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Comédie musicale : Les Misérables, retour gagnant ?

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Les Misérables

Fin de la malédiction pour Les Misérables en France ? La comédie musicale la plus vue au monde revient au Théâtre du Châtelet (Paris), à partir du 20 novembre pour 50 représentations. 

Le spectacle n’avait rencontré son public ni à Mogador (1991), ni au Châtelet (2010). Cette version a été revue côté orchestration et réécrite côté paroles pour près d’un tiers, en français, par Claude-Michel Schönberg (compositeur) et Alain Boublil (parolier d’origine). Le tout sous le contrôle du producteur britannique Cameron Mackintosh (ayant droit) qui propose toujours la version londonienne et de nombreuses tournées. Contrairement à de grandes comédies musicales montées en anglais au Châtelet (Un Américain à Paris, 42e Rue…), celle-ci est constituée de comédiens-danseurs-chanteurs français. Ils sont 50 (en alternance ou remplacements), soit 39 sur scène, accompagnés d’un orchestre de 14 musiciens (le double en alternance) dans une nouvelle mise en scène, de nouveaux décors et de nouveaux costumes.

Un budget de 5,3 millions
À l’origine imaginé pour la Salle Pleyel ou le Palais des sport, le spectacle tiré du roman de Victor Hugo, a été porté par la précédente direction du Théâtre du Châtelet, avant l’arrivée en 2023 d’Olivier Py, qui avait mentionné ce projet dans sa candidature. Cette nouvelle version est née de la rencontre en 2016 d’Alain Boublil avec Stéphane Letellier, qui produisait alors la comédie musicale Oliver Twist, salle Gaveau, mis en scène par Ladislas Chollat, qui met en scène les Misérables cette année. « Nous avons mis un an et demi avant de pouvoir rencontrer Cameron Mackintosh à Londres. Mais après 2h30 de rendez-vous il était convaincu par notre projet, disant qu’il ne comprenait pas le public français », se souvient Stéphane Letellier, gérant de SPJL Production, qui coproduit le spectacle (en apport d’industrie) avec le Théâtre du Châtelet et France Télévisions Distribution (en apport de marketing). Le budget de production et d’exploitation est de 5,3 millions d’euros, deux fois moins que Starmania. La production et le montage ont été plus rapides que pour d’autres spectacles, lancés 4 ou 5 ans avant leur première représentation. Pourtant, l’ambition est importante, avec près de 300 costumes, une machinerie complexe, deux énormes pentes motorisées ou encore des projections vidéo. « Nous avons bon espoir d’organiser une tournée en Zénith à partir de 2026, mais elle sera coûteuse vu le nombre de personnes sur la route », confie Stéphane Letellier.

Nicolas Dambre

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°570

Légende photo : Les répétitions à la Fondation Fiminco de Romainville

Crédit photo : Thomas Amouroux

« L’enjeu actuel pour le Glob Théâtre est la fidélisation des publics »

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Yoann Lavabre

Après 3 ans de fermeture (dont 18 mois pour travaux), le Glob Théâtre (Bordeaux), a rouvert en février 2023. À la tête de cette scène conventionnée depuis septembre 2023, Yoann Lavabre revient sur sa première année de mandat et commente les enjeux de sa première programmation.

Pourquoi le Glob ? 
Pour moi, c’est un retour au théâtre contemporain. Alors qu’avant, je dirigeais un théâtre municipal, avec une programmation au spectre plus large. Mais j’ai commencé comme administrateur au Théâtre-Studio d’Alfortville, avec un théâtre de répertoire contemporain – Sarah Kane, Edward Bond… C’est aussi un retour à un théâtre intimiste, avec une proximité scène-salle que j’affectionne. Les travaux en ont fait un outil sobre et performant, avec un plateau généreux et une jauge quasi doublée (190 places). Enfin, le Glob est une SCOP (société coopérative), un statut juridique qui m’intéressait pour le management collaboratif qu’il implique.

Quel bilan faites-vous de votre première année ? 
Le fonctionnement en SCOP est très agréable. Le projet est porté par toute l’équipe, chaque décision est discutée. Ce qui bouscule aussi, et réinterroge le rôle du directeur. Par exemple, j’ai soumis ma programmation pour la saison 2024-2025 au vote lors de l’assemblée générale. 

Comment l’avez-vous pensée ? 
Un des impératifs était de s’inscrire dans l’histoire du Glob. C’est pourquoi je porte une attention particulière aux compagnies locales, comme ce théâtre l’a toujours fait. Ce qui répond aussi à des contraintes budgétaires autant qu’à des enjeux écologiques. Sur 33 propositions, au moins 23 sont régionales et 16 sont bordelaises. J’ai souhaité une grande ouverture, en recevant une centaine de compagnies en entretien. Je programme également des artistes habitués du lieu, tel Renaud Cojo, et dont j’aime le travail. Enfin, je souhaite asseoir le Glob comme scène dédiée aux compagnies émergentes, en programmant parfois leurs toutes premières expériences pour favoriser leur visibilité. 

Comment qualifieriez-vous cette programmation ? 
Je la souhaite généreuse, inclusive, critique et pleine d’espoir. Et qu’elle traduise ma vision du théâtre comme un outil utile et nécessaire de compréhension du monde, à la fois en le reflétant et en le pensant.

