Aller au contenu principal

Infoscènes

Etude : menaces sérieuses sur les associations culturelles

Infoscènes
Image
opale

Opale, structure de soutien au développement et la professionnalisation des structures artistiques et culturelles, a lancé une enquête « flash », du 17 avril au 6 mai auprès d’un échantillon représentation de 800 associations culturelles employeuses, sur un total de 40 000 structures de ce type en France. 67 % des enquêtés se situent dans le champ du spectacle vivant et représentent un chiffre d’affaires total de plus de 5 milliards d’euros dont 2,3 milliards de subventions publiques et 2 milliards de recettes d’activité. Près des trois quarts des subventions publiques dans l’activité du spectacle vivant viennent des collectivités. La crise liée au Covid-19 a été aggravée par « la forte concentration saisonnière d’une partie de l’activité culturelle », note l’étude qui ajoute : « Le report d’activités et d’événements laisse craindre une saison 2020-2021 sous tension, à la fois densifiée et différée, avec des effets de concurrence accrus et des conséquences pour l’ensemble des associations culturelles employeuses ».

L’étude estime qu’une baisse de 50 % de l’activité sur l’année entraînerait une perte de 1,5 milliard de recettes propres. Leur survie dépendra des subventions. Or un quart d’entre elles ne disposent pas d’aides au fonctionnement. « Sans perspective claire, il leur est difficile de déposer des demandes de subvention pour 2020 ou 2021. On peut supposer qu’il y a un risque non négligeable de baisse de volume de subventions », écrivent les auteurs Cécile Offroy, Priscilla Martin et Luc de Larminat. Des risques qui vont provoquer une tension sur l’emploi, avertissent-ils. Les 40 000 associations emploient environ 350 000 salariés. Au-delà des possibles faillites et de disparitions d’associations, la situation menace les droits culturels et le respect de la diversité des expressions culturelles. Opale propose des pistes : la garantie de paiement des équipes en cas d’annulation,  le renforcement de l’accompagnement, la protection des travailleurs en situation précaire, la mise en réseau des associations, plus de solidarités et de coopérations, un travail permanent d’observation participative et partagée.

Yves Perennou

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°472

Crédit photo : D. R.

Festival : « Les artistes sont soulagés du report de la biennale »

Infoscènes
Image
Dominique Hervieu

Entretien avec Dominique Hervieu, directrice de la Biennale de la danse de Lyon

Pourquoi avoir renoncé à la Biennale après avoir annoncé son maintien ?
La Biennale n’est pas annulée, elle est reportée. Il s’agissait à tout prix d’éviter l’annulation de pièces qui ne pouvaient voyager ou répéter. éviter l’annulation, c’est éviter que les artistes ne puissent ni faire ni montrer leur œuvre. Ces quinze derniers jours, nous étions en train d’assister à des dérives : les artistes dénaturaient leurs projets, renonçaient à ce qu’ils voulaient faire pour répondre aux contraintes. Tous les artistes sont soulagés. Au moins, ils savent ce qu’ils vont faire. Nous n’avons pas de certitude sur ce que sera la situation dans neuf mois, mais les artistes auront le temps pour s’organiser, et nous aussi.

Combien cela coûte-t-il ? 
Nous commençons à étudier la situation, mais il fallait que quelque chose soit sûr. Pour le report, il faudra des ajustements. Par exemple, la création de Dimitris Papaioannou était prévue à l’opéra qui ne sera peut-être pas libre en juin 2021. Il reste le TNP, mais la salle ne fait que 600 places contre les 1 000 prévues… J’ai eu la garantie des tutelles qui maintiennent toutes leurs financements pour juin 2021. Ils l’aiment leur Biennale. Cet attachement s’est exprimé avec force. Ce report est aussi l’occasion de belles surprises. Le projet de Robyn Orlin avec la chanteuse Camille qui devait être produit par la Philharmonie en mai et créé en ce moment, a été annulé. Je devais l’avoir pour la Biennale. Je me suis rendu compte qu’il y allait avoir superposition de nos dates avec celles des Nuits de Fourvière. J’ai proposé à Dominique Delorme, le directeur, que l’on collabore. Il a déjà programmé Camille, et le projet lui plaît. Le projet va trouver sa place aux Nuits de Fourvière !

