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Le Festival d’Avignon garde ses financements publics

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Avignon festival

Le conseil d’administration du Festival d’Avignon du 20 avril a entériné l’annulation de la 74e édition. L’État, la Ville, la Communauté d’agglomération, la Région et le Département maintiennent à 100 % les subventions prévues pour 2020. Le premier mécène, le Crédit coopératif, a confirmé son apport dans sa totalité. En juillet, un programme audiovisuel et numérique baptisé En rêvant du Festival d’Avignon sera proposé, avec France Culture, France Télévisions et Festival-Expériences. Est également envisagée l’organisation d’une « Semaine d’art », à l’automne. L’hypothèse des vacances de la Toussaint a été avancée. Le terme de Semaine d’art fait référence aux prémisses du festival d’Avignon, en 1947, à l’initiative de Jean Vilar. 432 emplois seront maintenus ou indemnisés jusqu’au 31 juillet.

Cette mesure concerne des professionnels du spectacle qui sont à 70 % des résidents du bassin d’emploi territorial. Le Festival d’Avignon s’engage à maintenir les apports en coproduction actés pour les créations 2020, même si le spectacle ne peut pas être présenté au Festival d’Avignon, à sanctuariser l’enveloppe d’apports en coproduction pour 2021 et à assurer un co-financement des projets pour la 75e édition. Il mettra en place avec les compagnies programmées lors de la 74e édition des mesures d’accompagnement selon leur situation : indemnisation en cas d’annulation, report à l’automne 2020 ou reprogrammation en 2021. La FabricA sera à la disposition d’équipes artistiques pour des résidences à partir de septembre pour terminer les spectacles. Les actions artistiques et culturelles sur le territoire se poursuivent. 

Yves Perennou

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°470 bis

Crédit photo : Eric Deguin

Off : des lieux en détresse économique

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avignon off

L’annulation du Off d’Avignon, annoncée le 16 avril, fragilise de nombreux lieux de la cité des Papes. Le Théâtre Artéphile chiffre déjà ses pertes à 70 000 euros, celui des Lucioles à 100 000, sans les salaires de ses deux directeurs, Ghislaine et Patrick Journaut. Ce dernier confie : « Nous avons remboursé les acomptes des compagnies qui étaient programmées et gardé les avances de celles qui souhaitent jouer à l’été 2021. C’est une catastrophe économique pour nous, car nous louons notre théâtre 50 000 euros par an et nous remboursons des emprunts. Un prêt bancaire à 0 % ne ferait que reporter nos dettes, sans compter qu’il coûte 0,25 % plus une assurance et que le taux n’est pas fixé pour le années suivantes. » Le Théâtre Artéphile, lui, ne pourra pas solliciter de banques car il n’a pas dégagé de bénéfices. « Nous compenserons sur nos deniers personnels. Quant à une éventuelle annulation des charges et impôts directs, comme aucun contrat n’est signé, cela n’aurait aucune incidence pour nous », constate Alexandre Mange, son directeur.

Parmi les 140 théâtres, beaucoup espèrent – sans trop y croire – la création du fonds d’urgence, réclamé par le Off. Au théâtre du Verbe fou, la directrice Fabienne Govaerts appelle aux dons via la plateforme Helloasso : « Le Verbe Fou ne peut malheureusement bénéficier d’aucune des aides proposées par l’état car il n’entre dans aucune des catégories visées par les décrets actuels », regrette-t-elle. Si la plupart des compagnies programmées en 2020 sont prioritaires dans les programmations 2021, y aura t-il besoin d’effectuer un travail de programmation ? « Cela va limiter les créneaux pour d’autres artistes. Il faudra sans doute innover pour répondre à toutes les demandes », analyse Charles Petit, administrateur du Théâtre du Train Bleu.

Il ajoute : « Nous assumons seuls les remboursements des acomptes d’un tiers aux 25 compagnies programmées, elles avaient déjà vu leurs représentations supprimées au printemps. Quant à la trésorerie, l’avenir du Train Bleu dépendra surtout de l’attitude des banques. » Au-delà des compagnies, cette annulation touche les salariés en CDD de ces théâtres, près de 30 pour le Train Bleu, une quinzaine pour Artéphile. Les équipes de billetterie, de restauration, les ouvreurs et les attachés de presse ne seront pas engagés et ne toucheront donc aucun salaire.

