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Renouer les liens avec les diffuseurs

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Sébastien Zamora

Face à l’engorgement des programmations, les producteurs de musiques actuelles tentent d’élargir leur réseau et d’inventer de nouveaux modes de diffusion.

Alors que la reprise de l’activité s’amorce à peine depuis l’été, les producteurs de musiques actuelles sont confrontés à une saturation des saisons ou des festivals due aux nombreux spectacles reportés. « Pour 2021/2022, les programmations sont déjà en grande partie définies, également en ce qui concerne les festivals du printemps et de l’été », constate Sylvain Comoretto, gérant de Sherpah Productions, qui n’a d’autre choix que tenter d’insérer quelques artistes en 2022 ou de se projeter vers 2023. Certains, plus chanceux, ont réussi à recaler des dates prévues depuis 2020. Sur les 250 à 300 laissées en suspens, Zamora Productions a pu en honorer 80 en octobre, 70 en novembre et en prévoit 50 durant le mois de décembre. « Nous savons d’ores et déjà, précise néanmoins son gérant, Sébastien Zamora, que sur les 500 concerts que nous réalisions avant la pandémie, seule la moitié aura lieu en 2021. » Durant deux ans pourtant, les producteurs se sont attachés à maintenir un contact constant avec les diffuseurs, afin d’être prêts lorsque la situation évoluerait. 

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Par Marie-Agnès Joubert

Légende photo : Sébastien Zamora, gérant de Zamora Productions.

Crédit photo : Julien Pebrel

Le #MeTooTheatre fait bouger les lignes

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Marie Coquille-Chambel

En quelques semaines, les témoignages ont afflué et la parole s’est libérée. Mais il reste à réformer profondément les institutions théâtrales.

En quelque 24 heures, près de 3 000 témoignages ont fait écho au #MeTooTheatre lancé spontanément par Marie Coquille-Chambel et quelques autres lanceuses d’alerte sur Twitter, à la mi-octobre. Quelques jours plus tard, ils étaient 6 000 et 1 450 personnalités du monde  de la Culture cosignaient dans Libération un appel à agir contre « un système de cooptation et d'entraide masculine », à l’origine de l'état de soumission dans lequel seraient maintenues les comédiennes. Parmi les signataires, Rokhaya Diallo, David Bobée, Alice Coffin, Adèle Haenel, Julie Gayet, Marina Hands... Quelques semaines après le lancement de ce mouvement, Marie Coquille-Chambel se félicite du chemin accompli. « On ne s’attendait vraiment pas à cela. Nous avons ouvert une brèche et là, nous avons vu que beaucoup de femmes se sentaient suffisamment libérées pour pouvoir s’y engouffrer », remarque l’instigatrice de ce #MeTooTheatre. Pour autant, elle ne cache pas avoir fait l’objet de « réactions violentes ». « Entre femmes, on sait ce qu’il se passe, on en parle entre nous. Là, certains hommes ont été surpris, inquiets de “noms” qui pourraient sortir, alors que ce n’était pas du tout notre objectif. Il y a une peur car ce mouvement, par ce qu’il révèle, remet en cause tout un  système professionnel très puissant. » Au rang des satisfactions, elle range des « actes forts », comme la déprogrammation d’un spectacle de Michel Dydim par le Théâtre des Célestins « et l’invitation à débattre qui nous a été faite par celui-ci », la prise de position du Théâtre 14 « qui témoigne du changement de génération » ou encore les nombreux encouragements reçus. 

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Par Cyrille Planson

Légende photo : Marie Coquille-Chambel, membre du collectif #MeTooTheatre.

Crédit photo : D. R.

La reprise en berne

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Claire Cantuel

Fréquentation en net recul, difficultés à saisir les comportements des publics mais aussi à faire exister son projet... Les lieux de spectacle traversent une crise profonde qui ne cesse de se prolonger.

Le « redémarrage » tant attendu, celui du printemps 2021, s’est effectué sur les chapeaux de roue. Les lieux ont imaginé une nouvelle fois de nouvelles manières de renouer avec les publics, multipliant les temps forts, les programmations hors les murs, inventant des événements de toutes pièces, au cœur de l’été, là où habituellement  les scènes sont closes. Les fortunes ont été diverses, avec parfois des ressorts incompréhensibles dans le sens d’une large fréquentation comme dans une désaffection douloureuse à vivre pour les équipes. La première partie de saison, celle des « retrouvailles » s’est avérée décevante. Tous l’abordaient avec prudence et modération dans les objectifs, mais rares étaient ceux qui anticipaient avec un tel recul des fréquentations des lieux de culture et, en particulier, de spectacle vivant. Le sondage commandé par le ministère de la Culture pour évaluer l'impact de la crise sanitaire, mené auprès de 3 000 personnes âgées de 18 ans et plus, fin août et début septembre, a ainsi révélé que seuls 4 Français sur 10 avaient renoué avec leurs habitudes de sorties culturelles. Ils étaient ainsi 25 % des Français à avoir assisté à du spectacle vivant (concert, théâtre, danse ou cirque), 31 % à avoir visité une exposition ou un musée et 41 % à être allés au cinéma.

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Par Cyrille Planson

Légende photo : Claire Cantuel, secrétaire générale de la Comédie, CDN de Reims.

Crédit photo : D. R.