Que deviennent les créations prévues ? 
Je pense que nous allons pouvoir assurer la plus grande partie des grands projets. On va avoir Papaioannou. On trouvera un théâtre. François Chaigneau pourra plus facilement développer son duo avec le Japon. Angelin Preljocaj sera ok en juin 2021. Pour la création de Yoann Bourgeois, il y a une fenêtre. Nous avons un peu plus de problème avec les petits théâtres en région. Souvent, ils ferment fin mai. Nous voudrions tenir la Biennale entre le 15 mai et le 15 juin 2021, avec un focus si nos partenaires nous suivent, sur le week-end du 7 juin.

L’édition suivante sera-t-elle décalée ?
Nous travaillons sur l’hypothèse d’une Biennale 2022. C’est-à-dire que nous envisageons le report simple de la Biennale, pas un décalage avec maintien de la périodicité. Les discussions en sont là. Le maillage local, l’éditorialisation, le travail avec les partenaires sont liés à une organisation sur deux ans. C’est un rythme qui me convient bien : il y a la saison de la Maison de la danse à côté.

Propos recueillis par Philippe Verrièle

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°472

Légende photo : Dominique Hervieu

Crédit photo : F. Delhay

Prestataires : après la survie, la concurrence ?

Infoscènes
Image
prestataires

Les conséquences des annulations de spectacles ont été immédiates et radicales pour les prestataires de la scène. Le groupe B Live (son, éclairage...) a fermé depuis mi-mars les sites de ses 14 sociétés et estime que son chiffre d’affaires (75 à 80 millions d’euros) sera au moins divisé par trois avec les reports du Printemps de Bourges et de nombreuses tournées. Pour le Désoiffeur, spécialiste de la vente ambulante de bière dans les stades et festivals, son directeur général Benjamin Laflaquière, observe : « Les rassemblements de plus de 5 000 personnes sont notre cœur de métier, avec 10 à 200 vendeurs. Je m’attends à une perte de plus de 90 % de mon chiffre d’affaires cette année. »
La société bretonne Art Light devait intervenir dans de nombreux festivals (Art Rock, Vieilles Charrues…) : « Nous n’avions pas reçu de bons de commandes ni d’acomptes », confie Emmanuel Gourong, directeur technique. Mais si des acomptes sont prévus dans les conditions générales de vente et ont été versés, ils ont bien souvent été remboursés, livre Alexia Beyaert, gérante de Carriage R.V. (location de tourbus), « afin de préserver une bonne entente avec des clients souvent fidèles. » Malgré de lourdes charges, comme le remboursement des emprunts pour la cinquantaine de véhicules que loue la société.
Le Syndicat des prestataires de services de l’audiovisuel scénique et événementiel (Synpase), relève par la voix de son délégué général, Philippe Abergel : « Quelle que soit la taille des entreprises, elles contractent une dette importante pour investir dans du matériel, ce qui pèse sur leur chiffre d’affaires. Sur le terrain, nous constatons souvent que le prêt garanti par l’État peut être validé par la BPI, mais pas par la banque. Si d’autres mesures ne sont pas prises pour soutenir les entreprises, nous allons assister à de nombreux licenciements et dépôts de bilan. »

Reprise des chantiers ?
Seule lueur d’espoir avec la fin du confinement, la reprise des chantiers et de l’équipement des salles de spectacles, qui représentent environ 15 % du chiffre d’affaires des prestataires, d’après le Synpase. Durant cette crise, le syndicat a conçu le site Prestataires solidaires, pour fournir savoir-faire et matériels aux services d’urgence.
Quelques uns ont su rebondir. Comme le Désoiffeur, qui a adapté son dispositif à la distribution de gel hydroalcoolique dans les espaces publics. Mais cette activité restera anecdotique. Mikaël Maurin, directeur général adjoint du groupe B Live, avance : « Nous risquons d’assister, lors de la reprise, à l’amplification des phénomènes de concurrences entre prestataires sur la qualité ou sur les prix. » C’est également ce que craint le Synpase, par la voix de sa présidente, Frédérica Legeard-Lemée : « À long terme, nos entreprises devront pouvoir conserver leurs marges pour rembourser avances et prêts. Il ne faudra pas casser les prix pour sortir de cette crise. »

Nicolas Dambre

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°472

Crédit photo : D. R.