Quelles autres orientations proposez-vous ? 
Je développe la programmation jeune public, sur le temps familial et scolaire, en créant notamment des parcours de 3 spectacles pour chaque niveau (maternelle, élémentaire, collège). De même que l’instauration d’abonnements, cela va permettre une fidélisation des publics, véritable enjeu actuel pour le Glob. Aussi, je souhaitais une saison coopérative avec l’extérieur, pour donner plus d’envergure aux projets et renforcer les collaborateurs – le Glob compris. Ainsi, outre l’accueil de spectacles lors de festivals tels Trente Trente, le FAB et Bienvenue, je lance aussi des festivals thématiques aux enjeux sociétaux importants, comme « Cultivons nos singularités ! » et « Cultivons le matrimoine ». Dans ce cadre-là, je cherche à embarquer d’autres structures du territoire (l’Opéra, la Manufacture CDCN, etc.) pour accueillir des propositions. Les festivals offrent aussi une meilleure synergie pour les publics.

Vos objectifs pour la suite ? 
Rencontrer le public avec ce projet-là. Et, à l’avenir, pouvoir programmer des représentations sur plus de 4 soirs, pour favoriser le bouche à oreille. La représentation en série fait partie de l’histoire du Glob (jusqu’à 8 soirs), ce qui est important pour les artistes – même si j’ai préféré être prudent pour cette réouverture. 

Propos recueillis par Hanna Laborde

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°570

Légende photo : Yoann Lavabre

Crédit photo : Marianne Efstathiou-Lavabre

En crise de modèle, les festivals esquissent des pistes pour rester vivants

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Royal Republic

L’écosystème des festivals, en grandes difficultés économiques, est prêt à évoluer, mais veut être accompagné en ce sens pour inventer un modèle de demain. 

Les festivals français de toute taille sont à la croisée des chemins. Si le public répond toujours, et majoritairement, présent, des changements de pratiques pointent. Sur le plan économique, « les dépenses augmentent plus vite que les recettes, le taux de remplissage ne suffit plus à lui seul pour atteindre l’équilibre », résumait au MaMA, Stéphane Krasniewski, directeur des Sud (Arles) et président du Syndicat des musiques actuelles (SMA). « Il a augmenté et est passé de 66 % à 95 % en moyenne de remplissage des jauges en 20 ans, analysait récemment (Midi Libre, le 8 septembre), Emmanuel Négrier, chercheur au CNRS. Les festivals ne peuvent plus se louper. » D’autant que les prix d’entrée sont arrivés à un plafond. 

Une mission de réflexion ministérielle
Le cul-de-sac, pressenti déjà avant le Covid, pourrait devenir délétère. La situation est telle qu’Ekhoscènes, syndicat du spectacle vivant privé, a officiellement demandé au ministère de la Culture un « groupe de travail » sur le modèle des festivals. Message reçu par Rachida Dati qui, en audition à l’Assemblée nationale, le 23 octobre, a annoncé « une mission de réflexion » à venir, pilotée par la Direction générale de la création artistique, sur le spectacle vivant, les festivals, la création. « L’État est prêt à accompagner les professionnels dans la réflexion sur leurs modèles », a-t-elle synthétisé, « pour réfléchir à la pérennisation et à la pérennité des festivals ». Ce sujet sera dans le rapport sur le budget du député Erwann Balanant (Les Démocrates). Ses pistes ? « Une moins grande concentration sur la période estivale, une politique d’aller-vers, la mise dans l’équation de l’enjeu climatique », et une réflexion sur des dispositifs fiscaux. 

Des solutions pour pivoter
Pour ce pivot inéluctable, la filière veut être aidée. « Il n’y a pas de réponse unique, ajoute Stéphane Krasniewski. Chaque festival doit faire son aggiornamento, et va travailler sur un modèle de décroissance, sur l’affirmation d’une identité forte, ou sur une diversification. Mais comment les accompagner pour que ces solutions soient modélisables et utiles à l’ensemble de la filière ? » Son syndicat plaide pour l’ouverture du fonds festivals (32 millions d’euros reconduits en 2025) à  des événements qui voudraient « prendre des risques ». France Festivals vient de caler son Forum national des festivals (les 13 et 14 mars 2025 à la Comédie de Reims), pour faire pivoter la filière, et pointe comme piste un accompagnement de long terme des festivals, et non plus au projet. Dans une lettre ouverte à Rachida Dati, l’organisation demande « une plus forte affirmation de l’importance du fait festivalier dans le discours politique ». « L’État répond présent, mais le soutien public ne peut pas être à l’infini », lui répond Rachida Dati. Et de pointer les festivals soutenus en DRAC passés de 169 à 772 (2019 -2023), les crédits de 10,6 à plus de 20,2 millions d’euros, ou encore le soutien du Centre national de la musique à 250 festivals en 2023.

Petits, mais costauds ?
Le Collectif des festivals (Rennes) vise, lui, des solutions à l’échelle de la filière avec une saison des festivals plus longue, et des fêtes plus petites. De quoi désengorger des événements devenus, parfois, des mastodontes à l’empreinte carbone discutable, dopés par des têtes d’affiche aux cachets délirants. Une question qui ne peut être mise de côté. Sans retourner à l’équilibre « d’avant », quand aller dans un festival était un acte culturel et social plus que de consommation, où l’on venait voir des artistes émergents, la fin de la course est peut-être arrivée.  

