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Céline Saad : « Nous souhaitons ancrer nos partenariats sur le temps long »

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Céline Saad

Après dix ans au développement des entreprises au Festival d’Aix-en-Provence, Céline Saad est responsable du mécénat et des partenariats au Festival d’Avignon depuis novembre 2023. Elle commente les actions menées, les ambitions et la teneur de ces soutiens.

En deux ans, le Festival d’Avignon a doublé le montant du mécénat (8 % des recettes). À quoi est dû ce succès ? 
En effet, son montant est autour de 1,6 millions d’euros, 80 % provenant d’entreprises et fondations d’entreprise et 20 % de particuliers. Ce succès est dû à notre engagement envers le projet de Tiago Rodrigues de diversifier les ressources propres du festival, en particulier en fortifiant le mécénat. De là, nous avons rapproché nos partenaires existants, comme le groupe Crédit coopératif, et développé avec eux de nouveaux projets. Quant à cette année, elle est marquée par la poursuite des engagements de la fondation d’entreprise Hermès et de Van Cleef & Arpels pour la transmission et le soutien à l’émergence, mais aussi par le renforcement des mutualisations du groupe AXA. Déjà Grand mécène de la FabricA pour la période 2024-2026, AXA a renforcé son financement en devenant le Grand mécène de cette édition 2025 qui invite la langue arabe.

Comment cette évolution s’est-elle faite ? 
Au départ, il s’agit d’un partenariat local, porté par une agence AXA du territoire, qui a accompagné le développement de cette relation de façon ambitieuse. Le groupe a d’abord souhaité appuyer son soutien sur le projet de la FabricA, dans sa dimension d’outil de production toute l’année, de permanence artistique sur le territoire, et d’engagement environnemental au festival. Et pour l’édition 2025, il a été à l’écoute de nos besoins. Nos engagements avec les entreprises se font souvent ainsi. Avec l’idée de les faire grandir sur des projets de création, d’innovation, d’accessibilité à la culture qui nous tiennent à cœur, de les ancrer sur le temps long. 

Quels sont les objectifs ? 
L’axe principal est le développement de projets avec des entreprises et des fondations d’entreprise. Un autre, encore émergent, est l’accompagnement par des grands donateurs (un don au-delà de 10 000 €) sur des projets spécifiques, comme celui de la carrière de Boulbon. Dernier axe, envisager la question de la pluriannualité avec chacun de nos partenaires. Elle permet une continuité dans nos objectifs de mécénat et d’avoir une visibilité financière et budgétaire sur plusieurs années.

Comment concilier quantité et qualité des mécénats ? 
Le mécénat est une question à la fois d’incarnation du projet et de relations humaines. Donc, on veille à enrichir celles-ci tout au long de l’année, en associant nos mécènes à d’autres moments que le festival : dans l’activité pérenne de la FabricA, dans nos actions de transmission auprès des publics scolaires, ou encore par des rencontres sur une date de tournée d’un spectacle. 

Propos recueillis par Hanna Laborde

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°581

Légende photo : Céline Saad

Crédit photo : D. R.

 

Laval : Le Chainon manquant résiste

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Amants, de la compagnie Exalté

C’est la bonne nouvelle de ce printemps. Le Festival du Chainon manquant organisera bien sa 34e édition du 16 au 21 septembre 2025, à Laval et à Changé (Mayenne), et ce, malgré le retrait total du conseil régional des Pays de la Loire, son principal financeur. «Nous souhaitons poursuivre l’aventure, car nous sommes aussi un acteur du territoire, c’est ce qui nous anime. Mais être du territoire des Pays de la Loire sans le conseil régional des Pays de la Loire, c’est quelque chose d’assez absurde», relève François Gabory. Pour le Chainon manquant, c’est une perte de 161 000 euros, 20 % de son budget (840 000 euros en 2024). « C’est une forme de mépris, l’ignorance du travail qu'on fait », a ajouté le président du réseau Chainon en présentant cette future édition. « Jamais en tant que président du Chainon, je ne me suis senti aussi méprisé, ignoré à ce point. » S’il reconnaît avoir « mis un peu de temps depuis les annonces de décembre pour prendre la parole », c’est qu’il a fallu à toute l’équipe du temps pour encaisser, et se réorganiser. D’autant plus que la 33e édition avait signé une forme de maturité (La Lettre du spectacle, le 4 octobre 2024) : « Alors, avec la confiance des collectivités, on avait entre les mains beaucoup d’éléments pour aller encore plus au loin au service des artistes et du public », se souvient François Gabory. Et puis... « patatras ».

