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« Mieux produire, mieux diffuser » : vers un nouvel écosystème ?

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Sophie Zeller

Le ministère entend « construire une nouvelle écologie de la production et de la diffusion ». Retour sur les grandes lignes du plan présenté par la DGCA.

Le 10 janvier dernier, la Direction générale de la création artistique (DGCA) du ministère de la Culture présentait au bureau élargi du Conseil national des professions du spectacle (CNPS) un document de travail réunissant tous les axes stratégiques et objectifs opérationnels du plan « Mieux produire, mieux diffuser ». Depuis un an, des dizaines de concertations ont eu lieu, au sein de l’administration centrale ainsi qu’en DRAC, pour dégager un certain nombre de propositions à mettre en œuvre. À l’occasion d’un forum organisé lors des BIS, à Nantes (Loire-Atlantique), le 17 janvier, la directrice adjointe de la DGCA, Sophie Zeller, rappelait que ce plan avait vocation « à dessiner ce que pourrait être le futur de l’écosystème de la création artistique dans les prochaines années ». Ce document entend apporter des réponses à la préconisation de la production, à l’insuffisance de la diffusion et aux conséquences de la crise sanitaire et inflationniste. Il s’agit, selon les termes de la DGCA, de « construire une nouvelle écologie de la production et de la diffusion, fondée sur un esprit de coopération généralisée ». Le ministère invoque la nécessaire équité territoriale, à plusieurs niveaux : « Entre structures de production et de diffusion pour accompagner les artistes de façon plus solide et proposer une offre artistique articulée sur un territoire ; entre structures et équipes artistiques dans un souci de respect et de renforcement mutuels ; entre état et collectivités locales pour que les objectifs et les moyens fournis aux structures accompagnées dessinent une trajectoire claire et partagée, notamment. » Pour l’heure, le ministère a assorti la mise en œuvre de son très vaste plan « Mieux produire, mieux diffuser » d’une enveloppe budgétaire de 9 millions d’euros pour 2024. 

[...]

Lire la suite dans La Scène n°112 - Mars 2024

Par Cyrille Planson

Légende photo : Sophie Zeller, directrice adjointe de la DGCA

Crédit photo : Delphine Perrin

Patrick Chenu (MJC France) : « Nous attendons de l’écoute au niveau des DRAC »

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Patrick Chenu

Rachida Dati parlait, le 14 janvier, de « relancer les maisons de jeunes et de la culture ». Patrick Chenu, directeur général de MJC France, attend surtout une reconnaissance au niveau local.

Où en êtes-vous avec le ministère de la Culture ?
Les choses commencent juste à se poser du point de vue opérationnel. On a rendez-vous la semaine prochaine avec les réseaux d’éducation populaire. On attend un rendez-vous avec la ministre, on va travailler de façon fine avec la délégation de Noël Corbin (Délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle). Ce qui est intéressant dans les propos de la ministre et qui fait écho à son parcours personnel, c’est la capacité des MJC à infléchir les parcours de vie, à créer du lien. La singularité des MJC, c’est d’articuler démocratisation culturelle, d’être des lieux de pratique dans un lien régulier, et d’être des lieux de création et de diffusion.

Qu’attendez-vous du ministère, des financements ?
On ne vit pas d’amour et d’eau fraîche, surtout dans cette période très compliquée. Les finances se sont fortement dégradées avec la crise. Historiquement, la MJC, c’est Jeunesse et Sport, mais c’est surtout le bloc communal, et beaucoup de financements en propre à travers les cotisations et les recettes d’activités. En gros, le rapport est de 60 % d’autofinancement pour 40 % de subventions publiques. On a des financements Fonjep sur les postes, mais un Fonjep c’est moins de 15 % d’un salaire moyen chargé pour les personnes qui en bénéficient. Quelques lieux sont labellisés par le ministère de la Culture. Il y a deux scènes de musiques actuelles, à Rennes (Ille-et-Vilaine) et Verdun (Meuse) et il y a des partenariats au niveau régional, comme en Aquitaine et Bourgogne via le dispositif Passeurs d’images.

