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Part collective du Pass culture : « 25 millions d’euros ont disparu par rapport au budget réalisé en 2024 »

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Marie-Christine Bordeaux

Marie-Christine Bordeaux, professeure à l’Université Grenoble Alpes et chercheuse au Groupe de recherche sur les enjeux de communication (Gresec), membre du Haut Conseil de l’éducation artistique et du Conseil scientifique de l’Inseac – Institut national supérieur de l’éducation artistique et culturelle. Elle revient sur le gel des fonds de la part collective du Pass culture, un dispositif financé et coordonné par le ministère de l’Éducation nationale.

Que révèle la bronca contre le gel de la part collective ?
D’abord un niveau d’appropriation tout à fait remarquable par les acteurs éducatifs et culturels de ce dispositif. La protestation, qui est montée du côté des enseignants, chefs d’établissements et des artistes et acteurs culturels, révèle le succès de cet outil.

On a eu le sentiment que 25 millions d’euros disparaissaient...
Ce n’est pas un sentiment, ils ont réellement disparu par rapport au budget réalisé en 2024. En 2023, le budget était de 51 millions d’euros pour la part collective, puis 62 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2024. Et effectivement, 35 millions d’euros ont été rajoutés en cours d’année, pour aboutir à à 97 millions d’euros de budget 2024 réalisé, dans une grande discrétion. Ce n’est que récemment que ce montant a été rendu public, ce qui laisse perplexe. Pour l’année civile 2025, la répartition budgétaire annoncée (50 millions d’euros au premier semestre et 22 millions au second semestre) repose sur une vision de la chronologie de l’Éducation nationale qui n’est peut-être pas fausse mais qui ne tient pas compte de celle des programmations culturelles : si les projets pédagogiques sont concentrés en fin d’année scolaire, la programmation culturelle, elle, bat son plein en septembre-octobre. Le pari consistant à dire que 22 millions d’euros suffiront pour le second semestre me paraît sous-estimé. 

Combien d’élèves sont concernés par la part collective ?
Nous n’avons des chiffres fiables que pour l’année 2022-2023, issus d’Adage et analysés par le DEPS : 86 % des collèges et 89 % des lycées y ont fait appel pour au moins une action d’éducation artistique. Le budget dépensé, différent du budget sollicité, est moins important qu’on pourrait le penser [sont alloués de droit 20 euros par collégien et 25 euros par lycéen] car les collèges ont dépensé 46 % de ce budget et un peu moins de 40 % pour les lycées. On peut faire l’hypothèse pour 2023-2024 que le taux d’utilisation est supérieur puisque celui de la première année de plein exercice était déjà très satisfaisant. 

Pourquoi ça marche ?
Parce que c’est simple à utiliser, que les sommes sont allouées sans procédure d’appel à projets et qu’il y a eu une prise en main immédiate. Adage, le logiciel de gestion de la part collective, existait bien avant le Pass culture. Enseignants et établissements font remonter leurs demandes à partir d’une offre déposée. C’est donc à la fois une avancée budgétaire et un outil dont tout le monde s’est emparé. Cela marche aussi parce que la politique publique d’EAC, initiée en 1983, existe de longue date et qu’il y a une base solide d’acteurs de terrain. Et, enfin, parce que le dispositif redonne la main aux acteurs locaux : c’est une décision locale dans l’établissement et avec des partenaires de proximité.

Vous dites que le faible montant par élève a un peu libéré certains enseignants...
La part collective relève des dispositifs facilitateurs parce qu’elle repose en partie sur une offre catalogue. Cette façon de procéder est souvent contestée par les acteurs culturels et les militants de l’éducation artistique, qui défendent un modèle plus exigeant, fondé sur une affinité élective et une dynamique commune. Mais bien souvent, ce qui crée cette affinité, c’est qu’on se connaît déjà ou qu’on n’est pas étranger l’un à l’autre. Or une majorité d’enseignants ne se sent pas légitime ou ne souhaitent pas porter des projets ambitieux. Cette facilitation au niveau budgétaire, qui actuellement représente en moyenne 500 euros par projet, ne les engage pas très loin, dans un premier temps. Certes, ce n’est pas une vision très qualitative de l’éducation artistique mais c’est un premier pas. Ce qui est aussi facilitateur c’est que le dispositif est conçu comme un droit : c’est le premier depuis 40 ans qui est organisé de cette façon-là. Tout le monde a les yeux rivés sur la part individuelle mais ce qui se passe dans la part collective, qui était plus technique et moins visible, est vraiment intéressant. 