Format revisité, mais toujours conséquent
Le retour du festival se fait donc « dans un format revisité s’adaptant à la nécessité économique ». Ainsi disparaît le village du Festival (90 000 euros) au centre de Laval, qui sera compensé par un peu plus de spectacles de rues gratuits. Le festival va se concentrer sur Laval et Changé, et ne pas organiser son dispositif Le Chainon en région cette année. Le « conseil d’administration, en décidant de poursuivre le projet du Festival, a fait le choix de répartir les économies à réaliser sur plusieurs postes et de maintenir les emplois sur place », le tout afin d’assumer « sa responsabilité et ses missions vis-à-vis des artistes, de ses adhérents et de ses partenaires », estime l’organisation. Les partenaires et prestataires ont fait un effort, le Chainon s’est tourné vers les partenaires culturels historiques (le Théâtre de Laval, le 6PAR4 et le Quarante). Le prix des places va augmenter d’un euro, mais restera accessible, autour de 8 euros en moyenne. Et il y aura un peu moins d’artistes. C’est à ce prix qu’« après Avignon, c’est à Laval que ça se passe », assure François Gabory qui présentera en juin la programmation.

Jérôme Vallette 

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°580

Légende photo : Amants, de la compagnie Exalté

Crédit photo : David Wooldrige

Montpellier : L’Agora - Cité internationale de la danse tient ses quatre copilotes

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L’Agora - Cité internationale de la danse

L’annonce de la nomination de Jann Gallois, Dominique Hervieu, Pierre Martinez et Hofesh Shechter à la direction de l’Agora - Cité internationale de la danse, le 10 avril n’a pas été une réelle surprise tant étaient convaincantes les personnalités de ce quadrige. 
L’essentiel reste à faire tant la fusion du Centre chorégraphique national de Montpellier et du festival Montpellier Danse s’annonce complexe. Dès le choix du nom cela se corse, car nul ne sait encore comment appeler la nouvelle entité : le communiqué du ministère de la Culture désigne « l’Agora, Cité internationale de la danse dotée du label Centre chorégraphique national (CCN) », ce qui n’est pas le plus simple. 

Quel montage ?
Pour y voir plus clair, il va falloir attendre le montage juridique puisque, seules certitudes, il doit s’agir d’une association loi 1901 reprenant les actifs et tous les contrats (et salariés) des deux associations préexistantes (CCN et festival. Depuis deux mois, Thierry Tordjman est chargé d’une mission de management de transition et des projets circulent, dont les nommés ne s’offusquent guère, comme l’explique Pierre Martinez : « Il vaut mieux maintenant que tout ne soit pas entièrement bouclé avant que l’on puisse prendre la mesure de la réalité. » Pour les futurs directeurs, les choses sont plutôt claires. Tous seront salariés, en CDI, y compris Hofesh Shechter bien que le chorégraphe, basé à Londres, garde son activité personnelle. Sur un modèle qui est emprunté au collectif FAIR-E –  qui dirige le CCN de Rennes –, Hofesh Shechter disposera d’un CDI de droit français à temps partiel (20 %). Jann Gallois mettra sa compagnie BurnOut en sommeil et ses contrats commenceront dès le 1er janvier 2026. Dominique Hervieu comme Pierre Martinez souhaiteraient, eux, être en poste en septembre ou octobre. Mais le travail d’ingénierie juridique imposera ses délais et les tutelles n’ont pas vraiment progressé sur ce sujet au cœur des préoccupations depuis l’origine du projet. Les quatre codirecteurs souhaitent être sur place pour la prochaine édition du festival (21 juin au 5 juillet 2025). 