Vous souhaitez une meilleure écoute des DRAC ?
Oui. Vous avez, par exemple, une MJC en Côte-d’Or qui bénéficie d’un soutien de la DRAC sur une création commune avec des jeunes et une réalisatrice. Mais, finalement, le soutien du ministère de la Culture fonctionne très bien au biveau de la tête de réseau national et des services du ministère, alors que le soutien est marginal au niveau des associations locales. 
Ce schisme historique entre éducation populaire et culture rend les choses compliquées. Il y a un enjeu de moyens et de reconnaissance. Notre différence, c’est que le travail culturel est pour nous un moyen de mobiliser les gens et de les impliquer. 
Notre premier objet est d’être des lieux d’éducation à la citoyenneté par la pratique. Nous attendons de l’écoute au niveau des DRAC. En cette époque de fractures, l’éducation populaire est un endroit où des gens de sensibilités, de cultures, d’opinions, de religions différentes travaillent ensemble à un projet commun.  

Propos recueillis par Yves Perennou

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°554

Légende photo : Patrick Chenu

Crédit photo : D. R.

Shona McCarthy : « Des échanges anciens et profonds avec la France »

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Shona McCarthy

Shona McCarthy est directrice du Fringe, à Édimbourg (Écosse), aussi ancien que le Festival d’Avignon et considéré comme le plus grand festival « off » de théâtre au monde. Prochaine édition du 2 au 26 août.

Le Fringe s’est-il remis de la crise de Covid-19 ? 
Comme de nombreux événements culturels mondiaux, le Fringe a été annulé en 2020, pour la première fois depuis 1947, puis organisé en édition réduite en 2021. Nous sommes encore en train de nous remettre de la pandémie, ce qui sera un travail à long terme. Nos publics reviennent, mais il reste un véritable défi posé aux artistes d’obtenir des fonds pour créer de nouvelles œuvres. Tous les coûts ont augmenté et nous voulons que le festival reste aussi abordable et inclusif que possible. C’est un difficile exercice d’équilibre.

Traversez-vous, outre-Manche, une crise économique ? 
De nombreux facteurs affectent le financement des arts et de la culture, en Écosse et au Royaume-Uni. Au cours de la dernière décennie, les investissements dans le secteur culturel ont diminué de 30 %. Nous œuvrons pour diversifier nos ressources financières, notamment auprès de nos sponsors et partenaires. Ici, pour les artistes, les coûts de création sont souvent inabordables, ce qui peut les amener à quitter complètement le secteur. La véritable solution nécessaire consisterait à revoir la politique culturelle de notre pays.

Combien de spectacles et de lieux de représentation en 2023 ? 
En 2023, nous avons terminé le Fringe avec plus de 3 500 spectacles. Le festival s’est développé depuis sa création en 1947 : il comptait alors 8 spectacles ! En ce qui concerne les lieux, il existe un peu moins de 300 sites enregistrés chaque année. Ils varient considérablement quant à la taille et au type d’espace, entre les lieux permanents, les bâtiments universitaires, les espaces éphémères dans le centre-ville…

Combien de billets vendus en 2023 ?  
En 2023, plus de 2,4 millions de billets ont été émis dans le Fringe. 12 % d’entre eux étaient destinés à notre public international, le reste étant destiné au public, au reste de l’Écosse et au Royaume-Uni dans son ensemble.

Et les professionnels ?
En août dernier, nous avons accueilli plus de 1 400 professionnels internationaux et 840 médias ont été accrédités.
 
Comment le festival gère-t-il la transition écologique ?
L’action climatique constitue un domaine clé de notre travail. Nous avons identifié une série d’objectifs, notamment réduire de 90 % la dépendance du Fringe à l’égard de l’imprimé et compenser nos émissions de carbone en plantant une forêt Fringe, composée de 75 000 arbres. Vous pouvez en savoir plus sur nos actions sur le www.edfringe.com/about/about-us/ fringe-development-goals.

Quels sont vos liens avec le champ professionnel français du spectacle vivant ?
Les échanges entre le Fringe et la France sont anciens et profonds. Année après année, un certain nombre de programmateurs de théâtre et de salles, d’organisateurs de tournées et de producteurs de toute la France participent au festival. Un programme est présenté par l’Institut français d’Édimbourg, sans oublier les nombreux spectacles français proposés dans d’autres salles du Fringe. Enfin, avec le festival Off d’Avignon, nous partageons des pratiques de travail, des défis et des idées pour mieux structurer des échanges culturels et artistiques forts entre nos deux entités.  