La ministre veut réformer le Pass culture...
Il n’y a pas d’unanimité du secteur culturel sur la part individuelle. Pour le dire rapidement, elle fonctionne bien pour les industries culturelles, très peu pour le spectacle vivant, qui a obtenu des inflexions. Le débat actuel est un vrai débat de politique culturelle. La culture pour tous ou la culture pour chacun ? Faut-il subventionner le bénéficiaire ou les producteurs de contenus culturels ? Les partis politiques n’ont pas tous les mêmes conceptions. Ce qui est étonnant, c’est que la part individuelle, en tant que version numérique de dispositifs plus anciens comme les chéquiers culture, ne s’est pas appuyé sur leurs études d’évaluation d’impact pourtant pleines d’enseignements sur la non-atteinte des scolaires qui en auraient pourtant le plus besoin et sur les effets d’aubaine. 

On fait les mêmes erreurs ?
C’est, en effet, la même histoire, cette fois à l’échelle nationale, avec non seulement une absence de médiations, mais une véritable négation de la nécessité de certaines médiations pour pouvoir toucher tous les publics. Ce n’est pas simplement un outil, c’est une question de politique culturelle générale. Faut-il financer aussi bien la création que l’action culturelle et la médiation ? Comment penser, aujourd’hui, la démocratisation culturelle face à ce que certains analystes ont présenté comme une crise, voire un échec de la démocratisation ? 

Cette part collective personne n’y a cru ?
Ce dispositif, malgré son rapide et remarquable succès, a été sous-estimé, car tout le monde avait les yeux fixés sur la part individuelle qui concentrait de nombreuses critiques et suscitait d’incessants débats. Il a fallu cet épisode de janvier pour qu’il soit connu d’un public plus large que celui de ses utilisateurs et de certains médias. 
Il a également été sous-estimé à cause de sa dénomination : il y aurait un dispositif global, le Pass culture, qui aurait deux « volets ». Or quand on regarde objectivement comment cela fonctionne, on a affaire à deux dispositifs différents, avec des objectifs différents, une gestion différente, des plateformes différentes et indépendantes. La part collective finance des actions et des projets, et se situe dans l’éducation artistique et culturelle, alors que la part individuelle finance une consommation individuelle, sans lien avec l’éducation artistique. Ce sont deux dispositifs que l’on doit analyser séparément et il serait plus clair, dans la perspective de prochains débats, de les dénommer différemment : chéquier numérique, pour la part individuelle, financement du 100 % EAC, pour la part collective. Cela permet, il me semble, de mieux identifier les enjeux. 

Propos recueillis par Jérôme Vallette

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°576

Légende photo : Marie-Christine Bordeaux

Crédit photo : D. R.

Organisation d’une France Music Week : une fausse bonne idée ?

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Wu-Lu

Annoncée en 2024 par Emmanuel Macron lors de la Fête de la Musique, l’idée d’une France Music Week prend-t-elle forme ou est-elle irréalisable ? 

Prenant modèle sur la Paris Fashion Week et le festival américain South by Southwest, « une semaine de rencontres professionnelles et de manifestations populaires, festives et musicales » aurait lieu du 16 au 21 juin 2025, selon les termes d’un appel d’offres publié le 28 janvier. Ceci afin de « replacer la France sur la carte de la musique mondiale », de valoriser sa création artistique et son savoir-faire.

Grand concert et rendez-vous business
Un grand concert de lancement ouvrira cette semaine au musée d’Orsay ou sous la pyramide du Louvre, avant deux jours de rencontres professionnelles et de showcases (« International Exchange Days »), une journée dédiée aux nouvelles technologies et aux « champions français » (« Music Innovation & Tech Day »). Le Château de Villers-Cotterêts accueillerait un projet de cocréation internationale tandis qu’une trentaine d’événements musicaux seraient labellisées dans toute la France. Un « sommet de haut niveau » réunirait les grands décideurs français et internationaux de la musique avec le président de la République autour des enjeux de la filière, clôturé par une « session musicale exclusive d’un artiste de renom », au château de Versailles. 

L’accueil mesuré de la filière musicale
La réponse à l’appel d’offres pour l’organisation de cette France Music Week a été fixée… au 14 février. Le Centre national de la musique (CNM) est missionné pour organiser cet événement, Corinne Sadki (Directrice des affaires européennes et du développement International) en est la coordonnatrice. Le budget est de un à deux millions d’euros. 
À l’heure des restrictions budgétaires, les syndicats ne se sont guère émus. Malika Séguineau, directrice générale d’Ekhoscènes, syndicat des entrepreneurs du spectacle vivant privé, estime : « Un événement qui met à l’honneur la filière est toujours positif et intéressant. Nous serons donc mobilisés pour rendre cela possible. » Pour Aurélie Hannedouche, directrice générale du Syndicat des musiques actuelles, « si Emmanuel Macron a de l’ambition pour la filière musicale, très bien. Attention à ce que ce ne soit pas qu’un événement parisien ou réservé à certains répertoires. » Angelo Gopee, directeur général de Live Nation France, qui organise désormais le Midem, n’y voit pas une concurrence, « car le Midem est un salon professionnel », et il ne répondra pas à l’ensemble de l’appel d’offres. Fernando Ladeiro-Marques, directeur du festival et salon professionnel MaMA, est, lui, dubitatif : « Je ne vois pas qui pourrait répondre vus les délais. C’est une décision personnelle d’Emmanuel Macron qui n’emballe pas vraiment le ministère de la Culture ou le CNM. […] La période est mal choisie car les artistes et les professionnels sont en tournée et en festival, c’est d’ailleurs pour cela qu’il n’y pas de rendez-vous pros internationaux l’été. Et cela risque de tuer la Fête de la musique. »