Orchestres et opéras : « Une fragilité d’autant plus grande à la rentrée »

Infoscènes
Image
Loïc Lachenal

Entretien avec Loïc Lachenal, président des Forces musicales, syndicat professionnel des opéras, orchestres et théâtres lyriques

Avec le déconfinement, comment voyez-vous la reprise ? 
La date du 11 est une étape. C’est progressivement qu’on lèvera les verrous. Au sein des Forces musicales, nous menons un travail avec des médecins du travail, avec Audiens, le CMB, des scientifiques, pour voir dans quel cadre sanitaire nous devrons mettre en place la reprise. C’est ce qui nous dira ce qu’on pourra faire ou pas pour les musiciens, ensuite pour retrouver le public. Nous savons qu’il faudra maîtriser les flux, mesurer les rassemblements, la distanciation. Nous devrons nous adapter. On sent chez les musiciens une grande envie de reprendre. Pour nous, directeurs, cette envie est chevillée au corps. Mais nous devons être raisonnables. Nous portons une responsabilité du fait que des gens qu’on va convoquer vont voyager, avoir des interactions.

Dans quelle situation économique se trouvent vos adhérents ?
Elle sera à étudier de manière très précise d’ici quelques semaines. Pour l’instant, il faut être vigilant à ce que les subventions soient versées, à la manière de faire marcher de pair les mécanismes de protection et les subventions : pour les EPCC (établissements publics de coopération culturelle), les EPIC (établissements publics à caractère industriel et commercial), la question du chômage partiel n’est pas encore réglée, même si le ministre s’y est engagé. Je défends que les artistes et le personnel administratif de nos structures y ont droit. Ils cotisent à ce droit, on ne peut pas faire de distinction par statut juridique. La situation économique des maisons va dépendre de cette équation-là.

Et dans la perspective de la rentrée ? 
La fragilité économique va être d’autant plus grande à la rentrée. Demain, nous serons dans une position d’aménagement. Il faudra annuler des choses qu’on avait déjà produites depuis deux ou trois ans et aménager une activité adaptée aux conditions sanitaires. Nous aurons peu ou pas de ressources de billetterie. La question est de savoir comment la crise va impacter l’activité : restrictions de places, distance entre musiciens, place des chanteurs sur scène, distance pour les chanteurs en chœurs... Aujourd’hui, on peut encore inventer des cadres. Fin juin, ce sera trop tard.

Faut-il annoncer les saisons, lancer les abonnements ? 
Certaines programmations sont déjà sorties. D’autres sont en cours. Certains décident de suspendre les réservations. à Rouen, j’ai décalé la communication d’un mois, à la mi-juin. J’espère qu’on aura une situation stabilisée pour donner un aperçu réel de ce qu’on pourra présenter à la rentrée. Les réabonnements, c’est le socle de nos structures. La situation va être nouvelle, d’autant qu’on ne connaît pas les conditions d’accueil du public : combien de personnes pourra-t-on accueillir. Ni comment le public va réagir. Il ne faut pas être particulièrement angoissé. Une partie du public aura très envie de revenir. Mais ce virus a instauré une peur de l’autre qui résonne sur la propre peur intime de la maladie.

Que deviennent les créations en projet ? 
C’est le plus compliqué. Notre domaine présente la complexité de rassembler des gens très différents pour des productions qui se travaillent plusieurs années à l’avance. La saison suivante était déjà faite, les reports s’envisagent sur une plus longue durée. Il y a des choses qui ne se feront pas. Le répertoire symphonique permet une plus grande adaptation, mais, pour les opéras, il y aura des annulations de créations et un effet de traîne, puisque les réseaux sont interdépendants. On a perdu au moins six mois d’activité. On ne pourra pas tout reporter. Avant même d’entrer dans le confinement, on s’est aperçu de l’extrême dépendance à la mobilité internationale des artistes. Nos projets ne peuvent exister que quand les artistes voyagent.

Vous gardez courage ? 
On reste positif. La période a montré que la population avait autant besoin des artistes qu’auparavant. Nous sommes maintenant sur un chemin progressif de reprise avec une adaptation. Ce temps de reprise est économiquement compliqué. Le secteur du spectacle vivant devra être maintenu sous système d’aide et il faudra un plan de relance pour qu’il redémarre. 

Propos recueillis par Yves Perennou

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°471 bis

Crédit photo : D. R.