Propos recueillis par Nicolas Marc

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°554

Légende photo : Shona McCarthy

Crédit photo : D. R.

Poitiers : les centres socio-culturels dans l’incertitude comme beaucoup en France

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La Légende de Godzilla

Le 31 janvier, les salariés des centres sociaux, des maisons de quartier et des espaces de vie sociale était invités à manifester partout en France face aux difficultés financières traversées par ces structures. La Fédération des centres sociaux de France appelle à un nouveau mode de financement. Dans la Vienne, et particulièrement à Poitiers, les maisons de quartier ont une forte dimension culturelle, et particulièrement sur le spectacle vivant, comme La Blaiserie, le Centre d’animation Beaulieu, qui travaille notamment avec le centre dramatique national Le Méta pour ses activités de diffusion, ou la Maison des 3 Quartiers (M3Q). Située aux abords du centre ville, cette dernière fêtait ses 40 ans avec le public le lendemain que ses salariés battait le pavé. La structure qui a des missions d’accompagnement social, notamment en direction des mineurs isolés, propose aussi d’activités de loisirs et culturelles. Elle dispose d’une salle de spectacle de 160 places et d’une salle de répétitions, pour les pratiques amateurs mais aussi pour des propositions professionnelles, avec un axe de programmation sur la lutte contre les discriminations. La M3Q compte une programmatrice, Christelle Bertoni. 

Pression financière
« Nous accusons un déficit pour 2024 et l’on imagine qu’il sera reconduit en 2025 », remarque Christophe Parent, président de la Maison des 3 Quartiers. Celle-ci compte 27 équivalents temps plein. « La pression financière que subissent nos maisons est liée à une revalorisation nécessaire des salaires car on était confrontés à des difficultés de recrutement, notamment pour les animateurs de centres de loisirs. L’inflation nous touche également et nous sommes très dépendants des subventions », indique Christophe Parent. 
Deux solutions semblent s’offrir aux maisons de quartier : soit faire des économies, notamment sur la masse salariale, soit trouver de nouveaux financements via des appels à projets. « On ne peut pas baser un soutien sur des appels à projets qui sont chronophages et ne sont pas pérennes, c’est pourquoi nous en appelons à l’État pour qu’il soit partenaire », note le président de la M3Q.
La M3Q, est financée principalement par la Ville de Poitiers et par la Caf. Elle est appuyée ponctuellement par la DRAC sur certains dispositifs. Les dix  maisons de quartiers de Poitiers rencontraient la Ville et la Caf le 8 février, pour plancher sur des solutions.  

Tiphaine Le Roy

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°553

Légende photo : La Légende de Godzilla, Cie Arlette Moreau, à la Maison des 3 Quartiers de Poitiers

Crédit photo : Guillaume Herau

Marionnette : Les états généraux notent des progrès

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Themaa

Les 1er et 2 février, Themaa - Association nationale des théâtres de marionnettes et arts associés, organisait ses états généraux des arts de la marionnette au CDN de Normandie-Rouen. Préparés avec l’aide du duo Ligere (Pauline Quantin et Benoît Pinero), ces deux journées de réflexion avaient pour but de « repenser les façons de créer, produire, diffuser et agir » alors que des réunions de filière viennent de commencer à l’initiative du ministère. 
L’événement a réuni près de 200 participants : on relevait la présence de la DRAC et du ministère, de l’agence régionale (ODIA Normandie) et de nombreux membres de Latitude Marionnette (6 centres nationaux de la marionnette (CNMa), Institut international de la marionnette…). Les collectivités territoriales, en revanche, étaient peu représentées. Le programme, très dense, a touché à des problématiques propres au secteur ou partagées avec le reste de la culture. Il ressort tant des analyses qualitatives que quantitatives que la marionnette a progressé depuis ses derniers états généraux. Réjane Sourisseau, missionnée par Themaa, et Anne Decourt, pour Latitude, ont partagé des chiffres d’enquêtes en cours montrant un secteur qui se renforce, malgré de fortes disparités et une faiblesse relative des budgets par rapport au reste du secteur vivant. Des réseaux régionaux se consolident un peu partout en France. La question du financement insuffisant de la création est souvent revenue, ainsi que celle de la transition écologique. Un sujet prégnant est celui du temps : celui qui manque à tous les postes, celui sacrifié au remplissage des dossiers d’appel à projets, celui nécessaire pour créer dans de meilleures conditions. Le maillage territorial et la solidité des lieux intermédiaires apparaissent perfectibles : en même temps qu’était renouvelé le souhait de donner un cadre pérenne aux lieux-compagnies missionnés pour le compagnonnage, on apprenait la fermeture de l’Usinotopie (Villemur-sur-Tarn) et les difficultés traversées par le LEM (Nancy). Les participants ont exprimé un désir de travailler sur la diversité et l’inclusivité. Certains artistes ont regretté que l’émergence et le sort des petites compagnies ne soit pas davantage auscultés et des représentants de CNMa que le travail de leurs structures ne soit pas mieux valorisé. Les travaux doivent donner lieu à la rédaction de doléances, à l’issue d’un travail collectif dont les modalités et le calendrier ne sont pas encore connus.