4 millions de budget
Cette quadridirection ne se traduira pas par un alourdissement des coûts salariaux puisqu’il s’agit de remplacer Christian Rizzo (CCN), Jean-Paul Montanari (Montpellier danse), mais aussi Rostan Chentouf, directeur délégué du CCN et Gisèle Depuccio, directrice adjointe du festival. Les deux chorégraphes codirecteurs réaliseront une création en alternance par an, celle de 2028 devrait échoir à Hofesh Shechter pour sa compagnie Shechter II dont la présence à Montpellier va être importante. Ses 13 jeunes danseurs (contrats de deux ans) vont être souvent dans les murs de l’Agora. Ils représentent l’un des trois volets de la dimension pédagogique, avec Exerce la formation supérieure en recherche chorégraphique (créée en 2001 avec l’Université Paul-Valéry Montpellier 3) mais aussi la nouvelle classe préparatoire permettant – sur le modèle de L’Atlantique Ballet Contemporain animé par la compagnie Sine Qua Non Art à La Rochelle – à des danseurs n’ayant pas suivi les parcours reconnus d’intégrer le master. 
Si le budget est important (près de 4 millions d’euros) et l’adresse prestigieuse, les missions et les enjeux, immenses, n’ont guère été clarifiés. En somme, tout reste à faire.

Philippe Verrièle

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°580

Légende photo : L’Agora - Cité internationale de la danse

Crédit photo : D. R.

« Relier le festival au plus près des projets menés en saison »

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Éric Thimjo

Le Festival de Figeac (Lot) se déroulera du 19 au 27 juillet pour une première édition sous la houlette du Grand Figeac. Éric Thimjo, responsable artistique de l’événement et responsable spectacle vivant de la collectivité, explique ce choix inédit en 25 éditions.

Pourquoi la communauté de communes du Grand Figeac  a-t-elle décidé de prendre en direct l’organisation du festival ?
Les élus souhaitaient une reprise en direct, et cela s’est fait d’un commun accord avec le Scénograph, à Saint-Céré (Lot), qui  pilotait le festival ces dernières années, sous la direction de  Véronique Do. L’intérêt pour  la collectivité est de confier  le festival à une équipe qui  travaille sur le Grand Figeac au  quotidien, et qui connaît ainsi  de près les acteurs et lieux du  territoire, et les habitants. Nous pouvons ainsi relier le festival au plus près des savoir-faire et des projets que nous développons  en saison. 

Parmi les spectacles figurent des propositions très contemporaines du théâtre public : Illusions perdues, de Pauline Bayle, L’Abolition des privilèges, d’Hugues Duchêne, Trois contes et quelques, du Groupe Merci… Pourquoi cette inflexion ?
Effectivement, le Festival de Figeac a pu avoir une image de théâtre de répertoire avec Marcel Maréchal, son fondateur avec Les Tréteaux de France. Puis, avec Michel Fau et Olivier Desbordes, la programmation tirait plus sur le théâtre privé. Véronique Do avait déjà mis plus en avant  les esthétiques contemporaines. Nous nous situons dans la lignée de ce qu’elle a pu proposer. Nous souhaitons mettre en avant la variété des écritures et des esthétiques théâtrales, autour des écritures contemporaines comme des écritures de plateau. Nous continuons à programmer des apéros-rencontres et nous allons développer les propositions musicales. C’est une demande  de la collectivité, dans le but que la ville soit en fête pendant la  manifestation. Dans ce sens, nous allons aussi développer un pan de la programmation qui sera gratuite, sur le modèle d’un « Off ». 

Le festival se déroule en été, sur les dates du Festival d’Avignon. À qui s’adresse-t-il ?
Exister en même temps qu’Avignon n’est pas une question qui se pose vraiment pour nous. Cela a pu poser des difficultés aux programmateurs mais, pour le public, ce n’est pas un sujet. Nous nous sommes rendu compte sur les dernières éditions que la fréquentation était constituée de locaux pour les deux tiers [la dernière édition du festival a enregistré 5 585 spectateurs, NDLR], c’est à dire, de Lotois et d’habitants des départements limitrophes. Le festival se déroulant en été, nous travaillons également sur l’attractivité, en essayant de faire venir les touristes et les nouveaux habitants. Il est important de travailler cette deuxième entrée de « l’habitabilité » de notre territoire en proposant des projets de qualité. 

Propos recueillis par Tiphaine Le Roy

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°580

Légende photo : Éric Thimjo

Crédit photo : D. R.

Émergence : première édition des Nouveaux Métallos

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Alice Vivier

En vue de la saison 2025-2026, la Maison des métallos (Paris 11e) lance les Nouveaux Métallos, un programme d’accompagnement de jeunes artistes, en musiques actuelles, danse et théâtre. 