Nicolas Dambre

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°470 bis

Crédit photo : Eric Deguin
 

Tournées musicales : déplacer, redéplacer les dates...

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Gaël Faye

Déconstruire et décaler une tournée, jouer des coudes pour trouver des créneaux, reporter des dates déjà reportées une première fois… les producteurs de concerts naviguent à vue. Chez Auguri, les cinq bookers avaient reporté les concerts prévus jusqu’au 15 avril et font désormais de même avec ceux programmés en mai. Romain Leclerc est en charge de la tournée de Gaël Faye. L’artiste – guéri du Covid-19 – devait entamer mi-mai des répétitions, puis une résidence de création durant 5 jours, à la Sirène, scène de musiques actuelles de La Rochelle, avant un concert prévu le 29 mai. Une résidence qui risque de ne pas se tenir, maintenant que les festivals sont remis en question.

Gaël Faye est programmé dans une quinzaine d’entre eux. Une tournée de salles de 1 200 à 1 500 places était notée à partir du 6 novembre, un mois après la sortie du nouvel album de l’artiste. Son tourneur a changé son fusil d’épaule et reconstruit une tournée de SMAC de 800 places, décalant au printemps 2021 celle initialement prévue à l’automne. « Mettre en vente en septembre des places pour de grandes jauges aurait été compliqué vu l’embouteillage qui s’annonce, il faut du temps pour remplir ces salles, alors que les billetteries sont actuellement à l’arrêt. Pour des salles plus petites, Gaël Faye représente une tête d’affiche attractive. »

L’équilibre financier sera plus délicat à atteindre pour ces salles, avec un coût de plateau important, que ce soit en contrat de cession ou de coréalisation. Autre problème : le télescopage des tournées prévues en deux périodes, au printemps et à l’automne. Par exemple, un concert de Tim Dup a été reporté à Nantes d’avril à juin à Stereolux (350 places), il pourrait être à nouveau décalé à l’automne avant un second concert prévu début novembre à la Bouche d’Air (600 places). Une partie du public serait revenue le voir à sept mois d’intervalle, mais un mois après ? Une inconnue que vont affronter de nombreux artistes, tourneurs et lieux.

Nicolas Dambre

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°470

Légende photo : Gaël Faye

Crédit photo : D. R.

Théâtres de ville : « Les scènes publiques doivent agir avec prudence»

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Cécile Le Vaguerèse-Marie et Frédéric Maurin

Entretien avec Cécile Le Vaguerèse-Marie et Frédéric Maurin, coprésidents du Syndicat national des scènes publiques (SNSP)

Quelle est la position SNSP sur le paiement des cessions annulées ? 
Frédéric Maurin : La même que celle de de l’Usep-SV : dans la mesure du possible, payer le coût de cession. Cela veut dire aussi qu’on raisonne au cas par cas. Même si la clause de service de rendu est levée, il y a une diversité de statuts et il arrive que des exécutifs de collectivités territoriales ne souhaitent pas que les contrats soient honorés.
Cécile Le Vaguerèse-Marie : Au début de la crise, tout le monde disait qu’il fallait payer les cessions. Et nous sommes d’accord sur ce principe. Mais la facture commence à s’alourdir. Nous avons des retours d’adhérents, depuis huit jours, à propos de maires qui demandent de ne pas sortir les plaquettes de la prochaine saison, disant qu’il n’y a pas de visibilité sur la perte financière. On peut imaginer qu’à la fin de l’année, des maires prennent la décision de suspendre certains versements.
F. M. : Nous avons obtenu des engagements de grosses collectivités territoriales que les budgets 2020 ne seraient pas touchés. Mais pour les micro-collectivités et les petites intercommunalités, on voit que certains porteurs de projets vont payer cash la crise.