Mathieu Dochtermann

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°553

Crédit photo : M. Dochtermann

Création et ruralité : Rachida Dati lance une consultation

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Bundren !, par les collectifs Tranx et CCC

Le 22 janvier, Rachida Dati a lancé la concertation nationale « Printemps de la ruralité ». Une plateforme Internet permettra à chacun de donner son avis sur le sujet, et deux personnalités sont en attente de nomination pour piloter la consultation. La ministre a appuyé son intention sur un rapport de l’Inspection générale de l’action culturelle (IGAC) intitulé « L’action des labels de la création dans les zones rurales », qui résulte d’une mission coordonnée par Guy Amsellem, Marie Bertin et Isabelle Maréchal. 
Les médias en ont retenu le constat d’une « faible présence d’équipements culturels de proximité ». Et l’IGAC y rend surtout compte de ce que font les 367 structures labellisées (spectacle vivant et des arts visuels) pour irriguer leur arrière-pays : diffusion, résidences, éducation artistiques... Ces actions en territoire rural figurent rarement parmi les objectifs cibles de leurs conventions pluriannuelles d’objectifs. Or la concurrence est rude avec les actions sur d’autres territoires (quartiers prioritaires de la ville, par exemple). 

Préciser les objectifs
Il faudrait bien identifier les objectifs sur la ruralité pour mieux évaluer, recommande le rapport. En 2021, 1 016 actions menées par des lieux labellisés ont bénéficié à 927 communes, en dépit de la crise sanitaire. La tendance est à la hausse pour les résidences et la diffusion. L’IGAC y voit « l’effet positif du plan Théâtres en région mis en œuvre en 2020 ». Les moyens manquent en ingénierie et logistique, suite à l’effacement progressif des associations départementales de musique et danse. 
Une idée de l’IGAC serait de soutenir les postes de coordinateurs culturels dans les intercommunalités et de mener des formations-actions au montage de projets, en associant les maires ruraux. Les petites communes ont des difficultés à gérer directement un partenariat avec une institution. Le rapport insiste sur les partenaires, à commencer par les scènes conventionnées d’intérêt national. Il recommande de davantage associer les labels aux contractualisations des DRAC avec les territoires et de collaborer avec les lieux et les réseaux de proximité.
Pour jouer leur partition dans les territoires, les labels doivent tenir compte de ce qui s’y fait déjà et des attentes spécifiques, selon les principes des droits culturels. Cette approche est déjà défendue par plusieurs réseaux réunis sous la bannière Cultures et ruralités  (cultureruralite.fr). à l’inverse, l’exemple donné par la ministre lors de son déplacement à Nontron (Dordogne), le 22 janvier, illustre un cas de savoir-faire descendant de la capitale à la ruralité ; un programme post-master de l’École nationale supérieure des arts décoratifs de « redynamisation des territoires ruraux par le design ».

Yves Perennou

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°553

Légende photo : Bundren !, par les collectifs Tranx et CCC au festival Les Rias (2023) dans le pays de Quimperlé (Finistère)

Crédit photo : D. R.

Aux BIS, le spectacle vivant explore des solutions pour sortir de la crise

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BIS 2024

Sous pression, la filière a esquissé, à Nantes, lors des BIS, des pistes d’existence et de résistance.