Jérôme Vallette

En partenariat avec La Lettre du spectacle n°569

Légende photo : Royal Republic, aux Escales à Saint-Nazaire (44)

Crédit photo : Eric Deguin

Pierre Guillois : « La comédie donne confiance au public »

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Pierre Guillois

Plus de 800 représentations et 323 000 spectateurs ! Les Gros patinent bien, poursuit son succès avec une importante tournée 2024-2025, tout en jouant au Théâtre Saint-Georges (Paris) jusqu’à fin 2024. Onze comédiens travaillent sur ce duo comique, joué jusqu’à trois fois par soir. Pierre Guillois, auteur, comédien et directeur de la Compagnie le Fils du grand réseau, défend un élargissement des publics en misant sur la combinaison privé-public.

Comment fonctionne la tournée des Gros patinent bien ?
La Compagnie le Fils du grand réseau est implantée en Bretagne et conventionnée par la DRAC. D’autre part, Ki m’aime me suive produit au Théâtre Saint-Georges et, avant cela, produisait au Tristan-Bernard. Cette année, le spectacle va jouer essentiellement sur ce qui est plus leur réseau que le nôtre, de théâtres municipaux. Des théâtres où la compagnie ne va pas souvent. Là, on a atteint une telle notoriété que c’est possible.

La diffusion est gérée par Ki m’aime me suive ?
Une grosse partie de la tournée est prise en charge par la compagnie : les scènes nationales, l’international… Les “ une seule date ”, c’est Ki m’aime me suive. Pour cela, ils ont fabriqué un nouveau décor (450 cartons). C’est un gros chantier. Maintenant, il y en a même trois. Et les équipes : 6 maigres et 5 gros. C’est la seule façon d’assurer tant de dates et le spectacle est éprouvant physiquement. J’ai passé les trois  dernières années à former des gens et composer des équipes. Aujourd’hui, c’est plutôt Olivier Martin-Salvan qui prend le relais. C’est un gros travail de répétition et un investissement.

Pourquoi ce succès ?
C’est compliqué de le savoir… Dès les balbutiements, le concept a emballé les gens, avant le  Molière. Que ce soit comique, c’est indéniable : la comédie donne confiance aux gens. Le bouche à oreille fonctionne fort partout où on joue plusieurs jours. Et il y a un élément intergénérationnel. Les parents viennent avec des enfants de tous les âges. Au théâtre, souvent le texte nous sépare à un endroit. Cette histoire, on ne l’a pas calculée.

Ressentez-vous tout de même les difficultés économiques des théâtres ?
Non. On est un peu honteux, mais on est à contre-courant. Nous devenons une valeur refuge. On ne se rend plus compte des difficultés sur nos nouvelles productions.

Et sur l’idée de programmateurs plus frileux sur les sujets dits sensibles ?
Je verrai avec les prochains projets qui sont des textes que j’ai écrits avec un humour assez vachard et des problématiques un peu sensibles. Le prochain, c’est Josiane, à partir du 22 novembre, au Théâtre de la Pépinière (Paris) qui est producteur, et non par ma compagnie. C’est un humour un peu rosse, parfois même un peu violent. Et la saison prochaine, avec la compagnie, je monte un spectacle avec des partenaires du théâtre public : un drame rural qui aborde le sujet du racisme.

Vous différenciez les codes d’expression entre théâtre privé et public ?
Non, c’est la même chose. Le spectacle que je monte à la Pépinière, j’aurais pu le monter dans le public. On a créé Les Gros patinent bien, et Bigre, dans le théâtre public. C’est le privé qui nous a invités. La directrice de la Pépinière connaît bien mon travail et je ne fais pas quelque chose de plus édulcoré ou plus comique. C’est le même registre.

Où en êtes-vous à l’international ?
On a fait le Fringe d’Édimbourg, à l’été 2023, sous le titre The Ice Hole. C’était un gros succès. On a de vraies perspectives avec le Canada, l’Australie, mais c’est très compliqué. La compagnie travaille l’international en direct. C’est un gros investissement, un peu effrayant. Autant l’Institut français est, pour l’instant, complètement absent et ne nous a pas accompagnés à Édimbourg, autant la DRAC Bretagne nous a soutenus en 2023 pour le Fringe d’Édimbourg, c’est tellement cher ! En Grande-Bretagne, vous faites un gros succès à Édimbourg, sans date derrière, parce qu’il n’y a pas d’argent. Il faudrait tourner à la recette. On cherche des productions à même de nous porter. Il faut être patient.

Un autre motif de patience, c’est votre idée d’un théâtre de la comédie.
Là, j’ai un peu laissé tomber. J’en ai parlé à deux ministres, ça n’a rien donné. Ce n’est pas grave. On tourne dans les scènes nationales, les centres dramatiques. On prouve que la comédie continue d’exister.

