels, associés à la Criée. Notamment le Collectif 49701 de Clara Hédoin et Jade Herbulot ou le Nouveau Théâtre populaire (NTP), avec Léo Cohen Paperman. « Ils ont une grande capacité à irriguer le territoire et aiment jouer à l’extérieur des théâtres », remarque Robin Renucci.

Les auteurs Alice Zeniter et François Cervantes, les metteurs en scène Louise Vigneau et Simon Abkarian seront également associés au centre dramatique national. Le projet de Robin Renucci s’articule autour de l’œuvre, de la pratique et de la pensée, trois endroits de médiations. L’ancien président de l’Association des centres dramatiques nationaux (ACDN) souhaite « que le paradigme du “venir à” se conjugue avec celui du “aller vers” les publics. Tout en accueillant les grandes œuvres théâtrales européennes. » La saison sera rallongée, ainsi que les séries, à une dizaine de représentations, tout en élargissant la base sociale des publics de la Criée, en combinant « création, transmission, formation, éducation populaire et éducation artistique. »

Nicolas Dambre

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°513

Crédit photo : Fabrice Robin

Dernière édition sous la direction d’Olivier Py

Infoscènes
Image
Olivier Py

Olivier Py a présenté le programme de la dernière édition du festival d’Avignon comme directeur après dix ans à sa tête. Présent, son successeur Tiago Rodrigues a été maintes fois cité. Le metteur en scène russe Kirill Serebrennikov ouvrira cette 76e édition dans la cour d’honneur. Le festival accueillera 46 spectacles (autant qu’en 2021) pour 270 levers de rideaux. Il retrouvera l’Opéra du Grand Avignon rénové avec un Iphigénie, signé Tiago Rodrigues, puis une Tempête, revue par Alessandro Serra. Olivier Py mettra en scène Ma Jeunesse Exaltée, une épopée de 10 heures, et conclura le festival avec Miss Knife, accompagné d’Angélique Kidjo et des musiciennes ukrainiennes Dakh Daughters. Les femmes ont leur place dans la programmation (Anne Théron, Miet Warlop, Élise Vigier…), tout comme les artistes étrangers, notamment du Moyen-Orient (Ali Chahrour, Amir Reza Koohestani, Hanane Hajj Ali…), ou de Chine avec Meng Jinghui.

Notons côté danse le retour de Jan Martens au Palais des papes ou la venue de Dada Masilo, annulée en 2020. En revanche, pas de feuilleton théâtral Jardin Ceccano. Une exposition dévoilera les coulisses du festival via les photos de Christophe Raynaud de Lage. L’opération le Souffle d’Avignon, initiée en 2020 avec des théâtres permanents, est renouvelée. Également rénovée, la Maison Jean-Vilar recevra pour des rencontres Jean-François Marguerin et Bernard Latarjet à propos du service public de la culture, et Reine Prat sur le féminisme dans le secteur. À la Maison des publics et des professionnels, on échangera autour du spectacle vivant et des scènes numériques, avec aussi le premier forum consacré à l’inclusion économique dans la culture et les industries créatives. Le Syndeac abordera la transition écologique dans le spectacle. Olivier Py et Stanislas Nordey livreront un bilan de 1er Acte, programme lancé en 2014 pour promouvoir la diversité. Enfin, France Festivals présentera sa cartographie complète des festivals hexagonaux.

