Les musiques actuelles comptent déjà les dégâts des baisses de subventions

    Gaëtan Roussel

    Exemples à l’appui, le SMA alerte sur « un phénomène insidieux de déconstruction ».

    Dans un tableau documenté, le Syndicat des musiques actuelles (600 adhérents) a recensé, série en cours, près de 70 millions d’euros en moins de contributions régionales à la culture et des dégâts déjà visibles pour ces esthétiques musicales, à tous les niveaux.

    Le symbole de Bourges
    Comme une incarnation de l’hécatombe, le Printemps de Bourges, qui ouvre la saison, a dû mener, pour la première fois en 10 ans, sa 49e édition avec près de 400 000 euros en moins sur un budget 7,5 millions d’euros (2024) : dans le détail, c’est 150 000 euros de sponsoring et surtout « 250 000 euros d'aides publiques » qui disparaissent, a expliqué peu avant l’ouverture du festival son directeur, Boris Vedel. Si l’État et la Ville ont maintenu leur soutien, ceux de la région Centre-Val de Loire et du département du Cher s’effondrent. Un autre symbole : ce sont les strates de collectivités les plus en retrait cette année. Ce qui a entraîné une « décroissance contrainte » pour l’événement qui a dû réduire la voilure.

    Un phénomène insidieux
    Les conséquences des coupes budgétaires mesurées par le syndicat sont multiples : « annulation de dates, groupes déprogrammés, annulation d’actions culturelles envers des publics scolaires, en situation de handicap, mais aussi risques de licenciements des équipes ou hausse des tarifs d’accès pour les publics ». La Fédération des lieux de musiques actuelles (Fedelima), qui publie ses « chiffres clés 2023 » s’alarme d’« une multiplication de signaux particulièrement préoccupants ». 
    « Nous sommes évidemment très inquiets, alerte le président du SMA, Stéphane Krasniewski, car on observe un phénomène insidieux de déconstruction, une réalité qu’on ne voit pas qui est à l’œuvre, à bas bruit – et qui ne doit pas faire oublier le drame que vivent les structures en Pays de la Loire, par exemple. » D’ailleurs, l’étude mesure les effets de ricochets nationaux de ce coup de canon régional : « Quand Christelle Morançais coupe ses subventions, nous voyons – au-delà des structures de son territoire – un producteur à Arles dont le chiffre d’affaires est à 30 % en Pays de la Loire être impacté. » 
    La simultanéité de ces coupes politiques, choisies, ou budgétaires, subies, entraîne des répercussions en chaîne sur le territoire, mais aussi dans la filière, comme ces structures annulant des concerts et qui perdent ainsi leur éligibilité aux aides du Centre national de la musique (CNM). Sur le terrain, le SMA illustre la casse avec le Café Charbon Nevers, Smac de la Nièvre, obligée de retirer de sa grille 4 à 6 concerts, soit 8 à 12 groupes en moins, et 3 actions culturelles (200 à 600 collégiens touchés), ou la Smac de Belfort, la Poudrière, qui fait disparaître 6 dates (12 groupes) et un projet avec des maisons d’arrêt. Il y a aussi le Jardin Moderne, structure d’accompagnement de musiciens (Rennes) qui réduit ses actions culturelles et annule son Open Garden 2025, les Moissons du Rock (Reims) qui ne peuvent plus financer leurs navettes, ou Adone Productions (Paris) contraint d’annuler 11 représentations du spectacle jeune public Cordalinge, dans trois régions… L’étude veut montrer « que ces structures font un travail de structuration de la filière avec un effet à long terme, et que ce sont aussi des actions qui maillent les territoires et font du lien social », insiste Stéphane Krasniewski. Il souhaite dépasser les chiffres pour mettre en valeur le travail qualitatif de ses adhérents, des projets de temps long : « Si on les fragilise, cela va prendre beaucoup d’années pour les reconstruire. Car ce sont des projets partenariaux avec des structures sociales », elles aussi touchées.

    Jérôme Vallette

    En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°581

    Légende photo : Gaëtan Roussel au W, Printemps de Bourges 2022

    Crédit photo : Jean-Adrien Morandeau