Serez-vous encore candidat à une direction de théâtre ?
J’ai échoué à Saint-Étienne et j’ai été un peu refroidi d’avoir touché de près ce qu’était une grosse maison. Je ne dis pas que je n’irai pas, mais la charge, le prix à payer pour être dans un lieu est tel que quand on a la chance d’avoir une compagnie qui marche bien, aller s’engager dans cet enfer… J’en avais envie pour me rapprocher du territoire, du public, travailler les séries. Avec la compagnie, on souffre de partir trop tôt des villes, au moment où on pourrait avoir des publics nouveaux, même s’il y a des petites victoires. Mais les cahiers des charges des lieux sont hallucinants et les ressources humaines, c’est très compliqué. Je ne suis pas le seul à le dire. 

Propos recueillis par Yves Perennou

En partenariat avec La Lettre du spectacle n°569

Légende photo : Pierre Guillois

Crédit photo : Erwan Floch

FALC en Scène, le théâtre pour tous

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La Jalousie du Barbouillé

Si le FALC (Facile à lire et à comprendre) est une méthode « de plus de 40 ans », selon le comédien et metteur en scène Matt K’Danet, le théâtre FALC est, quant à lui, une révolution.

L’ambition du théâtre FALC ? Transcrire et adapter à la scène des textes pour des personnes ayant des difficultés de compréhension – en raison ou non d’un handicap. Ainsi l’explique Matt K’Danet, aussi fondateur de l’association Zigzag, qui propose des pratiques artistiques aux « personnes aux besoins spécifiques », et porteur du dispositif FALC en Scène, « une mission de service public enthousiasmante ».
Après des essais « en interne » encourageants, un projet « plus élaboré » se conçoit entre Zigzag, des chercheurs, et des transcripteurs de l’Établissement et service d’aide par le travail (ESAT) La Roseraie (Yvelines), favorisant l’insertion sociale des personnes handicapées. L’idée, « être au plus près » du public concerné. Lauréat d’un appel à projets du ministère de la Culture, FALC en Scène obtient une bourse de 15 000 euros et un an d’accompagnement, avant sa restitution féconde en mai 2023. Au programme, l’adaptation de La Jalousie du Barbouillé, de Molière, Le Corbeau et le Renard, de La Fontaine, et Le Petit Chaperon Rouge, de Perrault. Cette recherche-création allie trois enjeux. Esthétiques, notamment par « une approche multisensorielle ». Scientifique, par l’objectivisation d’une méthodologie et de « pratiques collaboratives ». Et sociétal, par la proposition de métiers « d’experts » pour les membres de l’ESAT.

Vers un  approfondissement
Un FALC en Scène 2 se lance avec un laboratoire « plus conséquent », le Groupe de recherche sur le handicap, l’accessibilité, les pratiques éducatives et scolaires (Grhapes – Insei). Comme soutiens, la Fondation Malakoff et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), à l’apport « majeur ». En attendant celui des collectivités, et d’autres, pour combler les 200 000 euros manquants. Le projet compte de nouveaux partenaires de poids, dont la Cité internationale de la langue française et la FabricA du Festival d’Avignon – où sera montrée la pièce en 2026, adaptation d’un texte de Shakespeare. Des structures approchées « par ricochets, grâce à des acteurs du milieu du handicap ». À l’issue (2027), sortira un Guide des bonnes pratiques FALC – « une boîte à outils » –, adjoint d’un label, garants « d’incontestabilité ». Un objectif ? L’accès au « monde du théâtre professionnel ». Par des résidences de création – une au 104Factory (Paris) en 2025. Et par une diffusion élargie, en affirmant que le théâtre FALC est « tout public ». « L’élan est là, assure Matt K’Danet, mais chaque directeur de lieu doit en prendre conscience. »

Hanna Laborde

En partenariat avec La Lettre du spectacle n°569

Légende photo : La Jalousie du Barbouillé, de Molière

Crédit photo : Céline Sturm

 

Entretien : « Ces assises répondent à un besoin profond »

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Stéphane Fiévet

Stéphane Fiévet, comédien et metteur en scène, ancien président du Syndeac (2003-2006), directeur de la culture à Paris 2024, et aujourd’hui consultant, conduit pour le compte du Syndicat national des metteuses et metteurs en scène (SNMS-CGT), les premières Assises nationales de la mise en scène (anms2024.fr) qui se déroulent, à tour de rôle, et jusqu’en janvier dans huit villes de France. 

Quel bilan pour les premières journées des Assises ?
Les deux premières dates ont eu lieu à Lille – date inaugurale – et à Strasbourg, avant Paris, le 21 octobre au CNSAD. Cela a été un vrai succès de fréquentation, avec plus de 200 personnes au Théâtre du Nord, Centre dramatique national Lille-Tourcoing, et près de 130 au Maillon, Théâtre de Strasbourg scène européenne. Pour l’étape de Paris, nous avons ouvert les inscriptions, sans publicité, et nous avons déjà 150 inscrits. Nous allons sans doute être obligés de doubler la date. Chaque édition sera différente puisque les territoires sont tous singuliers. C’est pour ça que nous coorganisons ces dates avec des théâtres très implantés, nous travaillons ensemble pour monter l’édition régionale. Là, des partenaires locaux, comme l’Agence culturelle Grand Est pour Strasbourg, les DRAC, et les lieux qui nous accueillent nous aident, notamment pour le casting des intervenants. C’est une co-construction.