Protéger le service public de la culture, c’est aussi réfléchir à son financement. Pour les participants des nouveaux débats «Pourquoi / Comment », le constat est évident. « Si les crédits budgétaires sont en augmentation constante depuis 2014 (+14 % entre 2021 et 2023), rappelle Vincent Guillon, codirecteur de l’Observatoire des politiques culturelles, les difficultés sont, néanmoins bien réelles : avec l’effet ciseau de l’inflation et des recettes en baisse ». Quelles portes de sortie s’offrent au spectacle vivant ? Pour Joël Brouch, « le service public est indissociable d’une démocratie. Et il est difficile d’être audible dans les territoires où les services publics reculent. »

Pour les conforter, le directeur de l’Office artistique de la Région Nouvelle-Aquitaine (OARA) voit une solution : « un nouvel acte de décentralisation pour que les collectivités aient une autonomie fiscale, et décident de leurs propres compétences. » Ce qui permettrait « que nos politiques publiques soient en capacité de prendre en compte les initiatives citoyennes ». Le président de la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC), Frédéric Hocquard, veut lui aussi « franchir une nouvelle étape » de décentralisation. D’autant que sur ce sujet « le dialogue s’est abîmé avec l’État ». L’adjoint à la maire de Paris est venu aux BIS avec une double proposition : « Déplafonnons la taxe de séjour avec un fléchage des recettes sur la culture. Et mettons un critère culture dans les dotations globales de fonctionnement [DGF versées par l’État aux collectivités en fonction de paramètres précis, NDLR) afin que soient bonifiées les villes vertueuses sur la culture ». Il faut, tranche-t-il « changer de rapport entre l’État et les collectivités ». Ce sont « des pistes très fécondes », lui répond “l’État”, représenté à Nantes par son directeur général de la création artistique, Christopher Miles. Lui l’assure : « l’espace de négociation État-collectivité c’est le plan Mieux produire, mieux diffuser », dans lequel l’État promet d’abonder les fonds locaux. Pour conforter l’« exception culturelle française » qui fait que « la culture est imbriquée dans les autres politiques », complète plus philosophe, Aurélie Filipetti, directrice des affaires culturelles de Paris et ex-ministre de la Culture, il faut résister « à l’offensive médiatique des extrêmes ». Et « c’est à travers la liberté de création qu’on peut défendre notre vision du monde ».

Défendre sa liberté
Une liberté de création et de diffusion mise à mal ces dernières années avec des attaques répétées, parfois violentes, souvent sournoises. Mais aussi, désormais, le spectre de l’autocensure. Aux BIS, Agnès Tricoire, avocate, (lire aussi page 5), estime que des risques pèsent aujourd’hui à trop vouloir, parfois, prendre les devants. « Le débat doit toujours remplacer la censure sous toutes ses formes, avertit-elle. La censure est toujours un renoncement, jamais un acte de courage. » D’autant plus que, prévient-elle, « interdire a priori c’est ouvrir la porte à l’extrême droite, lui fournir des outils juridiques » qu’elle retournera. « Si quelque chose d’inadmissible se passe dans une spectacle, là on peut mobiliser le droit pénal et faire condamner », rappelle-t-elle. Face aux attaques, complète Aurélie Hannedouche, directrice du Syndicat des musiques actuelles (SMA), « il faut toujours réagir sur le plan médiatique, politique et juridique, pour ne jamais banaliser ces faits, ». Pas toujours évident quand « ces pressions sont exercées par des municipalités qui font partie de l’arc républicain, via par exemple une ingérence dans les programmations. » Là, un risque d’autocensure guette tous et toutes : « À préférer la sécurité à la liberté, n’allons nous pas finalement perdre les deux ? » Aymeric Seassau (PCF), adjoint à la culture de Nantes, le martèle : « La première ligne de conduite, c’est la tolérance zéro ». Il pointe surtout « une censure par l’appauvrissement »... quand des collectivités « suppriment les aides à la création ». Financements et liberté sont inextricables.

Jérôme Vallette

 

L’absence inédite de la ministre
Nommée six jours avant les BIS 2024, Rachida Dati a manqué à l’appel du 20e anniversaire, ces 17 et 18 janvier. « C’est la première fois en vingt ans qu’un ministre ne se rend pas au BIS », a précisé son organisateur, Nicolas Marc. Un résumé lapidaire du rendez-vous manqué avec un spectacle vivant dubitatif voire vexé par cette absence. « Soyez sûrs de ma mobilisation entière », a-t-elle fait lire par Christopher Miles. « Je veux défendre une politique publique protectrice, ambitieuse [...]. Porter un spectacle vivant exigeant et populaire, partout pour tous. » Dont acte ? 