Nicolas Dambre

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°513

Crédit photo : Eric Deguin

La fragile ligne de front de la musique contemporaine

Infoscènes
Image
Lisa Heute

Le rendez-vous s’annonçait comme une libération, après deux ans de visioconférences et d’interactions restreintes pour les 17 professionnels participant au focus nouvelles musiques du 17 au 20 mars de l’Institut français, à Lyon. Un tel panel international de participants était inimaginable il y encore quelques mois : des prescripteurs culturels d’Italie, du Royaume-Uni, de Suisse, d’Argentine, de Vancouver, de Houston ou de New York se sont pourtant retrouvés pour nouer des contacts, découvrir des artistes français susceptibles d’être programmés au sein de leurs festivals ou lieux de diffusion. Venus des Pays-Bas, Gerco Devroeg, Bas Pauw et Shane Burmania étaient en repérage pour un projet d’échange entre leur pays et la France concernant la danse, le théâtre et la musique.
Mais globalement, la pression épidémique a réduit de moitié le contingent d’inscrits de rigueur, budgété à 40 000 € au lieu des 50 000 € à 60 000 € habituels, assumés pour moitié par l’Institut français. Kyu Choi du Séoul Performing Arts Festival (SPAF) annulait par exemple sa participation quelques jours auparavant. La non-venue de professionnels russes constituait un autre écho d’un contexte de crise tout aussi préoccupant, celui de la guerre en Ukraine. « Il y a encore trois semaines, nous étions en discussion avec des Russes, relate Mathilde Bézard, chef de projet musique classique et contemporaine à la direction de la création artistique et des industries culturelles de l’Institut français. Mais nous devions nous adapter à la contrainte de la non-homologation du vaccin russe, nous étions en train de mettre en place leur double vaccination. Et la guerre avec l’Ukraine est arrivée... ».

Bombardement sonore
Le sujet est omniprésent. Sur les planches, avec les déflagrations sonores apocalyptiques évoquant un bombardement du spectacle Dead trees give no shelter donné aux Subs le soir du 19 mars, sa sombre, fumante façade d’immeuble plantée au milieu de la scène évoquant Marioupol ou même Kiev. « Avoir des professionnels des pays de l’Est dans ce moment particulier est un beau symbole, ce focus constitue un moment assez européen », constate Erol Ok, directeur général délégué de l’Institut français. Les membres de la délégation des pays baltes ou de l’Est restent pourtant sur la réserve. Sur un front en perpétuelle redéfinition, choisir son camp peut s’avérer une question de vie ou de mort. « C’est la survie qui est en jeu », tranche la Lettonne Baiba Kurpniece, membre de l’orchestre symphonique de chambre d’État de Riga, qui précise que l’hymne national ukrainien est désormais diffusé avant chaque concert de son ensemble.
La Hongroise Katalin György-Dóczy souligne que « l’académie de musique de Budapest accueille des étudiants ukrainiens, c’est beaucoup de travail, on espère que ça ne durera pas et que l’Ukraine saura mettre en concordance ses standards éducatifs avec ceux de l’Union européenne ». La Polonaise Malgorzata Klajn ne s’attendait pas du tout à cette guerre « même si il y a un conflit larvé depuis 2014. L’escalade a été rapide, c’est vraiment terrible, aujourd’hui il y a déjà plus de 300 000 réfugiés en Pologne, on ne sait pas si on y verra plus clair dans un mois ou dans un an et demi », s’interroge-t-elle.

Doutes
Des doutes qui apparaissent en miroir des questionnements du secteur. « On sort d’une période déprimante, on vient de passer tellement de temps à faire et à défaire pendant le confinement », rappelle la compositrice et metteuse en scène Maguelone Vidal. Il y a, bien sûr, l’éternelle oscillation entre musique écrite et improvisée, mais surtout la nécessité de trouver un langage commun pour soi et vis-à-vis de l’extérieur qui a mobilisé, parallèlement à Lyon, les rencontres du réseau professionnel Futurs Composés. Contrairement au théâtre, la musique ne fait pas forcément corps avec le verbe. Elle compte pourtant ses propres centres nationaux de la création musicale soutenus par le ministère de la Culture.
À Lyon, le Grame (Générateur de ressources et d’activités musicales exploratoires) est l’une des huit entités labellisées. La structure fête ses 40 ans avec à sa tête Sebastian Rivas et Anouck Avisse, qui ont fait évoluer le festival Musiques en scène en Biennale des musiques exploratoires (BIM) se déroulant jusqu’au 27 mars et invitant un artiste d’un autre champ artistique. Après l’écrivain Yannick Haenel, l’architecte météorologique Philippe Rahm donne le « la ». « Lyon n’ayant pas une énorme audience pour la musique contemporaine, nous avons décidé de proposer le spectre le plus large possible », expose Sebastian Rivas. Avec une dimension scientifique qui passe par son langage de programmation musicale, Faust, et un département pédagogique travaillant avec les hôpitaux, les handicapés. « Nous allons à la rencontre de nos publics », résume Anouck Avisse.