Pour les danseurs, le retour au studio sera complexe

Infoscènes
Image
Practice

La reprise des spectacles de danse en septembre, même pour de petites jauges, confronte les compagnies à de grosses difficultés. Il ne suffit pas que le confinement soit levé, encore faut-il que tout le monde soit en forme et que l’on puisse se toucher. Une répétition, de danse ou de cirque, est une activité où il sera toujours difficile de respecter les distances. Or les consignes sont encore très floues : « Nous pouvons faire des tests et nous pouvons mettre en place des mesures de sécurité. Il y aura du gel, mais la crainte demeure qu’un danseur se retourne contre nous parce que nous n’aurons pas fait ce qu’il fallait », craint un directeur, tandis qu’un autre, installé dans une ville où le club de rugby est particulièrement actif, reconnaît s’être rapproché de l’équipe sportive pour connaître son protocole.

Les danseurs doivent reprendre les répétitions sans risquer de se blesser, pour cause de manque d’entraînement. Certes, les danseurs maintiennent leur forme et nombre d’expérience de cours à distance se développent, mais un retour trop rapide au plateau présente des risques. Le cours, essentiel pour la forme, est aussi fondamental pour la cohésion du groupe, d’où l’importance qu’il soit collectif. Or, les données actuelles postulent qu’il faut disposer d’environ 15 m3 pour une personne pratiquant une activité physique intense pour que la propagation du virus soit entravée. Cet espace n’est pas assuré pour toutes les équipes artistiques. Quant à l’usage d’un masque, il semble complexe dès qu’il s’agit de sauter ou de s’agiter.

Enfin, les artistes risquent d’oublier le respect de la distance dans le feu de l’action. Ces contraintes sont étrangères au monde de la danse. Pour reprendre les répétitions, encore faut-il que les danseurs soient présents. Le Ballet de Bordeaux avait un temps caressé l’idée de pouvoir redémarrer son programme d’avril à la fin juin, mais il a rapidement renoncé : plusieurs interprètes essentiels étant rentrés chez eux, à l’étranger, leur retour s’avérait très problématique. La compagnie disposait de ces interprètes, mais pour le nombre de spectacles programmés en 2021 et qui doivent entrer en répétition à partir de cet été, elle avait prévu des auditions en cette fin de saison. Faute de pouvoir les organiser, les chorégraphes envisagent soit de réduire leur ambition et donc leur effectif, soit de renoncer. La saison s’achève dans le trouble, mais la prochaine pourrait être bien pire.

Philippe Verrièle

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°471 bis

Légende photo : Practice, de Yuval Pick, au CCN de Rillieux-La-Pape, se poursuit en mai

Crédit photo : D. R.

« Contrer les effets de la crise »

Infoscènes
Image
Olivier Michel

Entretien avec Olivier Michel, président de Profedim, Syndicat professionnel des producteurs, festivals, ensembles et diffuseurs indépendants de musique

Où en est-on du paiement de contrats de cession ? 
Il semblerait qu’il y ait des lieux qui rechignent à rétribuer les équipes, ne serait-ce que sur le coût plateau ou le reste à charge après chômage partiel. Mais c’est minoritaire. Leur raisonnement est assez étrange, d’autant plus quand l’équipe artistique est importante comme c’est souvent le cas avec des ensembles, le fait d’annuler doit réduire les coûts d’accueil. Certes, il y a une perte de billetterie. Nous proposons qu’il y ait, à terme, une compensation des pertes de billetterie, d’autant qu’on se dirige vers des jauges réduites. On ne veut pas faire de la délation. On va envoyer des courriers à des organisations qui représentent ces lieux.

Le recours au chômage partiel explique-t-il ces refus ?
Le chômage partiel a un coût. Les restes à charges sont conséquents. Pour nous, ce qui compte, c’est qu’il y ait un avenant, que le report ne soit pas considéré comme un contrat identique. S’il y a report de la date, le ministère considère qu’on ne peut pas mettre les interprètes au chômage partiel sous prétexte qu’on doublerait la rémunération. Or on n’est pas sûr d’avoir la même distribution. L’activité partielle est un levier important et on souhaite que cela se poursuive. Nous avons réussi, en tant que Profedim, à obtenir un arbitrage favorable pour que les associations à subventions importantes y aient accès, mais une semaine plus tard, le dispositif était mis en question pour les établissements publics. Il y a eu une levée de boucliers des organisations syndicales. J’espère qu’il y aura un retour en arrière du ministère du Travail. Le spectacle vivant devrait pouvoir bénéficier du chômage partiel tant que la reprise n’est pas normale, ce qui prendra du temps.