Nicolas Dambre

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°576

Légende photo : Wu-Lu

Crédit photo : Eric Deguin

 

Pass Culture : le ministère reprend en main la SAS avec une pilote expérimentée

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Laurence Tison-Vuillaume

La nomination de Laurence Tison-Vuillaume à la présidence de la SAS Pass Culture sonne comme sa « reprise en main » par la Rue de Valois, ce que recommandait d’ailleurs la Cour des comptes.

Cette nomination sonne aussi le début de la réforme voulue par Rachida Dati, sous la pression de plusieurs rapports, dont celui, très critique, de l’IGAC (2024) qui avait été chapeauté par Laurence Tison-Vuillaume, alors cheffe de l’inspection générale des affaires culturelles où elle a mis en place une réforme complexe de son administration. 
Pass Culture dans sa part individuelle est, selon les plus optimistes, « un succès relatif », comme le qualifie Christopher Miles, directeur général de la création artistique (DGCA) du ministère, avec 4 millions d’utilisateurs et 87 % d’une classe d’âge. Car il manque « les jeunes les plus éloignés de la culture […] et d’inciter les jeunes à une plus grande diversification de leurs pratiques ». Le ministère travaille déjà à un « bonus pour les jeunes les moins aisés, déscolarisés ou en situation de handicap […] le développement de la géolocalisation, de la médiation et de l’éditorialisation ». 

Les inspections en soutien
Mais la commande de Rachida Dati vise aussi l’élargissement du conseil stratégique « en prise avec les acteurs de terrain », une « transparence totale dans les critères d’éligibilité » et, enfin « un contrôle strict des coûts de fonctionnement » qui ont tendance à filer. La haute fonctionnaire (HEC, ENA), qui a œuvré à la Cour des comptes (2007-2011), dirigé le cabinet de Françoise Nyssen (2017-2028), ou encore été adjointe au DGCA (2013-2017) a aussi eu une expérience d’élue locale (maire adjointe de Rouen, puis vice-présidente de la région Haute-Normandie). 
Elle sera appuyée par « l’Inspection générale des finances, l’IGAC et l’Inspection générale de l’Éducation nationale. »  La prise de contrôle est totale, et semble nécessaire politiquement tant le dispositif fait face à de l’hostilité, notamment du spectacle vivant. Mais aussi désormais de la vice-présidente, très écoutée, du Sénat, Sylvie Robert (PS) : « Je pense que tout cet argent doit revenir à la création artistique et à l’éducation artistique et culturelle. Créons en ce sens un pass universel de la maternelle au bac au moins. »  

Jérôme Vallette

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°576

Légende photo : Laurence Tison-Vuillaume

Crédit photo : Didier Plowy

Thibault Sinay : « Difficile de vivre du métier de scénographe »

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Thibault Sinay

Le président du Syndicat des scénographes, costumiers et créateurs lumière décrit des professions malmenées par la réduction des productions.

Comment les scénographes vivent-ils le moment ?
Ce qui se dessinait déjà s’accentue. Le plan Mieux produire, mieux diffuser, va de pair avec une réduction des budgets. L’opéra qui était une valeur sûre est encore plus sacrifié. Le peu de productions qu’il reste s’y fait avec des bouts de ficelle. Les ateliers de construction commencent aussi à être en difficulté. Le scénographe vit de créations et une seule création ne suffit pas pour vivre. Son statut n’est pas adapté.

C’est-à-dire ?
Nous avons une double casquette d’artiste-auteur et de technicien du spectacle. Ce statut de technicien n’est pas le bon. Pour arriver à 507 heures, il faut faire beaucoup de productions, puisqu’en tant que technicien, on est bloqué à 8 heures par jour. L’annexe 10 des artistes est la plus juste pour nous et correspond à la réalité des heures que nous faisons. Aujourd’hui, quand nous travaillons en Europe, on ne peut pas déclarer nos heures. Pour la formation, c’est plus difficile. Le ministère nous renvoie aux partenaires sociaux où on n’arrive pas à faire bouger les lignes dans le marasme actuel. Il y a un risque de disparition du métier.

Où en êtes-vous sur le droit d’auteur ?
Le droit d’auteur s’applique pour l’exploitation et pour le réemploi. Mais les droits ne sont soit pas payés, soit refusés au moment de signer le contrat par de grosses productions privées qui commencent à avoir le monopole sur la scène parisienne. Le ministère nous répond « Faites des procès !». Mais aucun scénographe ne prend le risque de se griller pour gagner finalement peu d’argent.