Amérique du Nord
Comme l’Américain David Dove de Nameless Sound, à Houston, dont l’association développe les pratiques d’improvisation et d’accès à la musique auprès d’enfants des écoles publiques, de sans-abris et de réfugiés. Nameless Sound a développé pendant la pandémie « Special Deliveries », un concept inspiré des livraisons à domicile emblématiques des confinements. « Il s’agissait d’une série de concerts hebdomadaires gratuits de 15 minutes donnés dans l’allée de la maison des gens, dans leur jardin, décrit David Dove. Il fallait trouver une solution aux problèmes de diffusion posés par la crise sanitaire. J’estime que cela fait partie de la responsabilité sociale de l’artiste. » Malgré les couacs. « Un médecin par exemple m’a appelé pour m’expliquer que les improvisations vocales d’une chanteuse le mettaient mal à l’aise, poursuit David Dove. On lui a envoyé un violoniste, il était très content. »
Concernant l’Amérique du Nord, le choc des cultures n’est pas un vain mot. « La France consacre vraiment des moyens importants à sa création, envie le compositeur David Pay de Music on Main à Vancouver, qui évoque non sans amertume les propos du prédécesseur du Premier ministre Justin Trudeau, Stephen Harper, à l’endroit du monde culturel qualifié d’« élite » déconnectée au moment où il coupait dans le budget culturel canadien à hauteur de 45 M$. Pays phare pour sa politique culturelle, la France peut aussi excéder ses voisins européens lorsqu’elle tente d’explorer le potentiel d’improvisation d’instruments folkloriques comme la cornemuse et l’accordéon lors de showcases. En ce sens, avec ses pas de danse dans un clair-obscur ciselé aux prises avec un humus sonorisé qui le rapproche du land-art, le spectacle Devenir imperceptible de Clément Vercelletto présenté aux Subsistances le 18 mars paraît plus universel. La finalité de ces focus étant de devenir des essais transformés. « Des tournées américaines et des temps forts en Europe en 2021 sont nés du focus nouvelles musiques à Strasbourg en 2019 », rappelle Erol Ok.

Nicolas Mollé

En partenariat avec La Lettre du spectacle n°512

Légende photo : Lisa Heute de l’Ensemble Orbis

Crédit photo : D. R.

« Réinterroger la compétence culturelle obligatoire »

Infoscènes
Image
Frédéric Maurin

Entretien avec Frédéric Maurin, président du Syndicat national des scènes publiques (SNSP).

Le SNSP a publié une lettre ouverte aux candidat(e)s à la présidentielle. Quel est le sens d’un renforcement du lien État/projets de territoire ? 
Les directions régionales des affaires culturelles manquent de personnel, de moyens et d’autonomie pour assurer l’ambition de la politique publique d’État. Quant aux collectivités territoriales, la question de la compétence culturelle obligatoire doit être réinterrogée. Demander à des petits communes d’avoir cette compétence culturelle obligatoire, c’est discutable. Un débat est nécessaire entre associations d’élus et syndicats de la culture.

Quelle visée a un programme de permanence artistique avec des aides à la résidence, l’implantation d’équipes artistiques, la mutualisation de tournées et un plan massif d’éducation artistique et culturelle ?
Nous devons, peut-être, aussi réfléchir au désengorgement des grandes métropoles, où il y a souvent surabondance d’équipes artistiques, vers des territoires ruraux avec de la place pour de belles aventures. Quant à l’éducation artistique et culturelle (EAC), il faut réunir en interministériel l’ensemble des acteurs qui travaillent dans le champ de l’EAC pour harmoniser efficacement cette volonté affichée depuis deux quinquennats. Nous regrettons que la pratique artistique et l’enseignement de l’histoire de l’art cessent à la fin du collège quand la personnalité des adolescents commence à s’affirmer.

Pourquoi demander de « préserver plus que jamais la liberté de programmation » des responsables de scènes publiques ?
Beaucoup de jeunes directeurs et directrices sont précaires, contractuels, en CDD. Si le maire souhaite interférer dans leur programmation, ils auront du mal à s’y opposer. Dans un grand théâtre de ville, une scène conventionnée ou labellisée, cette ingérence sera vite relayée. Il faut pérenniser emplois comme projets.