Sous la houlette d’Alice Vivier depuis 2024, la Maison des métallos, établissement culturel de la Ville de Paris, accorde une vive attention à la jeune création pluridisciplinaire. Une exigence pour sa directrice : « Il fallait que la Maison des métallos puisse aussi accueillir l’émergence. » Comment ? D’une part, en lui réservant une place dans sa programmation, d’autre part, en lui dédiant son nouveau dispositif, Les Nouveaux Métallos. Celui-ci était d’emblée inscrit dans le projet porté par Alice Vivier : « Je sais la nécessité d’être soutenu quand on débute », affirme-t-elle, déjà forte de moult expériences dans le domaine. Chaque saison, la Maison accompagnera six artistes au seuil de leur carrière, deux par discipline, sélectionnés par un jury de professionnels en programmation, direction artistique, direction de lieux, entre autres. Pas de parcours requis, mais une présentation d’un projet en écriture, en écho avec les engagements sociétaux et artistiques du lieu, et une capacité à penser un futur professionnel. 

Porter la création
Afin de s’adapter au mieux à leurs besoins, « les forces vives de la Maison » sont mobilisées. Un programme complet est conçu, avec, pour axes, le soutien à la structuration et concrétisation du projet artistique de chacun, des formations par des partenaires, dont Artcena, l’ONDA et peut-être le CNM – sur la production, l’administration, les enjeux de la RSE, le paysage culturel –, et des masterclasses par les artistes programmés dans la saison. S’ajoutent un apport en coproduction de 3 500 euros et la misÉmergence : première édition des Nouveaux Métallose à disposition d’un atelier de 80m² pendant 3 semaines. En guise d’étape, les six artistes présenteront leur projet en première partie de spectacles, pour « leur donner une visibilité auprès des professionnels et les confronter à un public », explique Alice Vivier. Avant une création sur une scène partenaire. Quant au budget de 50 000 euros – hors apport en industrie – alloué à ce programme, il provient du budget global artistique de l’établissement. Avec ce dispositif, la Maison des métallos se fait ainsi un tremplin, un « repère » de nouvelles formes, tout en se réaffirmant comme « un lieu à habiter ». Car ces Nouveaux Métallos sont invités à le fréquenter par-delà les trois semaines de résidence, pour y œuvrer, favoriser les rencontres, créer leur réseau. Et leur donner envie d’y revenir, espère Alice Vivier. Fidéliser une relation entre un lieu et les artistes, dès leurs débuts, pour préserver la création.  

Hanna Laborde

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°579

Légende photo :  Alice Vivier, directrice de La Maison des métallos

Crédit photo : Jérôme Lobato

Tiago Rodrigues : « Le festival tente un mariage heureux entre artistes renommés et découverte d’artistes moins connus »

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Tiago Rodrigues

Le Festival d’Avignon a dévoilé, le 2 avril, la programmation de sa 79e édition, prévue du 5 au 26 juillet. Son directeur, Tiago Rodrigues, en présente les grandes lignes.

L’arabe est la langue invitée, quel était l’enjeu pour la programmation ?
Depuis Avignon, nous regardons le monde organisé ou lié par des langues plutôt que divisé par des frontières ou des nationalités. Comme avec l’anglais ou l’espagnol, nous avons recherché des artistes que nous trouvons nécessaires d’exposer. Cette langue, la deuxième plus parlée en France, a un lien très fort avec la société française. Il existe une grande richesse des arts vivants qui méritait d’être montrée. Nous avons sélectionné une dizaine de spectacles en langue arabe d’artistes à découvrir ou redécouvrir.

Artiste complice, Marlene Monteiro Freitas présentera NÔT, une version des 1001 Nuits dans la Cour d’honneur.
La programmer dans la Cour d’honneur était une évidence comme Angélica Liddell l’an dernier. Cette artiste déploie une énorme sophistication conceptuelle mais dans le même temps crée des spectacles charnels et fiévreux, ce mélange d’émotions et d’extrême intelligence demeure très singulier. Je la connais et l’accompagne depuis longtemps. Elle partagera son univers à travers ses suggestions dans la programmation. Ainsi, avec un concert de la grande chanteuse capverdienne Mayra Andrade au Palais des papes, la performance de Jonas&Lander Coin Operated, le réalisateur Pedro Costa ou le DJ Branko pour le concert de clôture.