Dans quelle situation économique se trouvent les structures musicales ? 
Il y a eu des pertes importantes chez les ensembles. Du côté des lieux, c’est variable, selon leur sensibilité à la billetterie. à l’international, il n’y a aucune compensation aux annulations. Récemment, nous avons obtenu de pouvoir déclarer en activité partielle un interprète d’employeur français qui devait jouer en Allemagne. En sens inverse, les structures qui attendaient des équipes étrangères en automne n’ont aucune visibilité. Nous avons aussi de grosses craintes du côté du mécénat. Et il y a de mauvaises nouvelles du côté des organismes de gestion collective (OGC). On a entendu récemment dire que la Sacem revoit à la baisse ses soutiens d’actions culturelle de 20 %, ce qui correspond à la baisse de recette de la copie privée. C’est d’autant plus grave que l’action culturelle de la Sacem soutient beaucoup le financement de commandes à des auteurs compositeurs.

Comment envisagez-vous la reprise ? 
Il va falloir distinguer le travail des artistes dans un espace clos ou pas, en présence ou pas du public. Les chanteurs émettent des postillons qui peuvent contaminer jusqu’à 5 mètres devant. Il y a la question des instruments, le nettoyage des instruments. Cela soulève des inquiétudes sur le contenu des programmes. Des orchestres revoient leurs programmes pour écarter les chœurs. Il y a des idées avec le numérique, mais il faut être  attentif à ne pas mettre le numérique à tous les endroits. Le spectacle vivant s’appuie sur la réception du public physique. La saison sera très fragilisée, ne serait-ce que dans le rapport au public. Dans quelle mesure peut-on faire deux représentations le même jour, pour réduire les jauges ? Dans quel cadre financier ? Il y a des salles qui vont revoir leur billetterie à la baisse et multiplier les représentations. Certains lieux demanderaient des efforts aux équipes artistiques. Ces sujets doivent être traités assez vite.

Vous comptez sur une relance publique ? 
A titre personnel, je pense que l’état devrait doubler son financement au spectacle. Il faut trouver des moyens de relancer, alors qu’on a des craintes de resserrement financier des collectivités et des OGC. L’état doit être garant de nouveaux financements. Nous commençons à réfléchir à des propositions artistiques qui se feraient en dehors du cadre de la boîte noire. On pourrait aussi profiter de cette situation pour que les équipes musicales soient plus présentes dans les lieux pluridisciplinaires, sur le territoire. L’idée n’est pas l’animation culturelle mais des adresses au public. Il y a aussi le crédit d’impôt, l’action à l’international. On réfléchit à toute sorte de moyens de contrer les effets à long terme de cette crise. Nous travaillons beaucoup avec les festivals en ce sens.

Propos recueillis par Yves perennou

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°471 bis

Crédit photo : Pierre Lucet-Penato

« Coup dur pour les auteurs de théâtre »

Infoscènes
Image
Vincent Dheygre

Trois questions à Vincent Dheygre, président des Écrivains associés du théâtre.

En quoi les auteurs de théâtre sont-ils très touchés dans cette crise ? 
D’une part, les maisons d’édition ont freiné leur activité, d’autre part les résidences d’artistes et animations d’atelier d’écriture sont à l’arrêt. Il y a eu des instructions pour donner la possibilité de payer les auteurs même s’ils n’ont pas été jusqu’à la fin des ateliers, mais beaucoup d’autrices et auteurs disent le contraire : les établissements scolaires ne les payent pas parce qu’ils n’ont pas terminé l’atelier. Sur les représentations, on est au point mort. L’annulation du Festival d’Avignon et du Off est un coup très dur.

Qu’en est-il des fonds d’aide ? 
Il y a le fonds d’aide SACD, le fonds SGDL (Société des gens de lettres) ou celui du ministère. Les conditions d’obtention sont très délicates. à l’arrivée, peu d’auteurs vont en bénéficier. De plus, la crise intervient au moment ou toute l’administration consacrée aux artistes auteurs étaient en réorganisation. Les autrices et auteurs sont face, aujourd’hui, à la complexité pour leur déclaration de revenus. Il faudrait qu’ils consacrent les deux tiers de leur temps pour administrer leurs droits. Avec la crise Covid, nous aurons six mois de disparition de revenus. En plus, certains d’entre nous écrivent aussi pour la radio, or la commande publique a baissé de moitié. Cette situation arrive au moment où la SACD a réduit l’action culturelle dont bénéficiaient les associations d’auteur à cause de la baisse de la copie privée. De plus, le mode de calcul des aides au fonctionnement a changé et les EAT ont perdu 8 % de leur budget.