Propos recueillis par Nicolas Dambre

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°512

Crédit photo : D. R.

Cultures frontalières : Ekinox ou l’Europe à double face

Infoscènes
Image
Compagnie L’Insomnante

Le Nest, CDN transfrontalier de Thionville, organisera la manfestation Ekinox aux deux instants de l’année où le jour a une durée égale à celle de la nuit sur l’ensemble du globe. Elle sera articulée en deux événements : la foire du sommeil, le 26 mars au Luxembourg et la Foire des rêves le 24 septembre à Aumetz en France, à une vingtaine de kilomètres de Thionville. Avec au Luxembourg un spectacle de la metteuse en scène et directrice du CDN Alexandra Tobelaim, une station radio mobile Radio Dodo avec deux animateurs comédiens, des performances de Sophie Langevin. Puis, en France, des spectacles à l’échelle d’une ville matérialisant les rêves collectés dans l’année (concert choral de berceuses par exemple). Ekinox s’inscrit dans le cadre du rôle que joue la ville luxembourgeoise d’Esch-sur-Alzette en tant que capitale européenne de la Culture (celle-ci finance d’ailleurs le festival à 63 %).

« Ce sera un événement un peu tentaculaire qui commencera en gare de Thionville, décrit Alexandra Tobelaim. Chaque jour, en provenance d’Allemagne, de Belgique, de France, 250 000 personnes viennent travailler à Luxembourg, parmi eux, 120 000 Lorrains de Thionville, avec des bouchons dès 6 h du matin. Nous avons embarqué aussi avec nous dans cette aventure trois classes de lycée, deux classes de Thionville et une de Esch-sur-Alzette, travaillant avec eux sur les notions d’eldorado, de rêve, de nocturne et diurne ». Des champs sémantiques qui ont tout leur sens à proximité du paradis fiscal Luxembourg niché au cœur de l’UE, avec ses énormes flux financiers. « C’est troublant de constater le vrai décalage existant entre ceux qui travaillent au Luxembourg 40 heures par semaine avec quatre heures de transport et ceux qui restent en France, ajoute la directrice. Pour explorer ce pile et face, cet événement au budget valorisé de 800 000 € fera aussi intervenir, en plus des 46 artistes (metteurs en scène, comédiens et musiciens), des médecins, chercheurs, chefs cuisiniers ou artisans.

Nicolas Mollé

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°512

Légende photo : La Compagnie L’Insomnante sera présente.

Crédit photo : Raoul Gilibert

SCH en route vers le Vélodrome

Infoscènes
Image
SCH

Tournée. Prix de l’album le plus streamé lors des dernières Victoires de la Musique, le rappeur SCH a déploré lors de cette cérémonie les grands oubliés du rap. Il en était le seul représentant avec Orelsan. Les deux artistes entament chacun une importante tournée. SCH, qui sortait d’une série de concerts en SMAC avant la pandémie, commencera le 6 mai une tournée des Zénith et vise les 45000 places du Stade Orange Vélodrome de Marseille, le 22 juillet 2023, mises en vente depuis le 9 février.

À l’origine prévue en février-mars, la tournée de 14 dates a été décalée en mai (3 dates) et en septembre-octobre, pour préserver les exclusivités demandées par les festivals de l’été. Elle est coproduite par Olympia Production et Baron Rouge, le label créé par SCH. Yuma Prod en assure la production exécutive, son directeur général, Éric Bellamy, explique : « Les ventes de places démarrent bien. En vue du Vélodrome, nous devons raconter une histoire qui incitera le public des Zénith à faire le voyage jusqu’à Marseille pour le revoir. » Ces 37e Victoires de la Musique ne comportaient plus que 11 catégories. Certains professionnels y voient l’ingérence de France Télévisions. Éric Bellamy constate : « Les Victoires n’ont plus d’effet sur les ventes de concerts. Les musiques urbaines devraient créer leurs propres récompenses. »

Nicolas Dambre

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°511

Crédit photo : D. R.