En partenariat avec La lettre du Spectacle n°552

Légende photo : Aux BIS 2024

Crédit photo : Philippe Anessault

 

Agnès Tricoire : « En devenant une association, nous pourrons ester en justice »

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Agnès Tricoire

L’Observatoire de la liberté de création devient une association. Sa présidente, l’avocate Agnès Tricoire, nous détaille ce tournant.

L’Observatoire prend son envol et quitte la LDH ?
Nous ne quittons pas la Ligue des droits de l’homme (LDH) qui reste l’organisation fondatrice, et continuera à défendre avec nous la liberté de création et de diffusion des œuvres. En devenant une association, nous pourrons ester en justice et développer des missions propres comme la formation et la médiation. Il y a un besoin énorme de connaissances juridiques sur le sujet de la censure, de l’entrave à la liberté de création et de diffusion des œuvres. Et nous constatons aussi que, trop souvent, des situations se verrouillent alors qu’une médiation permettrait de débloquer les choses. Depuis 20 ans que nous travaillions nous avons une expertise que nous souhaitons mettre à la disposition du spectacle vivant.

Et sa gouvernance ?
L’Observatoire continuera à être le lieu privilégié des organisations qui le composent, une quinzaine, un chiffre ayant vocation à grandir. Dans la période qui s’annonce, il faut être unis et fermes sur les principes, sans tomber dans le dogmatisme, ce dont nous nous sommes toujours gardés. Avec Daniel Veron (trésorier), François Lecercle (vice-Président) et Thomas Perroud (secrétaire), nous continuerons à animer l’Observatoire dans le respect constant d’une démocratie transversale, la marque de fabrique de notre groupe. Nouveauté : entreront au CA des personnalités qui éclairent nos débats par leur savoir immense. L’Observatoire restera un lieu de discussion interdisciplinaire, et de solidarité entre tous les genres culturels.

Aux BIS, vous avez insisté sur le fait que le débat doit toujours remplacer la censure... 
J’ai souligné la différence considérable entre ne pas programmer – une liberté protégée par la loi de 2016 –, et désavouer ses propres spectacles, ce que nous dénonçons. Si un spectacle fait l’objet d’une polémique, il faut tenir bon et organiser une discussion avec les contestataires. J’ai aussi critiqué la position des Zénith qui acceptent, alors qu’il a été maintes fois condamné pour antisémitisme, de louer leurs salles à Dieudonné. Or ils n’y sont pas contraints. Tout cela pour demander ensuite au préfet d’interdire son spectacle, position absurde et dommageable. Ce n’est pas au préfet de faire de la censure a priori et cela crée un précédent fâcheux quand la demande est faite non par un groupe de censeurs d’extrême-droite, ce dont nous avons l’habitude, mais par le délégataire d’une salle culturelle. Attention à ne pas rétablir insidieusement la censure des spectacles, abolie au début du XXe siècle. On sait à qui profiterait ce système. Enfin, on ne peut pas débattre avec tout le monde, ni avec ceux qui dénoncent les œuvres tout en refusant de les voir, ni avec ceux qui sapent les fondements de notre République avec leurs discours discriminatoires.

Propos recueillis par Jérôme Vallette

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°552

Légende photo : Agnès Tricoire

Crédit photo : Julien Pebrel

Marseille : Montévidéo expulsée par le propriétaire des lieux

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Jean-Marc Coppola

A Marseille, ce qui reste de l’équipe de Montévidéo termine les cartons pour quitter définitivement cet espace de création culturelle le 31 janvier. Les trois associations qui occupaient depuis plus de vingt ans ce lieu (le festival Actoral, la compagnie Diphtong et Montévidéo) sont expulsées par le propriétaire qui souhaite vendre l’ensemble immobilier de1 500 m2.