C’est aussi l’effet du report des élections municipales ?
C. LV-M. : Oui, cela joue beaucoup sur les retards de décisions. Nous travaillons avec les adhérents au cas par cas. On a entendu des artistes pointer du doigt certains adhérents qui ne pouvaient pas payer les cessions, alors que l’ordonnance le permettant n’a été publiée que le 25 mars. Il y a une méconnaissance des statuts des théâtres de ville qui sont souvent en régie directe, où le directeur ne peut pas décider seul. Les directeurs de théâtres de ville ne sont pas des « patrons ».
F. M. : Des villes se retrouvent avec des maires qui ne souhaitaient pas proroger leur mandat, d’autres avec des maires qui étaient en ballotage défavorable après le premier tour... En plus, la loi Notre a réorganisé nos territoires. Nous avons des communautés de communes toutes neuves de 40 à 50 communes qui se retrouvent dans un cas de figure inédit : elles ne peuvent pas installer leurs exécutifs. Elles sont, de plus, face à une priorité de santé publique. Dans cette situation, même des lieux labellisés naviguent à vue et si un élu leur conseille la prudence, ils en tiennent compte. Nous travaillons sur ces sujets avec les fédérations d’élus, comme la FNCC et l’AMF, mais elles non plus, ne sont pas en ordre de marche.

Faut-il gonfler les saisons 2020-2021, pour accueillir les dates reportées ?
C. LV-M. : Il faut être bons gestionnaires. Nous ne sommes pas arc-boutés face aux élus. On voit les priorités : écoles, Ephad... Tout le monde devra faire des efforts.
F. M. : Un report sur le dernier trimestre de l’année civile 2020 d’accord, si cela entre  dans les budgets. Ensuite, on n’a aucune visibilité budgétaire sécurisée pour mettre du surnuméraire. Il faut prendre en compte un autre enjeu : les théâtres de villes et scènes conventionnées portent aussi de la création artistique. Elles risquent d’être la variable d’ajustement. Certains diront : « Arrêtez le soutien aux résidences, ce n’est pas catastrophique. » Si, ce serait catastrophique.
C. LV-M. : Les reports prennent la place d’autres spectacles. Or nous ne pourrons pas augmenter la programmation. Nous sommes aussi confrontés aux difficultés de mobilité internationale des artistes.

Faut-il prévoir des clauses de dédits pour prévenir les risques de fermeture ?
F. M. : Tout le monde va être très vigilant, mais nous ne sommes pas dans une économie avec des engagements de plusieurs centaines de milliers d’euros. C’est vrai qu’on va être plus prudent dans la contractualisation de la saison 2020-21, il faut faire attention.

Comment ressentez-vous l’annulation d’Avignon ?
F. M. : Ceux qui vont prendre le plus cher, ce sont les compagnies indépendantes. L’économie du spectacle de divertissement prendra aussi un coup dur. Nous accompagnons une équipe qui avait un programme depuis deux ans, avec une exploitation au 11 Gilgamesh en 2020 (théâtre du Off d’Avignon) et toute une stratégie autour de la diffusion s’écroule. Il y a aussi une charge mentale négative.

Propos recueillis par Yves Perennou

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°470

Crédit photo : D. R.

« On se dirige vers une paupérisation des artistes »

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Philippe Gautier

Trois questions à Philippe Gautier, secrétaire général du Snam-CGT

Le chômage partiel est-il une solution à l’annulation des festivals d’été ?
Le chômage partiel, c’est valable pour les contrats ou les promesses d’embauche. Pour les festivals, les engagements des artistes à forte notoriété étaient formalisés, mais pas ceux de la masse des artistes. Même pas une formalisation relative, une promesse d’embauche. L’intérêt du chômage partiel va s’estomper avec la fin du printemps, car les contrats ne sont plus signés depuis le 17 mars. Ensuite, le ministère de la Culture a fait savoir que les artistes au cachet seraient éligibles mais le décret a tardé à sortir [il a été publié le 15 avril, NDLR]. Enfin, il y a le GUSO, avec une masse salariale annuelle brute de 150 millions et très important dans la musique. Pour l’instant, il n’y a pas d’interfaçage entre le GUSO et l’activité partielle pour ceux qui avaient des contrats.  