Comment est perçu votre manuel de l’écoscénographie sur le réemploi des décors ?
Il y a encore de la pédagogie à faire. Les gens se bloquent. Or, quand nous disons qu’il y a un droit d’auteur à respecter, cela ne signifie pas que ce n’est plus possible. Le droit d’auteur n’est pas un frein au réemploi. Aujourd’hui, dans un souci général d’économie, le mot d’ordre est d’utiliser les stocks. Ce n’est pas agréable de voir son travail réutilisé sans être cité. Le ministère nous dit de faire des procès, mais ce n’est pas si simple. Souvent les contrats ne sont pas signés, ne sont pas clairs. Et il y a des relations de subordination fortes. Beaucoup de choses ne sont pas posées sur la place publique par les artistes qui ont peur d’être blacklistés.

Quel autre sujet à l’agenda ?
On suit les évolutions sur l’IA qui ne va pas forcément dans le bon sens. Nous sommes dans un moment charnière. Idem pour les costumes : on fait du contemporain parce qu’il n’y a plus d’argent pour des costumes d’époque. On aimerait que les journalistes critiques s’emparent de ces questions. Les partis pris artistiques sont parfois des choix par défaut. Si Eric Ruf revendique un décor vide pour Le Soulier de Satin, il faut aussi dire que l’atelier décor est en chantier. De façon générale, la presse ne souligne pas le manque de clarté.  

Propos recueillis par Yves Perennou

En partenariat avec La Lettre du Spectacle 575

Crédit photo : Cyril Cosson

Stéphane Krasniewski : « En vingt ans, le SMA a répondu  au besoin de représentation et est devenu une force de proposition »

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Stéphane Krasniewski

Le président du Syndicat des musiques actuelles, et directeur du festival des Suds (Arles), retrace le parcours de cette organisation qui fête ses vingt ans. De sa création dans un monde qui découvrait l’Internet, à l’arrivée de l’IA... 

Est-ce une fierté d’avoir vingt ans et de représenter plus de 600 structures ?
Oui, bien sûr. C’est une fierté de représenter encore vingt ans plus tard l’ensemble de la filière et d’avoir réussi à construire un syndicat pour cette filière qui n’était pas présente dans les instances alors. Le syndicat s’est créé pour répondre à cette attente. Et vingt ans plus tard, le SMA y a répondu, et est désormais force de proposition. Nous avons réussi à construire une organisation représentative qui, désormais, réussit à accompagner, voire anticiper les mutations et les besoins de la filière.

C’est un syndicat de l’intérêt général ? 
Nous défendons une certaine idée de l’intérêt général, avec des structures qui se reconnaissent dans les valeurs de l’économie sociale et solidaire. Pas nécessairement à but non lucratif, car nous avons aussi des sociétés, mais elles réinvestissent l’ensemble des bénéfices dans le projet. Nous nous retrouvons dans cette vision de la culture qui se met au service de l’intérêt général.

Ce qui a changé depuis 2004 ?
Tout. Quand on fait un flashback, pour préparer cet anniversaire, on voit qu’on a pris de face la révolution numérique, avec des transformations sur les modèles économiques, sur les habitudes des consommateurs, tout en en voyant les potentialités. Il y a vingt ans, c’était le début de YouTube, de MySpace. Aujourd’hui, on en est à des milliers de titres générés chaque jour par l’IA déposés sur les plateformes de streaming. En 2024, on avait des salles qui étaient encore en train de se structurer, le label scène de musiques actuelles n’avait que huit ans. Désormais, on a une multiplication des lieux, une diversification de leurs activités et des festivals devenus des acteurs structurants des territoires et de la filière. Mais ils doivent pour autant se réinventer, car ils sont en tension et à un moment charnière de leur existence.

L’euphorie des débuts passée, quelles sont vos grandes problématiques ?
C’est le financement et les moyens qu’on consacre à la culture, la volonté politique, la vision politique que l’on partage ou pas sur le rôle de la culture dans la définition du rapport à l’autre, et à nos territoires. Le tout dans un contexte politique et idéologique extrêmement tendu qui pose question. Par ailleurs, se pose le défi de l’avenir des festivals et des salles frappés par de multiples crises, mais aussi l’arrivée de nouveaux opérateurs. Et s’y ajoutent les cas de censure que l’on voit se multiplier. Tout ce contexte devrait nous amener à plus de solidarité dans la filière et à un renforcement du soutien public pour préserver cette exception culturelle. 