D’illustres metteurs en scène européens signent leur retour, comme Christoph Marthaler ou Thomas Ostermeier…
Oui, le festival tente un mariage improbable mais heureux entre artistes internationaux renommés et découverte d’artistes moins connus. Plus de la moitié de ceux programmés viendra pour la première fois au Festival d’Avignon. Comme le jeune metteur en scène albanais Mario Banushi avec Mami, c’est pour moi une vraie révélation, ou la chorégraphe australo-néo-zélandaise Amrita Hepi, qui pratique à la fois des danses traditionnelles et contemporaine. On retrouvera de grands noms, comme Christoph Marthaler, qui me semble essentiel à la compréhension du théâtre contemporain. Thomas Ostermeier montera Le Canard Sauvage, d’Ibsen, avec la Schaubühne pour une première mondiale très attendue. Milo Rau proposera une miniature, La Lettre, un spectacle en itinérance, production du Festival d’Avignon pour incarner une idée de théâtre populaire en s’invitant dans les communes. Anne Teresa de Keersmaeker revient également, carrière de Boulbon, avec une création à partir des chansons de Jacques Brel en compagnie du jeune Solal Mariotte. C’est l’un des événements du festival, tout comme la Comédie-française qui investira la cour d’honneur avec Le Soulier de satin.

Pourquoi programmer deux spectacles du Théâtre du Radeau, de François Tanguy ?
C’est un retour très attendu au Festival d’Avignon. Depuis le décès de François Tanguy [2022], le Théâtre du Radeau se trouve dans une période de réflexion sur la question de la transmission. Il me paraît primordial de revisiter ce parcours radical mais incontournable dans le théâtre français et même européen. Ses deux dernières pièces, Par Autan, et Item, qui tournent encore, feront notamment l’objet d’ateliers avec des chercheurs et de jeunes artistes. Le moment est sans doute venu de rendre visible le travail de François Tanguy à un public plus large.

Cette édition propose près de 300 levers de rideaux contre 220 l’an passé, pour quelle raison ?
Il y a davantage de spectacles que l’an dernier [42 contre 35] mais moins que par le passé et de plus longues séries, ce qui est atypique dans les grands événements européens. Plusieurs spectacles traversent quasiment tout le Festival d’Avignon, comme celui d’Anne Teresa de Keersmaeker, celui d’Israel Galván et Mohamed El Khatib autour de leurs pères, le spectacle de Gwenaël Morin à la Maison Jean-Vilar, ou encore ma création, La Distance, à Vedène. Cela nous permet d’offrir plus de jauges et d’effectuer un travail avec les publics et le territoire. Nous proposerons d’ailleurs quelques avant-premières le 4 juillet en entrée libre. Le nombre de levers de rideaux est également important pour les ressources économiques du festival.

Le budget est sensiblement stable, à 17,5 millions d’euros. Qu’en est-il côté partenaires publics et privés ?
La Région Sud et le Département de Vaucluse ont légèrement baissé leurs subventions mais ils les compenseront par une aide à l’investissement. 
D’une façon plus globale, la baisse des financements publics rend surtout plus difficile la production par des compagnies. Du côté du mécénat, nous avons doublé son montant en deux ans, il représente 8 % des recettes du festival.  
 

Propos recueillis par Nicolas Dambre

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°579

Légende photo : Tiago Rodrigues

Crédit photo : Christophe Raynaud de Lage

Normandie : Simon Falguières invite le public à partager une tournée à pied

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Molière et ses masques

Du 14 au 19 avril, Simon Falguières et l’équipe du spectacle Molière et ses masques proposent La Grande marche, une tournée menée à pied. Seul le décor du spectacle sera transporté dans un utilitaire.

L’objectif est de relier le Moulin de L’Hydre, à Saint-Pierre-d’Entremont (Orne), où est basée la compagnie Le K, au Théâtre d’Hérouville-Saint-Clair (Calvados), l’un des équipements de la Comédie de Caen, centre dramatique national. Chaque jour, le public est invité à parcourir le chemin (trois heures de marche environ, et une pause déjeuner au milieu) avec l’équipe artistique et technique du spectacle. Dans chaque commune-étape, Simon Falguières mène un atelier d’écriture avec les marcheurs et marcheuses, avant une représentation du spectacle et un repas partagé tous ensemble. « Nous avons créé ce spectacle l’an dernier pour le festival du Moulin de L’Hydre. Tout a été construit et répété sur place. Il s’agit d’une forme de tréteaux qui peut se jouer et tourner partout, afin de proposer du théâtre aux habitants en milieu rural, notamment », note Simon Falguières. 