Quelles solutions chercher ? 
Nous avons entendu le président de la République parler d’aides spécifiques. Jusqu’ici, elles n’étaient pas possibles. Elles vont peut-être le devenir. Nous allons mettre en ligne une pétition sur l’assurance chômage. Quand on pensait qu’on compterait le confinement en semaines, on revendiquait la neutralisation de la période. Maintenant, il faut compter en trimestres. Cela veut dire qu’à partir du moment où l’activité sera reprise, chaque intermittent devrait disposer d’encore un an avant d’être en fin de droits. Mais, après notre accord « raisonnable » de 2016 sur l’assurance chômage, les intermittents du spectacle sont ceux qui ont le salaire de remplacement le plus faible par rapport à leur salaire antérieur. La situation entraînera de faibles allocations et une paupérisation des artistes. à laquelle va s’ajouter une baisse de recettes pour ceux qui bénéficient de revenus d’auteurs compositeurs ou de recettes de droits équitables et de la copie privée.

Des signes d’espoir ?
Dans cette crise, beaucoup de solutions partent du bas. Les gens commencent à se remuer. On le voit à des signaux multiples. Nous recevons plus d’adhésions que nous n’en avons jamais eu. Il y a un besoin d’agir collectivement, de faire front ensemble.

Propos recueillis par Yves Perennou

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°470

Crédit photo : D. R.

Lyrique : à l’opéra, le casse-tête du travail à distance

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Le Nozze di Figaro

L’Opéra national de Bordeaux a annoncé la fermeture de son établissement jusqu’au 30 avril – et probablement bien plus tard. Soit quatre semaines au-delà du confinement imposé par les autorités. Car contrairement aux orchestres et ensembles de musique qui peuvent monter un concert rapidement, les productions de l’opéra nécessitent un temps de préparation collectif et de montage technique incompressible. « Il y a une maîtrise de la mise en scène qui ne se fait que sur le plateau, de manière collective, pour penser le rythme et le mouvement des uns et des autres », explique Olivier Lombardie, administrateur de l’ONB. Pour un concert symphonique, les musiciens ont l’habitude de travailler chez eux. Ils viennent au pupitre seulement trois ou quatre jours avant le concert.

« Avec ce type d’événements, nous sommes confrontés à un autre problème : l’annulation des chefs et solistes étrangers qui ne parviennent pas à s’organiser pour venir en France. » Les plus impactés dans leur travail artistique sont les danseurs du ballet dont la vie est organisée autour de répétitions collectives quotidiennes. « Ils font beaucoup de visioconférences, entre les danseurs et le directeur de la danse qui les aide à travailler sur le plan physique. Mais un ballet doit respirer à l’unisson. Et de ce point de vue, il est difficile de mesurer les conséquences du confinement sur la perte de technique collective. » 

David Prochasson

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°469

Légende photo : Le Nozze di Figaro

Crédit photo : Drottningholms Slottsteater

Syndicats : le Prodiss chiffre les pertes d’activité

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logo prodiss

Réagissant aux annonces du 18 mars, par le ministre de la Culture sur les aides au secteur, le Prodiss juge que les 11,5 M€ du CNM et les 5 M€ du ministère pour les autres disciplines que la musique et les variétés représentent un « effort totalement décorrélé de la réalité : il est dérisoire, en termes de montant, au regard de la situation actuelle et des nécessités réelles de la filière ». Avec le cabinet EY, le Prodiss évalue à 590 M€ la perte totale de chiffre d’affaires (recettes de billetterie, contrats de cession de spectacles, locations de salles, recettes annexes de bar, restauration, sponsoring…) causée par l’interruption forcée des activités de l’ensemble du secteur du spectacle vivant privé, du 1er mars jusqu’au 31 mai, soit 477 M€ pour la perte de chiffre d’affaires des 360 entreprises membres du Prodiss et 63 M€ de perte de chiffre d’affaires des théâtres et producteurs privés représentés par le Syndicat national du théâtre privé (SNDPT), ainsi que 50 M€ pour les cabarets représentés par le Syndicat national des cabarets et music-halls (Camulc).