Craignez-vous pour l’existence de certains de vos adhérents ?
Oui, nous sommes inquiets que la conjoncture soit fatale à certains adhérents. Certains festivals ont déjà eu du mal. Tout le monde n’a pas vécu la sortie de crise sanitaire de la même manière. Certains ont pu amortir les mauvais chiffres grâce au soutien du Centre national de la musique, des collectivités, grâce à leurs fonds propres, mais ce n’est pas une situation qui leur permettra de pérenniser l’événement. Des festivals qui ont eu des pertes ces dernières années, et si elles se reproduisent, cela risque de les mettre en danger. Nous sommes aussi inquiets pour les salles qui n’arrivent pas à amortir la hausse des coûts malgré le rattrapage de la dotation de l’État pour les lieux labellisés en 2024, d’autant qu’on n’est pas sûr qu’il soit maintenu en 2025. Ça va fragiliser l’ensemble de la chaîne, les producteurs, les salles et les festivals.

Si tout a changé en vingt ans, arrive-t-on à un nouveau chapitre de fonctionnement de la filière ?
Je pense qu’on est dans un entre-deux. C’est assez gramscien comme vision, mais oui, d’une certaine manière, les multiples crises dont on parle ne sont-elles pas tout simplement que les facettes d’une seule et même crise qui est systémique et qui présage d’un monde qui reste à inventer ? Voilà, à nous de savoir ce que l’on souhaite en faire. À nous de savoir quel visage on veut donner à ce monde-là, qui sera plus écoresponsable, plus en phase avec les défis de la crise climatique, plus en phase avec les attentes sociétales aussi, d’une manière générale. C’est autant stimulant qu’inquiétant.

Ce sont les axes de votre mandat ?
Nous essayons d’œuvrer autour de trois axes à l’évolution de nos structures, de notre filière, voire même à son anticipation. C’est à la fois l’écologie, mais également la question des conditions de travail et de la liberté d’expression. Sur l’écologie, on a fait le projet Déclic, décarbonons le Live collectivement ! ; sur les conditions de travail, on a lancé le pacte Emma (Ensemble, repensons les métiers des musiques actuelles) ; et nous travaillons toute la question de la liberté d’expression qui, selon nous, est également menacée et qui est fondamentale. C’est un sujet sur lequel on sera extrêmement présent et vigilant. 

Propos recueillis par Jérôme Vallette

En partenariat avec La Lettre du Spectacle 575

Crédit photo : Julien Pebrel

 

Avignon : à contre-courant, la Ville ouvre, son année « Terre de culture »

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Avignon, Terre de culture 2025

La Ville vient d’ouvrir l’année « Avignon, Terre de culture 2025 » pour célébrer les 25 ans d’« Avignon, capitale européenne de la culture ». L’idée est de « placer la culture au centre de la cité, au cœur [des] vies, pour que acteurs culturels et Avignonnais fassent culture ensemble », selon la municipalité qui va proposer de très nombreux événements culturels et de nouveaux lieux. L’année a débuté par l’inauguration de la grande bibliothèque Renaud-Barrault, suivie de spectacles et de déambulations dans la ville. « On a voulu montrer tout de suite que la culture est populaire et festive. Cela va être un peu l’un des fils rouges », a expliqué Cécile Helle, maire (PS) – qui vient d’annoncer qu’elle ne briguera pas de troisième mandat. L’idée a germé pendant le Covid. Au cours de cette période est née une « résistance avec les acteurs culturels et les citoyens avignonnais pour défendre la culture comme un bien essentiel à nos vies et à nos villes », estime l’édile dans sa note d’intention. Pour elle, Curiosité(s), le nom du programme culturel, montre que les acteurs de la ville sont « dignes de l’héritage de Jean Vilar, militant d’une culture populaire, généreuse, accessible à tous. » 

«Réinvestir et croire dans la culture»
« C’est un projet qui fait du bien, et qui est à contre-courant de ce qu’on voit actuellement dans les collectivités », estime Pascal Keiser, directeur artistique (lire ci-contre). « Réinvestir et croire dans la culture, comme le fait Cécile Helle, c’est rare. Il y a une vraie vision de la ville autour de la culture, comme élément d’émancipation des citoyens. » Curiosité(s) se déploiera dans les lieux connus mais aussi dans quatre « maisons Folie, fabriques culturelles participatives » ouvertes dans les quartiers sur le modèle des lieux inventés lors de Lille 2004, ou encore aux bains Pommer, inaugurés en mai. Six lignes de Metro Europa inviteront à découvrir des artistes et leurs œuvres intra-muros comme extra-muros. Un nouveau pôle culturel sera créé au printemps avec la bibliothèque du Puzzle, avant l’ouverture en 2027 d’une salle de spectacle hybride, entre autres.

Jérome Vallette


Pascal Keiser, directeur artistique d’Avignon « Terre de culture 2025 »
Déjà commissaire général de Bourges, capitale européenne de la culture 2028, le président de La Manufacture (Avignon), prend la direction artistique  (comme consultant) de l’année culturelle spéciale lancée le 11 janvier par la maire d’Avignon, Cécile Helle, à l’occasion de l’anniversaire des 25 ans d’Avignon, capitale européenne de la culture. Pascal Keiser, qui fait partie du comité stratégique depuis le lancement du projet en 2023 (avec Tiago Rodrigues, Greg Germain ou encore Françoise Nyssen), pourra compter sur l’engagement de plus de 200 acteurs culturels avignonnais, et sera aussi chargé de ramener la cité des Papes dans le réseau des capitales européennes de la culture.
 