Comment réagissent les EAT ?
Nous essayons de nous fédérer. Nous travaillons avec l’Afaa (Actrices et acteurs de France associés), le Syndicat national des metteurs en scènes et d’autres organisations pour parler d’une seule voix. Au sein de la chaîne de fabrication du théâtre les écrivaines et écrivains sont les plus fragiles. Ils n’ont pas de régime d’assurance chômage. L’annulation d’Avignon, pour nous, c’est une perte sèche. Cette situation confirme la nécessité de donner un tour plus syndical aux EAT. Suite au états généraux des écrivains de théatre, les EAT avaient dit qu’ils relaieraient les travaux de deux commissions, celle sur la parité et celle sur l’élaboration d’une charte de rémunération des auteurs dramatiques. Je suis heureux d’annoncer qu’on présentera cette charte issue du travail de commissions en conférence de presse, début octobre avec EGEET (États généraux des écrivaines et écrivains de théâtre). 

Propos recueillis par Yves Perennou

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°471

Crédit photo : D. R.

TV et radio à la rescousse de la création d’outre-mer

Infoscènes
Image
Marie-Pierre Bousquet et Greg Germain

Le Théâtres d’Outre-mer en Avignon (TOMA), plus connu sous le nom de la Chapelle du verbe incarné, n’a pas tiré un trait définitif sur le rendez-vous de juillet. Ses dirigeants, Marie-Pierre Bousquet et Greg Germain, vont proposer une web TV et une web radio destinées à faire événement. « Le festival est un moment essentiel d’exposition aux professionnels pour les artistes d’outre-mer et c’est aussi une occasion rare pour eux de jouer dans la durée et rencontrer le public », observe Marie-Pierre Bousquet. Pour compenser ce manque, l’idée est de s’appuyer sur l’expérience de la Radio TOMA menée ces dernières années pendant le festival, mais aussi sur le patrimoine de films de théâtre et de danse réalisés à la Chapelle du verbe incarné, soit quelque 200 captations diffusées depuis 16 ans sur France O par les productions Axe Sud de Marie-Pierre Bousquet. Ces films seront éditorialisés avec des plateaux, des analyses universitaires et des études critiques.

« Si les règles du déconfinement le permettent, nous verrons si nous pouvons aller tourner des films en outre-mer et les montrer dès juillet », espère Greg Germain. L’outil numérique sera utilisé pour maintenir l’interaction avec le public et les programmateurs. La web radio consacrera une émission de 55 minutes à chaque compagnie. « Nous accueillerons aussi les écrans du Tout-monde, les universités d’été de la Sorbonne Nouvelle, nous ferons une grande émission de radio filmée qui sera un direct avec la présence de nos compagnies sur tous les territoires. » Marie-Pierre Bousquet et Greg Germain pensent que l’expérience du confinement doit ouvrir les yeux sur le rôle des films de spectacle vivant : « Leur utilité va au-delà de garder la mémoire. Les gens les regardent et ne se satisfont plus de Netflix. Depuis longtemps, nous avons pensé à monter un festival de films de théâtre. Nous essayerons de le faire avec l’Université d’Avignon ».

Yves Perennou

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°471

Légende photo : Marie-Pierre Bousquet et Greg Germain

Crédit photo : D. R.

Les Théâtres privés en régions forment une association

Infoscènes
Image
Loïc Bonnet

« L’association est née à cause du Covid, mais elle lui survivra », assure Loïc Bonnet, directeur du Théâtre à l’ouest, à Rouen, qui préside l’association des théâtres privés en régions. Elle s’est montée, à la mi-avril pour faire entendre la situation des théâtres non subventionnés hors Paris, face à la crise. La première visioconférence a attiré 83 participants suivie d’une cinquantaine d’adhésions dès les premiers jours, selon Loïc Bonnet. Cette association s’adresse aux lieux de spectacle sous statut privé. Un mois et demi après la fermeture des salles, l’urgence est d’obtenir des aides et de se faire entendre. Un échange a déjà eu lieu avec le cabinet du ministre et la déléguée théâtre à la DGCA. La première aide passera par le fonds d’urgence au spectacle vivant privé dont la gestion a été confiée à l’ASTP, et qui doit concerner tous les théâtres privés (La Lettre du Spectacle du 24 avril).