Que tirer de ces deux débats ?
Le principe des huit éditions est que c’est cumulatif. Ce qui est évident, c’est que sur énormément de sujets, nous avons entendu les mêmes choses, avec des variantes locales ou un pas de côté, avec des propositions inédites. Mais des fondamentaux apparaissent, deux-trois éléments qui ressortent très nettement. D’abord, l’état d’esprit des participants. Ces assises répondent à un besoin profond, que les metteuses et metteurs en scène expriment très vite : ils se sentent un peu seuls et ont besoin de ce partage entre professionnels. Cela entraîne un état d’esprit extrêmement positif : être au travail, ensemble, c’est inédit. Ce sentiment d’isolement de ces artistes conduit à une véritable satisfaction d’être dans le partage.

Comment se déroulent ces journées ?
Il faut comprendre qu’on pose les mêmes questions sur les mêmes territoires, car ce sont des assises nationales et qu’on veut avoir une consolidation nationale, avec trois thématiques d’ateliers-débats : la trajectoire [pour définir le métier et les parcours], le processus [pour mettre en tension la question des publics] et la responsabilité [sur le rôle du professionnel face aux défis contemporains]. Mais il y a aussi une dimension territoriale. Ce qui peut changer, selon le lieu, ce ne sont pas les questions qu’on traite mais la méthodologie. Nous avons trois rapporteurs qui sont de toutes les éditions. Et des modérateurs venus des territoires. Et, en fin de journée, une plénière de restitution. 

Et ça marche ?
Les premiers retours valident les sujets mais on doit affiner certaines méthodes (par exemple, réduire certains temps) et donner plus de temps à la proposition. On est dans la dialectique du constat, parfois douloureux, parfois non, mais aussi de la proposition. Ce qui est fort, c’est que ça valide le fait qu’il y a un impensé de la définition de ce métier alors qu’il est au cœur de la plupart des projets. On travaille pour dire ce qu’est être metteur en scène en France aujourd’hui. En tous les cas, nous sommes très satisfaits des premiers pas. J’étais un peu inquiet au début de savoir si cela allait être compris, mais non seulement c’est entendu, mais aussi très attendu ! Cette réalité a d’ailleurs été pressentie par tous les partenaires des assises qui ont tout de suite compris qu’il y avait un enjeu, quelque chose qui n’était pas travaillé.

Quels sont vos moyens ?
Le budget global est de l’ordre de 250 000 euros, sans les interventions en industrie des partenaires. Les Assises sont à l’initiative du SNMS, le producteur, mais chaque date est montée avec les lieux qui accueillent, avec à chaque fois un vrai investissement en ce qui concerne l’accueil et la coordination. Il y a aussi d’autres partenaires, financiers et en industrie (Afdas, Audiens, SACD, ASTP) et, bien sûr, le ministère avec la DGCA qui nous accompagne, ainsi que les DRAC.  

Propos recueillis par Jérôme Vallette

En partenariat avec La Lettre du spectacle n°568

Crédit photo : D. R.

Enquête : le rap, genre disputé entre festivals

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SCH au festival Golden Coast

Les vedettes de rap étaient partout cet été dans les festivals dits « généralistes ». PLK aux Vieilles Charrues, aux Nuits secrètes, à Garorock et aux Francofolies, Josman et Luidji également aux Francos et au Main Square, Shay à We Love Green, aux Eurockéennes ou au Cabaret Vert… À l’inverse, à Marseille, terre de hip-hop, la Fiesta des Suds (du 10 au 12 octobre) n’a pas proposé de têtes d’affiche rap, hormis MC Solaar. Son programmateur, Frédéric André, confie : « On se place par rapport aux salles et festivals marseillais, comme Marsatac, Delta ou Hip Hop Society. Inutile de marcher sur leurs platebandes. Et je recherche des propositions live étoffées sur scène, ce qui n’est pas toujours le cas dans le rap. »
Ce que confirme Éric Bellamy, président de Nouëva Productions, tourneur de Dinos ou d’Aya Nakamura : « Beaucoup de festivals généralistes misent sur les mauvaises têtes d’affiche de rap pour assurer leur billetterie et rajeunir leur public. Ils sont au final parfois déçus par la pauvreté du show et la fréquentation, vu le prix que demandent les artistes, jusqu’à 200 000 à 300 000 euros. Car l’économie d’une tournée se base surtout sur les festivals pour rattraper les pertes financières en salles. » 

Festivals 100 % rap
Pourtant, des festivals 100 % rap sont apparus ces dernières années, comme Grünt en 2022, Yardland ou Golden Coast cette année, affichant complet. Grünt (lire ci-dessous) et Yardland ont été créés en région parisienne par des médias spécialisés rap. Anthony Ferrat, producteur exécutif du Grünt Festival, analyse : « Notre force : Grünt existe depuis 2012 et il a un public très engagé. Il défend notamment une nouvelle scène apparue après la pandémie, avec La Fève, NeS ou Luther. Un public et une scène permettent de lancer un événement. Aujourd’hui, des professionnels de la musique viennent découvrir des artistes au festival, qui joue un peu le rôle de MaMA du rap ! » 