En partenariat avec La Lettre du Spectacle 575

Crédit photo : D. R.

Pierre-Yves Charlois : « C’est unique, une école nationale supérieure d’art adossée à un festival, et un centre de documentation »

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Pierre-Yves Charlois

Les Petits Comédiens de chiffons, association porteuse du Festival mondial des théâtres de marionnettes de Charleville-Mézières, et l’Institut international de la Marionnette, qui porte l’École nationale supérieure des arts de la marionnette (Esnam), fusionnent dans le Pôle international de la marionnette - Jacques Félix. Frédéric Maurin en prend la présidence.
Pierre-Yves Charlois, son directeur, précise sa vision pour ce Pôle.

Le rapport Maurin (2022) préconisait un EPCC, quelle est la forme finalement retenue ?
Le Pôle est une association loi  1901. C’est une fusion-absorption, Les Petits Comédiens de chiffons disparaissent juridiquement et sont absorbés par l’Institut dont on a fait évoluer les statuts et qui change de nom. Nous avons recomposé une nouvelle gouvernance, avec un bureau, un conseil d’administration, une assemblée générale, et différents collèges de membres. Le nouveau site Internet est sorti début janvier. 

Cette fusion a-t-elle été compliquée, juridiquement ?
Nous avons fait appel à un cabinet extérieur, parce que l’Institut était non fiscalisé, tandis que le Festival l’était : il faut donc une clé de répartition en fonction des activités. Niveau social, nous avions heureusement la même convention collective des deux côtés.

Avez-vous des inquiétudes quant au budget du Pôle ?
J’ai l’assurance de la part de l’ensemble de mes partenaires (Ville, Département, Région et État) de ne pas avoir de baisse cette année. Nous faisons de menues économies notamment grâce au partenariat avec l’université de Reims Champagne-Ardenne, mais il n’y a pas d’économies d’échelle car les activités des deux associations qui ont fusionné sont bien distinctes.

Ce Pôle sera un atout pour chercher des fonds privés ?
Je pense, effectivement, que cela peut avoir un impact sur des mécènes à l’échelon national, en faisant valoir sa taille et son caractère unique. Cela n’existe nulle part ailleurs d’avoir une école nationale supérieure d’art adossée à un festival, avec un centre de documentation, sachant que ces trois éléments sont les référents mondiaux pour la matière.

Ce Pôle sera-t-il un jour  candidat au label de centre national de la marionnette (CNMa) ?
Cela fait partie des plans. Ce serait cohérent par rapport à la structuration de la filière telle que la mène le ministère. Nous en avons déjà parlé avec les services de l’État. D’autant plus si cela nous permet d’augmenter notre budget, même si nous sommes déjà au-dessus des planchers qui sont attribués aux CNMa. 

Le projet de déménagement dans de nouveaux locaux a-t-il avancé ?
Pas encore. Mais cela reste une question, parce que, pour l’instant, il y a le bâtiment de l’Esnam, il y a l’Espace Lebon, il y a le bâtiment, place Churchill, que la Mairie veut récupérer pour en faire une extension du musée de l’Ardenne. L’idée est toujours que la Ville réhabilite la Villa d’Aubilly, qui lui a été cédée par l’Institut. Nous continuons de parler avec le cabinet du maire.  

Propos recueillis par Mathieu Dochtermann 

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°574

Légende photo : Pierre-Yves Charlois

Crédit photo : Hervé Dapremont

Rostan Chentouf : « Il faut travailler la communauté chorégraphique »

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Rostan Chentouf

Directeur de la Place de la danse depuis février dernier, Rostan Chentouf trace les grandes orientations à venir du centre de développement chorégraphique national en mettant en avant la nécessité de travailler en réseau à l’échelle régionale. 

A votre arrivée, la programmation de la saison avait déjà été conçue par Corinne Gaillard.
Qu’y avez-vous apporté ? 
J’ai conçu la programmation de la douzaine de résidences accueillies au Studio. J’ai aussi programmé quelques spectacles sur le dispositif Danses en territoires, notamment Dans la forêt, en partenariat avec les Bazis en Ariège, mais aussi Traverse, la Soulane et la scène nationale du Parvis dans les Hautes-Pyrénées. 

Et Danses en territoires ?
Ce dispositif expérimenté en 2022-2023 a été pérennisé par la Drac Occitanie, et participe d’une dynamique de coaccueil à l’échelle régionale. Doté de 40 000 euros, il a été conçu pour intensifier la présence de la danse sur des territoires qui ont des potentialités par leurs histoires et leurs savoirs sur le mouvement et le corps. Notre intervention en tant qu’acteur labellisé permet de pousser plus loin la politique publique dans des territoires isolés, en faisant aussi découvrir la danse comme processus de création. J’aimerais développer cette dynamique en diffusant la culture chorégraphique partout. Une réflexion est en cours avec La Maison Danse d’Uzès (CDCN). 