Une aventure humaine
Proposer une création autour de Molière en itinérance pédestre est évidemment un clin d’oeil aux tournées du dramaturge. L’auteur et metteur en scène voit aussi des parallèles entre le Grand Siècle et la période actuelle à travers la question du dérèglement climatique (la population européenne du XVIIe siècle ayant subi les conséquences du Petit âge glaciaire), et celle de l’instabilité politique (la Fronde intervenue pendant la régence). Avec ce spectacle et cette tournée, Simon Falguières entend questionner comment le théâtre permet d’avancer face à l’obscurantisme, et partager cette réflexion avec le public. « Cette tournée est un temps fort de la compagnie cette année. C’est l’idée de proposer une aventure humaine qui reste dans la tête des gens. Dans la marche, tout le monde est réuni, des échanges et des liens se créent. Les spectateurs peuvent voir le spectacle une fois ou plus, s’ils le souhaitent. Dans cette rencontre avec les populations des communes traversées, nous faisons aussi le souhait que le cortège de marcheurs s’étoffe de village en village. » Le photographe Alban Van Wassenhove participe à l’aventure et réalisera des portraits des marcheurs et marcheuses qui seront affichés devant le Théâtre d’Hérouville pour l’arrivée du cortège. Ce jour-là, avant la représentation de Molière et ses masques, Simon Falguières proposera un montage de textes issu des ateliers d’écriture menés durant la tournée. Cette tournée du projet porté par la compagnie Le K est soutenue par la Comédie de Caen, le Département du Calvados et la direction régionale des affaires culturelles de Normandie.

Tiphaine Le Roy

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°579

Légende photo :  Molière et ses masques, écrit et mis en scène par Simon Falguière

Crédit photo : Michel Poussier

Redirection écologique : un consortium piloté par La Belle de mai

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marseille

Plutôt que d’envisager la seule transition écologique à grands renforts de décarbonation, huit établissements se lancent dans un processus de redirection écologique au sein d’un consortium piloté par la Friche la Belle de mai (Marseille). 

« L’ouvrage Héritage et fermeture. Une écologie du démantèlement (Divergences, 2021) nous a beaucoup questionnés, notamment autour d’un bâtiment de 100 000 m2 comme celui de la Friche », confie le directeur de la Friche la Belle de mai, Alban Corbier Labasse. Dans le cadre de l’appel à projets Alternatives vertes 2 du plan France 2030, ce consortium a mené son premier comité technique mi-mars. L’objectif est de créer des méthodologies ainsi que des outils de pilotage et d’aide à la décision pour accompagner la redirection à la fois bâtimentaire et programmatique des établissements culturels (de leurs usages, de leurs activités, fonctions et services). 

Renoncement
Concrètement, des outils d’assistance à maîtrise d’ouvrage, de comptabilité écologique ou de redirection programmatique seront élaborés. Des accompagnements et des formations naîtront également de ce programme de 3 ans doté d’un budget de 1,3 million d’euros. L’économiste Diego Landivar (Origens Media Lab), coauteur de Héritage et fermeture, est associé au consortium. Il explique avoir étudié les stations de ski face au changement climatique. « Certaines réagissent comme des citadelles, qui tentent de maintenir coûte que coûte l’enneigement, d’autres repensent complètement leur stratégie, comme sentinelles. La redirection écologique complète la transition, déjà menée par la plupart des établissements. » Avec la notion prégnante du renoncement.
Quatre acteurs culturels font partie de ce consortium : la Friche la Belle de mai, Universcience (Paris), le Centre national des arts de la rue le Citron Jaune (Port-Saint-Louis) et le musée de Grenoble. Auxquels s’ajoutent deux acteurs de la formation, l’institut supérieur des techniques du spectacle et l’Observatoire des politiques culturelles, ainsi que deux acteurs scientifiques, Origens Media Lab et le Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement).

Nicolas Dambre

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°578

Crédit photo : Caroline Dutrey

Les festivals au défi de nouveaux modèles économiques pour survivre

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Aux Escales

Les acteurs sont de plus en plus inquiets, avec peu de solutions de court terme devant eux.

C’est dans un contexte tendu que France Festivals a réuni à Reims les acteurs des festivals afin de prendre l’énorme vague qui bouscule leurs modèles économiques. Avec pour objectif d’installer un événement professionnel annuel sur le sujet tant les difficultés semblent s’installer. Les alertes sont nombreuses depuis plusieurs saisons : déficit, croissances des coûts artistiques et techniques, empilement de normes et de contraintes… sans parler des contributions publiques au mieux stables. 