Cachets
À Dijon, la première édition de Golden Coast a rassemblé plus de 50 000 spectateurs, les 13 et 14 septembre, avec une programmation plutôt axée sur des têtes d’affiche comme SCH, Zola ou Booba. Pourquoi des festivals 100 % musiques urbaines maintenant ? « Aujourd’hui, il y a un public qui n’est que hip-hop et qui aime les textes en français, analyse Christian Allex, un des programmateurs de Golden Coast. Il y a aussi une offre artistique énorme qui impose aux artistes d’exister en permanence par les réseaux sociaux, le streaming et la vidéo. Que ce soient les festivals généralistes ou spécialisés, ce ne sont pas eux qui font monter les cachets des artistes de rap, leurs prix ne sont pas irréalistes par rapport à la pop ou aux artistes internationaux ». Ce festival qu’il a monté avec Matthieu Pigasse, Live Affair et Play Two Live a déboursé de 1 000 à 250 000 euros en cachets. « Les cachets augmentent parce que ces artistes sont très suivis mais aussi parce que l’on part de très bas », estime Éric Bellamy. La période est-elle un nouvel âge d’or pour le rap français ?  

Le festival de rap Grünt reste mesuré  
Pour sa troisième édition, le festival Grünt a déménagé du fort d’Aubervilliers au  parc de la Bergère, à Bobigny (Seine-Saint-Denis), proposant près de 30 artistes sur deux scènes les 20 et 21 septembre. Il est coproduit par le site Grünt Mag (qui réalise notamment 
des captations et des documentaires) et MadLine, structure créée par Mad Minute Music et Blue Line pour gérer l’établissement FGO-Barbara à Paris. Anthony Ferrat, ex-agent d’Alias a rejoint Structure (Yann Dernaucourt et Pierre Cornet) qui est désormais producteur exécutif de l’événement. Il affirme : «Nous n’avons aucune envie de devenir un gros festival, nous limitons notre jauge à 10 000 spectateurs par jour autour d’une programmation émergente et sans compromis.» Le budget artistique ne représente qu’environ 20 % du budget total, de moins d’un million d’euros, du festival. Le tout sans aucun partenaire alors qu’il peut être du double dans d’autres festivals. Les artistes invités ont tous réduit leurs cachets.

Nicolas Dambre

Légende photo : Le rappeur SCH au festival Golden Coast, le 14 septembre à Dijon.

Crédit photo : D. R.

Hénin-Beaumont : escalade de la crise à l’Escapade

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Escapade

Y aura-t-il une saison 2024/2025 à l’Escapade, théâtre de ville d’Hénin-Beaumont ? Il est permis d’en douter. Du moins, pas celle annoncée dans la plaquette. 

Jeudi 3 octobre, le spectacle d’ouverture, L.O.L.A, du collectif L’Intruse, n’a pas eu lieu en raison de la grève des artistes qui souhaitent « alerter sur la reprise en main imminente du théâtre de l’Escapade par la mairie Rassemblement national ». L’équipe artistique de Bord de mer, programmée le 10, a été « acculée à la grève » alors qu’il s’agissait de la première de la pièce. La compagnie Protéo, qui devait jouer le 17, refuse, elle aussi, d’être au plateau. Depuis plusieurs mois, le feu couvait en coulisse et la totalité des compagnies programmées cette saison ont rejoint le collectif « Escapade en danger ». Sur le site Internet du lieu, la billetterie est inopérante, « en cours de construction ». La chargée de médiation est partie ; le régisseur, un intermittent du spectacle qui a débuté à l’Escapade il y a 25 ans, a suivi. Le directeur, Jean-Yves Coffre, en poste depuis 2020, est en arrêt maladie. Jusqu’à présent, il était parvenu à maintenir une programmation exigeante, saluée par tous, coproduisant de nombreux artistes notamment des Hauts-de-France, sans que la mairie n’intervienne dans ses choix artistiques. 

Relations dégradées
Mais, en interne, les relations étaient très dégradées. En janvier, le président de l’association renégocie seul la convention qui lie l’Escapade à la mairie, propriétaire des lieux. Cette convention prévoit que la mairie peut, sous préavis de quinze jours, disposer de la salle et même la reprendre, dans un délai de deux mois, pour une gestion culturelle municipale. « Je travaillais avec un pistolet sur la tempe », commente sobrement Jean-Yves Coffre. La mairie exige une dizaine de créneaux cette saison, parfois incompatibles avec la programmation déjà arrêtée. 
Pour sortir de cette situation, une délégation du collectif a rencontré le président. « Nous lui avons tendu la main, car l’objectif est de sauver l’outil de travail », explique Maxime Séchaud, de la CGT Spectacle. En vain. « Il nous a même proposé de négocier nous-mêmes avec la mairie, c’est un comble... », rapporte le metteur en scène Stéphane Titelein, membre du collectif. 