Huit licenciements
Huit des onze salariés ont été licenciés et les finances des associations sont à zéro depuis la saisie de 123 000 euros de retards de loyers, en septembre dernier. Montévidéo n’a plus le statut d’établissement recevant du public (ERP) depuis le récent passage d’une commission de sécurité. Des travaux d’un montant d’un million d’euros seraient nécessaires. La Ville n’a pas préempté le lieu et n’a pas fait d’offre à la hauteur du prix espéré par le propriétaire. Selon l’adjoint au maire en charge de la culture, Jean-Marc Coppola, les « offres au propriétaire ont été revues à la baisse en tenant compte du marché. Nous avons une responsabilité morale et politique de retrouver un lieu, ce que nous avons fait. »
Seule solution de repli : l’ancien couvent de la Cômerie, qui appartient à la municipalité, laquelle a proposé une convention d’occupation temporaire de six mois, renouvelable une fois. Mais cet ensemble n’est pas non plus classé ERP, il nécessite des travaux et ne dispose pas d’un plateau. Montévidéo recevait des artistes en résidence grâce à 5 hébergements (et 5 autres mitoyens), deux studios et une salle de diffusion de 50 places. « Nous nous dirigeons vers la précarité la plus totale, assure Hubert Colas, directeur du lieu. J’ai l’impression que la Ville méconnaît tout le travail mené ici. Montévidéo était un lieu d’accueil important pour les jeunes compagnies. Nous avons annulé toutes les résidences prévues au premier trimestre. » Une réunion avec la DRAC et les collectivités s’est tenue lundi 22 janvier. Ces dernières ont assuré les trois associations du maintien de leurs subventions en 2024. L’État ajustera son soutien en fonction des activités de Montévidéo, désormais hors les murs.

Nicolas Dambre

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°552

Légende photo : Jean-Marc Coppola

Crédit photo : D. R.

Festival : Trajectoires tente la mobilité dans les Alpes-Maritimes

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Parler Pointu, de et avec Benjamin Tholozan

Le festival coopératif Trajectoires du 11 janvier au 16 février se déroulera dans ses lieux associés sur l’ensemble du département.

La cinquième édition de Trajectoires a lieu du 11 janvier au 16 février dans les Alpes-Maritimes. Ce festival coopératif accueille pour la première fois deux extraits de créations du festival Fragments, celle de Lamine Diagne avec Raymond Dikoumé et celle d’Héloïse Janjaud. Le Forum Jacques-Prévert, à Carros est en effet partenaire de Fragments depuis 5 ans, et coordonne le Festival Trajectoires. Pierre Caussin, directeur de cette scène conventionnée d’intérêt national art, enfance & jeunesse, confie : « Des maquettes de spectacles et étapes de travail peuvent intéresser des professionnels. Nous pourrions envisager des rencontres professionnelles sur notre thématique des récits de vie et de la création contemporaine. L’idée – récente – de circulation des publics fonctionne, mais elle reste modeste. Nous n’avons pas de billetterie centralisée. » Il relève un autre défi : la mobilité des artistes. « Les frais d’approche sont élevés pour faire venir des équipes dans les Alpes-Maritimes, car ce n’est pas un territoire facile d’accès. Ils sont parfois aussi importants que les coûts de cession. » C’est pourquoi le Forum Jacques- Prévert reçoit, par exemple, une grande forme (10 personnes sur la route), Le Dîner chez les Français, qui passera ensuite par la Criée à Marseille.

L’an dernier, des Rencontres interrégionales et internationales de diffusion artistique, organisées dans le cadre du festival, posaient opportunément la question : « Quels modes de coopérations pour rompre l'isolement ? » (La Lettre du Spectacle du 11 janvier 2023). Pour Trajectoires, sept lieux s’associent au Forum : le Théâtre national de Nice, le Théâtre de Grasse, la Scène 55, le Théâtre de la Licorne, l’Université Nice Côte d’Azur, et la médiathèque de Mouans-Sartoux. Une dimension départementale et un nombre d’opérateurs qui ne devrait pas s’accroître. Ces théâtres coopèrent depuis longtemps lors du Festival de Danse Cannes - Côte d’Azur France, bien que les échelles et les logiques soient différentes. Dix-huit spectacles sont proposés lors du festival Trajectoires, dont 7 créations (Parler Pointu, Fils de bâtard…), et plusieurs œuvres présentées pour la première fois dans la région.

Nicolas Dambre

En partenariat avec La Lettre du Spectace n°551

Légende photo : Parler Pointu, de et avec Benjamin Tholozan 

Crédit photo : Blokaus808