Le développement des partenariats est votre fer de lance ? 
C’est un moyen essentiel pour être au plus proche des problématiques de la filière et assurer la visibilité des oeuvres auprès du public. Il faut travailler la communauté chorégraphique. Ce travail de coopération a toujours été à l’œuvre à la Place de la Danse depuis 30 ans, mais je veux mettre l’accent dessus. Le réseau Danse créé il y a trois ans  va faciliter cette entreprise. Partis à quatre du constat de la dispersion des initiatives dans la région, nous sommes aujourd’hui 28 acteurs ! Nous sommes le seul réseau occitan soutenu par la Drac sur Mieux produire mieux diffuser. 

Et la programmation ?
Il faut d’abord être attentif aux artistes qui sont passés au CDCN et ont inventé de nouveaux langages, en étant à la recherche du geste chorégraphique de demain. Celles et ceux qui font le trait d’union entre les œuvres fortes du répertoire et l’expérimentation, en cultivant des gestes néo-archaïques, néo-expressionnistes, m’intéressent beaucoup également...Je peux citer émilie Labédan, Marlène Monteiro Freitas ou encore Tiran Willemse. Enfin, je souhaite élargir le champ des pratiques artistiques desquelles jaillit le geste chorégraphique. J’ai envie de collaborer avec le festival Synchro dédié aux ciné-concerts et avec la chorégraphe grecque Ioanna Paraskevopoulou, qui s’est intéressée aux gestes des bruiteurs dans le cinéma. Hors de France, j’aimerais aussi développer des liens avec l’Afrique, car j’entretiens avec ce continent une relation intime. 

Que va apporter la Cité de la danse à Toulouse en 2028 ?
C’est un outil adapté aux besoins de la filière et à notre cahier des charges. Il va générer une nouvelle dynamique à l’échelle régionale, notamment à travers son articulation avec Montpellier Danse. Mais il reste à savoir comment les partenaires publics vont participer à son fonctionnement et au projet artistique. En prévision de son ouverture, nous construisons une nouvelle manière d’envisager le financement de notre strucure, par la mise en place de projets artistiques sur le territoire du Grand Mirail. 

Comment se projeter avec la baisse des aides publiques ?
Notre budget prévisionnel 2024 s’élève à 1,4 million d’euros, composé à 70 % de subventions, dont 498 000 euros de la Drac Occitanie et 290 000 euros de la Ville de Toulouse, qui met à disposition gracieusement nos deux espaces. La conjoncture est inédite et très anxiogène. Mais je ne souhaite pas me résigner à arrêter la relation aux artistes et aux partenaires financiers, alors que rien ne nous a été notifié. Impacter le budget d’un seul maillon sera une entrave directe au fonctionnement de toute la filière. Les décisions prises en 2025 auront une empreinte durable sur le service public de la culture.  

Propos recueillis par Armelle Parion

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°574

Légende photo : Rostan Chentouf

Crédit photo : D. R.

Opéra de Bordeaux : le « zéro achat », une expérience suivie et approfondie

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Les Sentinelles

<p>Et de 3 ! En novembre, l’Opéra de Bordeaux a présenté <em>Les Sentinelles</em>, sa troisième grande production lyrique « zéro achat », mise en scène par Chloé Lechat. Le principe, réaliser les décors, costumes et accessoires sans acheter du matériel, mais sans altérer la qualité ni freiner le propos artistique. Une démarche durable qui s’intègre dans l’objectif « mieux produire, mieux diffuser », inscrit dans la convention pluriannuelle d’objectifs de l’Opéra, renouvelée pour la période 2024-2027.&nbsp;</p>

<p><strong>Impulsion des équipes</strong><br />
L’expérience débute en 2022 par l’impulsion des équipes techniques, face à la crise sanitaire et la hausse des coûts énergétiques : plutôt que d’annuler des productions, en repenser les méthodes. De là, Emmanuel Hondré, le directeur de l’Opéra, a commandé au metteur en scène Stéphane Braunschweig un Requiem, de Mozart « zéro achat ». Une première pour un Opéra en France. Après cette « <em>réussite</em> », six autres ont suivi, dont <em>La Bohème</em>, la saison passée, <em>Les Sentinelles</em> – une création intégrale –, et des productions de l’Académie. Où dénicher les matériaux à réutiliser ? Selon Caroline Boulay, la directrice technique, auprès de spectacles réformés, dans les 5 000 m² de stockage de l’Opéra, et chez les coproducteurs – tel l’Opéra-Comique pour <em>Les Sentinelles</em>. Mais aussi, pour pallier les manques, par le biais de circuits alternatifs et de mécènes en industrie – dont, pour <em>Le Requiem</em>, la Caisserie Bordelaise (fabricant de caisses en bois) et Ex Nihilo (spécialiste en vêtements professionnels), déjà partenaires de l’Opéra. Par cette quête de dons en nature, l’institution « <em>avoue sa fragilité et s’ouvre à d’autres milieux</em> », estime son directeur. Dans le cadre de sa stratégie RSO (responsabilité sociétale de l’organisation), l’Opéra a réalisé un premier bilan carbone en 2023 sur la base des données de 2022. L’achat représentait alors 40 % de ses émissions. Le prochain bilan, en 2026, révélera les effets de cette sobriété adoptée. Financièrement, les résultats sont déjà signifiants : « <em>Pour La Bohème, nous avons économisé 110 000 euros sur le budget DCA (décors, costumes, accessoires). Pour</em> Le Requiem, <em>41 000 euros</em> ». Les dépenses restantes concernent, entre autres, l’adaptation des matériaux pour des besoins sécuritaires, artistiques ou techniques. &nbsp;L’ambition ? Proposer une production lyrique et une production de l’Académie en zéro achat par saison, « <em>sans pour autant en faire une norme&nbsp;à ce stade</em> ».</p>