La grève continue
La grève va se poursuivre, annonce Maxime Séchaud, « mais ce n’est qu’une des modalités de l’action. Nous travaillons avec le Synavi pour mettre en place une caisse de grève et trouver des reprogrammations pour les compagnies. »
Malheureusement, constate Laurence Raoul, juriste de formation et directrice déléguée du SNSP, « les leviers de la contestation d’une convention sont peu nombreux, dès lors qu’elle ne contrevient pas aux règles de sécurité. Les cas où des exécutifs décident de rompre brutalement une convention ne sont pas si rares et toujours sur des positionnement politiques. » De fait, lorsque l’on est propriétaire et principale financeur, on est en position de force pour imposer ses clauses.  

Bruno Walter

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°568

Crédit photo : D. R.

« Le festival du Chainon manquant est arrivé à maturité et s’est installé dans le paysage »

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François Gabory

Le Chainon manquant à Laval (Mayenne), festival porté par le réseau Chainon, a connu (du 17 au 22 septembre) un succès d’affluence tant des professionnels que du public. Un bilan qui récompense une structure arrivée à maturité. Rencontre avec François Gabory, son président. 

Êtes-vous satisfait de cette nouvelle édition ?
Oui, c’est un bon bilan. Cela fait plus de 15 ans que je suis président du réseau et chaque année, c’est de mieux en mieux. Nous arrivons à quelque chose de vraiment abouti. Cette année, 805 professionnels ont été accueillis, 400 professionnels sont venus en repérage de spectacles, nous avons eu plus de 13 500 entrées pour 74 spectacles...

C’est l’âge de la maturité ?
C’est un festival qui s’est vraiment installé sur Laval, qui plaît aux Lavalois dans sa singularité. Mais le Chainon manquant est à usage professionnel. Après Avignon, c’est vraiment l’autre plateforme de repérage pluridisciplinaire en France. Chaque année, ce sont autour de 1 300 à 1 500 dates qui sont achetées après le festival. Le réseau c’est autour de 400 lieux adhérents. Quand j’ai commencé ma présidence, nous étions 80.

Quel sont ses point forts ?
La majorité des professionnels restent trois jours et voient de 20 à 30 spectacles dont les durées sont bien coordonnées. À Laval, nous n’avons que de vrais lieux de diffusion. Et c’est simple d’accès. Enfin, tous les spectacles du Chainon ont été vus : on peut ne pas aimer mais on sait que sur 5 ou 6 spectacles il y en a toujours au moins 1 ou 2 qui sortent du lot pour soi-même. Cette année, nous avons vu un peu plus de producteurs parisiens en musique, car nous sommes pluridisciplinaires. Ce qui montre que le réseau est beaucoup plus identifié qu’il y a 15 ans. En la matière, notre programmateur, Kevin Douvillez, nous aide beaucoup.

Quel est le rôle du Chainon dans la diffusion des spectacles ?
C’est un remède, une aubaine, une opportunité. On n’a jamais un artiste qui s’est plaint de venir. Le réseau n’a fait que se développer avec ce souci de la diffusion, car c’est vraiment un réseau de diffuseurs, premiers prescripteurs de la découverte. On met 400 personnes « autour d’une table » qui forment un réseau de repérage de tout ce qui se passe en France. Le Chainon est un grand entonnoir qui filtre tout ça. Et ce que nous choisissons, c’est voulu et validé par le conseil d’administration qui porte la programmation, même si Kevin Douvillez (directeur artistique) nous conseille. Désormais, nous avons une place à côté de l’outil ministériel qu’est l’Onda. Le ministère de la Culture nous reconnaît vraiment dans cette mission, avec notre singularité et nos fragilités. Le Chainon est un tout-en-un avec un esprit qui reste quand même militant.

C’est un réseau associatif ?
C’est un réseau qui n’a pas énormément de moyens, qui est associatif oui : la disponibilité des collègues n’est jamais facile, car tout le monde est investi sur dix milliards de choses. Nous nous adressons essentiellement à des lieux non conventionnés, en grande majorité des théâtres de ville, des projets culturels de périphérie, en milieu rural, etc. Notre adhérent « moyen » est un service culturel d’une commune de minimum 10 000-12 000 habitants, avec un théâtre qui a entre 300 et 400 places, et un budget de programmation à l’année autour de 100 000 euros, avec évidemment de gros écarts.

Comment les adhérents choisissent-ils les spectacles ?
Nous organisons des réunions de tournées, par région, d’octobre à décembre où les adhérents choisissent les spectacles sur un catalogue tout simple, avec un prix, les conditions techniques, etc. Chaque année, on commence par une région différente, car les disponibilités ne sont pas les mêmes en début ou fin de cycle.  

Propos recueillis par Jérôme Vallette
 

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°567

Légende photo : François Gabory

Crédit photo : D. R.

Des musiciens du Concert d’Astrée sérieusement impactés par des artifices

Infoscènes
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Offrande musicale

Lors d’un spectacle du festival de l’Offrande musicale, des musiciens ont reçu des projectiles de feu d’artifice et subi des traumatismes auditifs parfois très sérieux.

Que s’est-il passé le 13 juillet au soir, sur le lac de Payolle (Hautes-Pyrénées), lors du spectacle Music for the Royal Fireworks, de Haendel, donné par le Concert d’Astrée, en clôture du 4e Festival de l’Offrande musicale ? Pour nombre de musiciens, ce fut un choc auditif et émotionnel d’une intensité rare. Cet événement, couplé à un feu d’artifice qui monte en puissance jusqu’à un final tonitruant, a donné lieu a des « traumatismes auditifs » documentés, une sidération et un accident du travail déclaré par le Concert d’Astrée pour ses 38 artistes. Trois musiciens seront d’ailleurs en arrêt le lendemain du concert. Une catastrophe.