Il s’agit donc là d’annulations de chiffres d’affaires prévus, sachant que, parallèlement, la situation entraîne aussi une perte d’emploi : « 20 400 artistes et techniciens engagés en CDD d’usage se retrouvent menacés, poursuit le Prodiss. A ceux-ci, s’ajoutent 8 506 personnes employées de façon permanente au sein des entreprises de production, diffusion et d’organisation des spectacles et des festivals, dont l’activité va être arrêtée sur la période. Du côté des cabarets et des théâtres privés, ce sont respectivement 3 500 et 5 500 personnes dont l’activité est menacée. »

Yves Perennou

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°469

Crédit photo : D. R.

Jeune public : tournées très impactées

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Je brûle (d’être toi)

La compagnie Les Bas-bleus a interrompu sa tournée de Filles et Soie, spectacle jeune public, dimanche, après deux représentations en tout public en Suisse. « Les séances scolaires ont été annulées et le service culturel qui nous programmait a payé les contrats de cession », indique Séverine Coulon, metteuse en scène. L’inquiétude pèse sur lees dates annulées du 19 au 21 mars, qui ont été signées par le service culturel de Guyancourt (78). « La direction nous dit qu’elle ne peut pas payer les contrats de cession tant que la situation n’est pas claire. Si la compagnie ne touche pas cet argent, nous ne pourrons pas payer l’interprète et le technicien qui sont intermittents ». Sa prochaine création, La Vie Animée de Nina W, sera créée en octobre. Une résidence de deux semaines devait commencer à La Minoterie, à Dijon (21), le 15 mars. Une autre, au CDN de Lorient (56), début mai, serait compromise, selon la durée des mesures.

La compagnie Tourneboulé avait trois spectacles en tournée ces prochaines semaines, dont Je brûle (d’être toi), créé cet hiver. Cela concerne 50 dates, dans neuf lieux, soit 184 cachets d’artistes et 500 heures de techniciens. « Les neuf contrats de cession annulés, cela représente un total de 83 000 € de vente de spectacles, note la metteuse en scène Marie Levavasseur. Le jeune public est un secteur déjà fragile. Les spectacles tournent beaucoup et nous sommes tous très impactés par les annulations et reports. Les lieux vont conserver leurs subventions. Du fait des annulations, ils n’auront pas de frais annexes à payer, comme l’hôtel. Ils ne feront pas de billetterie mais en jeune public, celle-ci est faible. La solidarité doit venir des plus forts. »

Tiphaine Le Roy

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°468

Légende photo : Je brûle (d’être toi), compagnie Tourneboulé

Crédit photo : Arnaud Bertereau

Théâtres privés : s’organiser et garder espoir

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Théâtre Mogador

Après les « gilets jaunes » et les grèves, la fermeture des lieux publics place les théâtres privés dans une situation délicate. A la Huchette, théâtre de 90 places à Paris, le directeur, Franck Desmedt, prévoit une baisse de chiffre d’affaires de 100 000 euros avec il est vrai, moins de charges à payer. Début mars, déjà, les spectateurs avaient commencé à déserter les salles. Le Théâtre des Deux Ânes table sur une perte de 60 % à 70 % en mars. « On fait 1,2 million d’euros de chiffre d’affaires par an, on sera probablement à 400 000 cette année », estime son directeur Jacques Mailhot. Dans l’immédiat, les responsables de billetterie gèrent les nombreux appels et e-mails des spectateurs. « On rembourse mais on essaye surtout de reporter, prévient Franck Desmedt à la Huchette. On explique qu’on n’a pas une trésorerie énorme, les gens sont compréhensifs. »

Le Mogador, l’un des plus grands théâtres privés avec 1 600 places, a annulé une dizaine de représentations de Ghost. Mais le travail continue jusqu’à nouvel ordre sur Le Roi Lion. « Assez incroyablement, on a une centaine de réservations par jour pour les représentations en septembre. Les gens gardent l’espoir. Et nos équipes techniques et artistiques continuent à travailler, en télétravail », assure Laurent Bentata, directeur général de Stage Entertainment. Pour autant, comme la plupart des théâtres, il sollicite des mesures de chômage partiel. Quid des intermittents ? « Selon nos juristes, l’intermittence serait prise en compte dans le chômage partiel », espère Laurent Bentata.