Un baromètre qui soulève les défis
Présentés par le Département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation (DEPS) du ministère de la Culture lors de ce 1er forum Sofest, les chiffres 2024 du baromètre (sur 1 810 festivals répondants) sont limpides : près de la moitié des événements musicaux ont un déficit, 40 % dans le spectacle vivant, malgré un soutien financier public et des recettes stables. Ainsi, le succès de fréquentation n’inverse pas la donne : 40 % de festivals de musique déficitaires, et 44 % pour le spectacle vivant (hors musique) ont un taux de remplissage situé entre 70 à 98 %.

Un modèle fragilisé par ses paradoxes
C’est l’un des multiples « paradoxes » soulevés par le chercheur Emmanuel Négier, la fréquentation, même à des niveaux importants, n’est plus une garantie de l’équilibre financier. « Rien ne dément l’attractivité sociale du modèle festivaliers. Rien ne nous convainc d’une désaffection sociologique des publics, poursuit le chercheur. Il y a en plus une forme de renouvellement, et même si on observe un vieillissement des publics, ce n’est pas parce que les jeunes désertent, mais c’est parce que les vieux restent. » 
Pour Emmanuel Négrier, sur le point de sortir un livre sur le sujet des festivals, « les problèmes sont ailleurs ». Peut-être dans le hiatus qui existe entre des soutiens publics à la peine et des retombées économiques pour les territoires toujours plus importantes. Pourquoi cette manne échappe-t-elle aux organisateurs des festivals ? évoque-t-il, résumant l’équation ainsi : « Il y a une fragilisation de leur modèle, mais un renforcement de leur enracinement ». Et il assoit son optimisme sur des faits concrets : « Le comité des aides aux festivals en Occitanie reçoit 75 projets par an : est-ce que cela ressemble à un secteur en crise ? »

Nouvelles concurrences
Pour les événements musicaux, certains pointent de nouveaux comportements : « Ce qui semble apparaître, c’est un changement d’habitude des publics qui plébisciteraient plus les grandes scènes (arena, stade) aux festivals, avec peut-être moins de curiosités », déplore Aurélie Hannedouche, directrice du Syndicat des musiques actuelles. 
Un constat encore peu étayé mais elle avertit que « sur la période estivale, près de 100 événements en arena ou grand stade sont au calendrier ». Preuve d’un engouement. Et d’une nouvelle concurrence. De grands festivals privés réfléchissent à des formats plus proches des concerts, voire à des soirées à thème pour rafler ce public. « C’est tout le paradoxe français, il y a de fortes contraintes, de l’anxiété et, en même temps, les arts et la culture sont plébiscités », tempère Alexie Lorca adjointe Culture à la mairie de Montreuil, et membre de la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture. Le ministère de la Culture, qui se dit au fait des problèmes et a lancé une mission sur les modèles économiques qui démarre lentement, n’a pas concrétisé les attentes dans son budget avec un fonds festivals stable (32 millions d’euros). À quelques semaines d’une de saison de tous les dangers, « difficile d’être optimiste dans un environnement morose », admet Emmanuel Négrier, pourtant serein sur le long terme.

Jérôme Vallette

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°578

Légende photo : Aux Escales, à Saint-Nazaire (44)

Crédit photo : Eric Deguin

Mourad Merzouki : « Mon travail traverse toutes les disciplines »

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Mourad Merzouki

Avec sa compagnie Käfig et les deux festivals qu’il anime, Karavel (19e édition du 24 septembre au 26 octobre) et Kalypso (13e édition en novembre-décembre), mais aussi sa présence à Montpellier Danse (4 représentations et 1 événement dans l’espace public) Mourad Merzouki est incontournable, et pas seulement pour le hip-hop.

Où en est le projet de la Ferme Berliet ? 
Le maire de la Ville de Saint-Priest a proposé de confier la Ferme Berliet à la compagnie Käfig. Nous avons donc un bail emphytéotique pour une ouverture qui était prévue pour le printemps 2026 avec un budget idéal pour les travaux de 8 millions d’euros. C’est un projet pour la commune ; il manque d’espaces de répétition sur la ville. Mais aujourd’hui, pour permettre une réalisation plus facile, la compagnie a phasé le projet et nous engageons une première tranche en septembre 2025 pour 2 millions d’euros pour un grand studio et des bureaux. Mais il manque encore 30 % du budget à financer par du privé. 