Astrée déclare l’accident du travail
Les témoignages que nous avons recueillis sont éloquents et recoupent ceux publiés par La Lettre du Musicien. Plusieurs artistes ont comparé cela à « des bombardements » étant donné l’intensité des explosions sur la scène flottante, face à la montagne. Leur cheffe, Emmanuelle Haïm, s’en est elle-même émue dans un courriel du 16 juillet aux membres de l’ensemble. Le concert, admet-elle, « a été particulièrement éprouvant et traumatisant […] Malgré nos efforts, les dysfonctionnements ont été importants jusqu’à ce feu d’artifice catastrophique, incontrôlé et tonitruant […] L’équipe met tout en œuvre pour que nous puissions vous aider au mieux. » Dès le lendemain, sa directrice de production écrit aux personnels intermittents du spectacle afin de proposer « la consultation (au moins à distance) d’un médecin ORL si vous avez des symptômes persistants sur place ». Le courriel propose aussi « le contact d’un ORL parisien », connu de l’ensemble, « un formulaire » afin d’avoir « le retour le plus rapide possible » et de faire part « d’autres symptômes ». « Les déclarations d’accident du travail » pour tous seront faites, dit-elle. Pour conclure : « Si vous avez des dégâts sur vos instruments, éventuellement vos tenues, ou avez reçu des projectiles [veuillez me] l’indiquer. » Le 15 juillet, l’administratrice financière et RH informe que l’ensemble est « en train de faire les déclarations d’accident du travail » et pousse les artistes à faire « établir un certificat médical ». Le 16 juillet, elle prévient « des possibilités de consultations auprès du service médecin direct 24/24 h et 7/7j dans le cadre du contrat santé ». Une cellule d’écoute est en place pour ceux qui relèvent de la mutuelle d’Audiens. 

L’Offrande tarde
Ce n’est que le 17 juillet que la présidente du festival, Jéselyne Vallé, écrit aux artistes : « Nous déplorons vivement les désagréments que vous nous avez exposé avoir subis […]. Le festival présente ses plus vives excuses à ceux des musiciens qui souffriraient encore des nuisances sonores qu’ils auraient subies. » Un conditionnel mal à propos et tardif, pour les artistes. « David Fray, en sa qualité de pianiste, est particulièrement sensible aux problèmes liés à l’audition et tient à faire personnellement preuve de la plus grande compassion si des artistes souffraient encore », poursuit encore Jéselyne Vallé qui met la balle dans le camp de l’artificier, « celui qui organise les feux d’artifice privés de Versailles […] Nous lui adressons immédiatement un courrier pour l’interroger sur les points que vous soulevez : trop grande proximité des barges, point de départ des fusées, avec la scène et intensité des décibels, points sur lesquels nous n’avons nous-mêmes pas cessé d’insister.» 

Et l’artificier ?
Léopold Decourcelle se dit très surpris, « bousculé » par ces retours, d’autant que le festival de l'Offrande l'a encouragé à « lever toute suspicion sur ce qui s'est passé ». Il assure ne pas avoir reçu ce courrier. Sur la distance de sécurité, qui conditionne la prévention des risques auditifs, il affirme que « les 5 barges du tir de lancement des artifices étaient placées à 65 mètres de celle des musiciens alors que la distance réglementaire est de 50 mètres ». 
Et pour les effets de bombes ? « Le tir de lancement était placé à 145 mètres au lieu des 125 mètres réglementaires ». Pour lui, « aucune retombée de débris sur les musiciens », ni aucun incident dans le public signalé. Un déni de réalité ? Des membres du Concert d’Astrée le contredisent : « J’ai vu ce débris aux pieds de ma collègue et j’en ai reçu », dit l’un, étonné de cette assurance. Des photos ont été prises par l’ensemble. Pour un des musiciens, rompus à ces spectacles avec feux, « quand vous tirez sur l’eau, c’est un amplificateur. Et en plus entouré d’une chaîne de montagnes… C’était n’importe quoi. » Selon lui, l’artificier aurait averti de la configuration. Léopold Decourcelle assure même avoir envoyé à la cheffe d’orchestre les informations au mois de mai, avec les moments où le bruit serait plus intense : deux temps successifs de 2 minutes et 40 secondes, sur 19 minutes et 40 secondes de feu silencieux, dit-il. 
L’orchestre ne nous a pas répondu sur d’éventuels griefs envoyés à l’artificier ou au festival. L’Offrande musicale n’a pas plus levé nos interrogations sur son plan de prévention et sur l'envoi du dossier de sécurité (plan de tir et dispositions pour limiter les risques) à la mairie et à la préfecture. Une préfecture, elle aussi, insensible à nos questions. Le choc du 13 juillet les a-t-il rendu sourds ?

Arzelle Caron et Jérôme Vallette
 

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°567

Légende photo : Capture d’écran d’une vidéo réalisée par un spectateur.

Crédit photo : D. R.