Le Théâtre des Salinières à Bordeaux travaille, lui, avec 45 comédiens intermittents sur ses différents spectacles à l’année. Son directeur espère honorer ses contrats. « On va protéger au maximum nos personnels si les aides promises sont effectives », affirme le directeur Frédéric Bouchet. Au Mogador, on veut rester optimiste : « Dans les différentes crises qui ont marqué le monde, il y a eu un fort engouement ensuite, avec le besoin d’extérioriser et de sortir. Restons positif même si aujourd’hui, on fait le dos rond. » Même son de cloche à La Huchette qui depuis 62 ans joue La Cantatrice chauve et La Leçon d’Ionesco : « Ce théâtre a connu dix présidents, Mai-68. C’est l’un des derniers à avoir une troupe permanente : la Huchette n’est pas menacé ! » 

David Prochasson

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°468

Légende photo : Le Théâtre Mogador, à Paris

Crédit photo : D. R.
 

Musiques actuelles : s’adapter à l’épreuve

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festival Coachella

Comme le fait observer Aurélie Hannedouche, déléguée du Syndicat des musiques actuelles, la crise bouleverse toutes les activités des scènes : « Les concerts bien sûr, mais aussi les résidences, les actions culturelles et les formations qu’il est impossible de reporter. » Arnaud Monnier, directeur de la SMAC EMB Sannois, au nord de Paris, détaille : « Notre première activité est la résidence de création, avec 45 groupes qui occupent notre salle 200 jours par an. Les résidences décalées à la rentrée prendront la place de nouveaux projets, tout comme les concerts prévus à l’issue de ces résidences. »  

Impact mondial 
Julien Catala, directeur de la société de production Super !, commente : « Les artistes américains que je fais tourner en France ont tous annulé leurs tournées européennes avant même les restrictions françaises. Nous tentons de caler des dates de septembre à décembre, mais certains ont aussi déplacé leur tournée américaine suite au report du festival Coachella d’avril à octobre. » Son entreprise, qui emploie 17 personnes, est passée au télétravail, les activités de production et communication pourraient être au chômage partiel. Celles de booking sont en surchauffe.

Billetteries mises à mal 
Les réseaux de distribution de billets sont en effervescence pour informer des annulations ou des reports et rembourser les spectateurs. Les producteurs doivent négocier le prélèvement appliqué sur chaque billet vendu pour en récupérer tout ou partie. « Les frais de réservation sont remboursés ou non selon les conditions générales des ventes de chaque distributeur. Les réseaux de billetterie vont connaître des problèmes de trésorerie avec l’arrêt des achats de places », juge Eddy Aubin, président de MyOpenTickets.

Festivals : lourdes pertes 
Parmi les premiers festivals annulés, Chorus (Hauts-de-Seine) ou Tomorrowland Winter (à l’Alpe d’Huez). Ce dernier avait déjà monté les scènes, les barrières et les énormes décors. Près de 20 000 personnes avaient acheté leur billet et réservé forfaits de ski et hébergements. Olivier Jacquet, directeur du festival Avec le temps, à Marseille, chiffre à environ 85 000 euros ses pertes, pour un budget de 350 000 euros. À Morlaix, le festival Panoramas devait se tenir du 10 au 12 avril. Son directeur, Eddy Pierres, réagit : « Le report est inimaginable. Resélectionner 40 artistes et trouver une date à l’approche de l’été, c’est impossible. » Les collectivités se sont engagées à ne pas annuler les subventions votées. Mais les quelque 200 intermittents du spectacle prévus n’ont aucune garantie, sauf ceux qui avaient déjà signé un contrat. 

Nicolas Dambre

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°468

Légende photo : Le report du festival Coachella, aux états-Unis, impacte les tournées en Europe

Crédit photo : D. R.