<p><strong>Hanna Laborde</strong></p>

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<p><em>En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°574</em></p>

<p>Légende photo : <em>Les Sentinelles</em>&nbsp;est la 3e production lyrique « zéro achat » à Bordeaux.</p>

<p>Crédit photo : Frédéric Desmesure</p>
 

Paris : La Philharmonie a trouvé sa place

Infoscènes
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La Philharmonie

Dix ans après son inauguration, la Philharmonie de Paris a fait taire les quelques polémiques sur sa légitimité, son coût ou son emplacement. Son architecture intérieure s’inspire de celle de la Philharmonie de Berlin (1963), une salle enveloppante. Avec une distance maximum de 32 mètres entre le chef d’orchestre et le plus éloigné des spectateurs, la Philharmonie est une grande salle de 2 400 sièges au confort d’écoute et de vision exceptionnel, grâce à des balcons asymétriques. Et pas seulement destinée aux grands orchestres symphoniques, mais aussi au jazz, à la variété, ou l’électro… Le bâtiment signé Jean Nouvel, situé au fond du Parc de la Villette, avait été initialement chiffré à 200 millions d’euros, réévalué à 386 millions, puis à 534 millions. La première pierre avait été posée fin 2009, l’inauguration eu lieu début 2015.

D’une cité trop petite...
La Cité de la musique, ouverte à la Villette en 1995 (800 sièges), s’avérait trop petite économiquement pour accueillir des orchestres symphoniques, de nombreux ateliers ou de grandes expositions, et ce, alors que la salle modulable de l’Opéra Bastille n’a jamais vu le jour. Laurent Bayle reprend le bâton de pèlerin de Pierre Boulez pour défendre une salle moderne destinée à recevoir les phalanges internationales. La classe politique ne soutient guère ce projet. « Ce désintérêt politique nous a posé beaucoup de problèmes, mais il a évité toute cristallisation, il s’est presque monté à l’insu du politique. À cette période, de nombreuses salles se construisaient dans le monde pour accueillir les tournées internationales de grands orchestres », se rappelle le premier directeur général de l’établissement public. 

... à une transversalité unique en France
Aujourd’hui, la Philharmonie et la Cité de la musique regroupent quatre salles de concert, un musée, deux espaces d’exposition, l’Orchestre de Paris (intégré en 2019), 18 ateliers éducatifs,  9 salles de répétitions, la Philharmonie des enfants, une médiathèque… L’établissement pilote également les orchestres Demos ou les chorales EVE, destinés aux jeunes éloignés de la musique. Olivier Mantei, qui a succédé en 2021 à Laurent Bayle, constate : « Cette transversalité, c’est un modèle unique. Il y a tant de façons d’entrer à la Philharmonie. En dix ans, une génération Philharmonie est née. Ces deux dernières années, le nombre de moins de 28 ans a augmenté de 58 % en deux ans. » Toutes activités confondues, la Philharmonie accueille 1,5 million de personnes chaque année. « On sent que les codes changent parmi le public, qui applaudit parfois entre les mouvements. Le pari du public est réussi, il y a une vraie mixité. » Dotée d’un budget de fonctionnement de 115 à 120 millions d’euros, la Philharmonie a connu deux exercices déficitaires en 2023 et 2024. « Deux déficits raisonnables et maîtrisés, votés par l’État et la Ville de Paris. Le budget 2025 sera lui à l’équilibre », confie Olivier Mantei. La Philharmonie emploie 650 permanents. « Les ressources propres ont progressé de 21 % entre 2022 et aujourd’hui, notamment grâce au mécénat et à la billetterie, les ressources publiques passant de 60 à 51 %. Les frais de fonctionnement ont grimpé de 18% (énergie, masse salariale…) alors que les subventions n’augmentaient que de 1 %. »

Nicolas Dambre

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°573

Crédit photo : Julien Mignot