Pour Loïc Bonnet, l’enveloppe d’état de 5 M€ pour ce fonds ne suffira pas : « Dans mon théâtre, je perds 18 000 euros par mois sans compter la masse salariale. Les salariés sont au chômage partiel. Pour le dirigeant, il n’y a rien puisque nous sommes au-dessus d’un million d’euros de chiffre d’affaires. J’ai de la chance d’avoir un peu de trésorerie, mais d’autres sont déjà à la limite et il faut payer les loyers, les assurances, les abonnements... Nous voudrions l’annulation totale des charges sociales sur 2020 ». Quand et comment se fera la reprise ? La question taraude les théâtres privés qui observent avec inquiétude l’attention portée à juste titre aux bars, hôtels et restaurants, à la télévision, tandis qu’on ne parle guère des théâtres et autres scènes.

Après la crise du Covid, l’association travaillera à un autre dossier, celui de la taxe sur la billetterie du spectacle privé et Loïc Bonnet espère bien que l’association participera à la réorganisation prévue de l’ASTP. Le bureau provisoire de l’association, en attendant la première assemblée générale, est composé de Loïc Bonnet, président, Xavier Viton (théâtres Trianon, Victoire et Molières à Bordeaux) trésorier, et  Christophe Graffeuil (théâtre Royale Factory à Versailles) secrétaire.

Yves Perennou

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°471

Légende photo : Loïc Bonnet

Crédit photo : D. R.
 

Un fonds de secours pour tout le théâtre privé

Infoscènes
Image
Bertrand Thamin

Bertrand Thamin, président du Syndicat national du théâtre privé (SNDTP), se félicite de la mise en place d’un fonds d’aide qui s’adresse à tous les redevables de la taxe fiscale sur le billetterie du théâtre privéet aux compagnies. L’ASTP (Association de soutien au théâtre privé) en sera l’opératrice et travaillera sur un champ plus vaste que ses seuls membres. « Parallèlement au fonds d’urgence du Centre national de la musique, le ministère de la Culture et la Ville de Paris qui sont les financeurs principaux de l’ASTP ont décidé de prendre l’ASTP comme opérateur, expose Bertrand Thamin. Les critères d’attribution d’aides seront les mêmes pour tous. Les interventions des fonds [CNM d’un côté, ASTP de l’autre] sont exclusives les unes des autres. »

Stéphane Hillel, président de l’ASTP, précise : « Les contributeurs de ce fonds sont l’état, la Ville de Paris, l’Adami, et l'ASTP (cette dernière à hauteur de 600 000 euros). L’ASTP aura un rôle d’opératrice et le traitement sera automatisé à partir d’un portail d’inscription.» Les pouvoirs publics sont partis du principe que les entreprises de spectacle étaient soutenues, comme les autres, par le chômage partiel pour les coûts de personnel. Ce fonds cible donc les charges fixes hors charges salariales : « Chaque entreprise va faire établir par son expert-comptable une quote-part de charges fixes hors salaires et charges patronales sur la base des deux derniers bilans et, en fonction des jauges, il y aura des pourcentages d’intervention », détaille Bertrand Thamin.

L’aide concernera aussi les producteurs, tourneurs et compagnies non-subventionnées ou uniquement subventionnées au projet, y compris la danse et le cirque de création. Pour les compagnies, le calcul de l’aide se fera sur un pourcentage des pertes relevant des annulations des dates prévues. Les aides seront calculées sur un barème entre 55 et 90 % des charges fixes (selon la taille de la structure) avec un plafond de 70 000 euros pour les théâtres et 45 000 pour les producteurs et tourneurs, la différence s’expliquant par les frais de loyer. Pour les compagnies, ce sera 15% du montant des contrats de cession annulés et non reportés, avec un plafond de 8000 euros. Ce fonds ne couvrira pas Avignon Off. Les besoins du fonds sont estimés à 8 millions pour les 10 semaines. L’Etat l’abondera entre 5 et 7 M€, a précisé Franck Riester. Une éventuelle reconduction reste à discuter. Les insciptions sur le portail devraient débuter en mai pour de premiers règlements début juin. « Il y aura un comité de suivi des contributeurs qui contrôlera la fluidité des process», précise Stéphane Hillel.

Yves Perennou

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°470 bis

Légende photo : Bertrand Thamin

Crédit photo : D. R.