Les festivals Karavel et Kalypso ne s’installeront pas à la Ferme Berliet ?
Ce n’est pas si simple ! Le festival est inscrit à Bron [métropole de Lyon], il y a un attachement très fort de la ville à cette manifestation qui est installé au théâtre où, d’ailleurs, il n’y a pas de charges fixes. La Ferme Berliet, c’est pour la compagnie Käfig qui aura à faire vivre le lieu avec un cahier des charges pas très éloigné de celui d’un CCN d’ailleurs, mais il importe aussi de ne pas couper le lien avec Bron. La compagnie reste d’ailleurs très lié avec Pôle Pik où nous avons deux petits studios installés dans les locaux d’une ancienne supérette. L’enjeu est aussi de les mettre à disposition d’autres, d’accueillir des artistes en résidence, de finaliser des créations, en particulier pour Karavel.
Quant au festival Kalypso, le travail est d’approfondir son implantation en Île-de-France. C’est l’esprit de l’installation au sein de la fondation Fiminco à Romainville (Seine–Saint-Denis) où grâce à l’aide de la DRAC Île-de-France nous pouvons disposer de bureaux pour lesquels nous payons un loyer. Mais avoir cette possibilité, dans une région où la question des locaux est difficile à régler, est une aide extrêmement importante. 

Qu’est-ce qui empêche d’assumer la fusion des deux festivals, une sorte de Karavelypso qui serait, dès lors, le premier festival de danse de France ? Pourquoi ne pas dire que ces deux festivals, qui se succèdent partagent le même directeur artistique et une programmation voisine, est de fait le plus grand festival de danse français ?
Mais c’est vous qui le dites ! Même si je reconnais que c’est un grand rendez-vous de danse qui, pour sa fréquentation, la diversité de sa programmation et sa durée n’a pas d’équivalent ? Mais le plus grand, ce n’est pas à moi de dire cela ! Et les deux festivals ont des fonctionnements encore très artisanaux, avec des soutiens de partenaires publics qui permettent de fonctionner, mais une organisation qui est encore un peu du bricolage. Certains ont pu s’inquiéter de ce que les festivals puissent leur faire de la concurrence, mais ce n’est pas du tout le cas. Beaucoup de ceux qui viennent voir des spectacles dans Karavel ou Kalypso ne vont jamais aux spectacles. Ces festivals sont des marchepieds pour d’autres propositions dans d’autres manifestations ou d’autres institutions en étant une véritable école du spectateur. 

La compagnie Käfig pratique beaucoup le mélange entre public et privé, par exemple avec la Scala ou Le 13ème Art à Paris. Pourquoi ce choix ?
Parce que c’est une manière de présenter des spectacles sur des durées impossibles ailleurs. Il y a une temporalité propre au privé et ces théâtres proposent des conditions qui permettent de faire vivre la compagnie et les équipes. Depuis que Käfig est sorti du CCN [de Créteil, en décembre 2022], les subventions ne représentent que 10 % [DGCA, Ville de Saint-Priest, Région AuRA] de notre budget qui est de 2 millions d’euros. Tout le reste, ce sont des recettes de diffusion. Käfig va assurer 164 représentations, tous spectacles confondus, pour la saison 2024-2025. Cela signifie plus de 100 danseurs différents pour 14 spectacles actuellement en tournée. La compagnie aura 30 ans l’année prochaine et, depuis 1996, elle a assuré 40 créations pour plus de 4 000 représentations, auxquelles ont assisté plus de 2 millions de spectateurs dans 65 pays. Ce sont des chiffres qui me rendent heureux et assez fier. La compagnie va fêter ses 30 ans au printemps 2026 avec un événement qui est en cours d’élaboration pour marquer cet anniversaire. Mais l’année sera aussi marquée par une série de 60 représentations au Bon Marché [Paris] du 4 septembre au 31 décembre 2025. C’est vrai que je crée beaucoup, des spectacles très différents. Mais le fonctionnement de la compagnie impose de tenir ce rythme. 

Vous êtes toujours chorégraphe hip-hop ?
Oui, bien sûr, mais aussi tout simplement un chorégraphe tout court et mon travail traverse toutes les disciplines. 

Propos recueillis par Philippe Verrièle

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°578

Légende photo : Mourad Merzouki

Crédit photo : D. R.