Crise : quel rôle peut (et doit) jouer la DGCA ?

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Christopher Miles

Après un an et demi de crise, la DGCA est plus que jamais à la manœuvre, avec des urgences à traiter et la nécessité d’en anticiper la sortie. Tour d’horizon des grands dossiers du moment.

Un retour à la normale… en 2023 ? 
Au ministère de la Culture, la Direction générale de la création artistique (DGCA) est sur le pont, avec à sa tête Sylviane Tarsot-Gillery tout d’abord, puis Christopher Miles, qui lui a succédé en février dernier. La direction a conçu et coordonné au-delà des aides nationales (chômage partiel, fonds de solidarité...), combinées aux aides transversales dirigées vers les structures culturelles. La DGCA est, comme tout un chacun, dans le flou le plus complet quant au terme de cette crise. Christopher Miles, l’actuel directeur de la DGCA, imagine que « le retour à une situation équivalente à celle de 2019 sur le plan économique pour le spectacle vivant n’est envisageable que début 2023. Cependant la fréquentation a repris fort heureusement ouvrant des perspectives prometteuses, nous l’espérons ». L’année 2023 permettra aussi d’évaluer les changement de pratiques et de modèle économique qui découleront de la crise. D’ici là, il faudra encore négocier avec Bercy, dapter les dispositifs et peut-être apporter une réponse aux structures les plus affaiblies par les baisses de fréquentation et, peut-être, une position en retrait de certaines collectivités au moment de livrer les budgets 2022.

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Par Cyrille Planson

Légende photo : Christopher Miles, directeur de la DGCA.

Crédit photo : Julien Pebrel

DAC : un automne sous tension

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Carole Ziem

Confrontés à la « seconde vague » de reports et d’annulations, les DAC essaient d’avoir des pratiques vertueuses. Et tentent de se projeter vers l’avenir.

Novembre 2020. Second confinement. L’épuisement gagne, chez ceux qui produisent le spectacle comme chez ceux qui l’accueillent. Là où la solidarité, la créativité et l’innovation s’étaient exprimées avec force, le désarroi, l’abattement et la résignation ont gagné du terrain. Les collectivités territoriales étaient en première ligne au printemps. À l’automne, elles doivent faire face à une situation qui a évolué, dans un contexte où les finances publiques locales sont cette fois-ci très éprouvées par la gestion de la crise. Le spectacle vivant est un sujet parmi d’autres pour des DAC submergés de travail.

Une co-construction accélérée 
Du fait de la crise, les collectivités ont dû renouveler leurs pratiques, notamment celles de la co-construction des politiques publiques, souvent évoquée comme un objectif à atteindre mais largement accélérée par la crise sanitConfrontés à la « seconde vague » de reports et d’annulations, les DAC essaient d’avoir des pratiques vertueuses.aire. Marina Cavaillès, directrice de la Culture et de la Vie associative de la Ville de Colombes (92), par ailleurs vice-présidente de la Fnadac et de l’Adac-IDF, le confirme : « Au premier confinement, il nous est apparu à tous qu’il fallait retravailler nos modes de coopération en privilégiant l’intelligence collective. Les échanges ont été réguliers, on a d’abord réuni les lieux. On a entendu leurs difficultés et c’est ensemble que l’on a élaboré des réponses. »

[…] Lire La suite dans La Scène n°99 – Hiver 2020

Par Cyrille Planson

Légende photo : Carole Ziem, directrice de la culture de Fontenay-sous-Bois (94),
vice-présidente de la Fnadac 

Crédit photo : Julien Pebrel

Alliance : Grand Paris culturel, acte 1, scène 1

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Théâtre Jean-Arp

Fin août, Christian Lalos, directeur du Théâtre de Châtillon (92), a pris la direction du Théâtre Jean-Arp à Clamart (92)… Or Christian Lalos reste directeur à Châtillon et il ne s’agit pas d’une simple fusion de deux théâtres, mais de la première mise en œuvre du Grand Paris sur le plan culturel. Les deux théâtres sont proches (1,5 km), assez complémentaires (Clamart 650 places, gradins rigides de l’architecture des années 1970 ; Châtillon 300 à 480 places, modulable, entièrement reconstruit en 2000), dotés l’un et l’autre d’un cinéma, mais dans deux dynamiques différentes.

Si Châtillon (1,2 M € de budget, 12 salariés) est porté par une forte croissance, Clamart (2,2 M €, 17 salariés), qui vient de subir une saison hors les murs, a besoin d’un second souffle. Surtout, les deux maires, quoique de couleurs politiques opposées (Jean-Didier Berger, vice-président de l’Île-de-France est un proche de Virginie Pécresse ; Nadège Azzaz est une jeune élue PS) veulent favoriser une politique de territoire culturelle commune aux deux villes qui appartiennent à Vallée Sud, établissement public territorial créé le 1er janvier 2016 dans le cadre de la métropole du Grand Paris…

Le théâtre de Clamart en dépendait déjà tandis que celui de Châtillon est encore une association. Une solution juridique doit résoudre ce problème et c’est plutôt Châtillon qui rejoindra Clamart une fois que les gens de droite auront trouvé une solution que tout le monde attend. Car si Christian Lalos constate qu’il a encore besoin d’un an pour préciser son projet et que « l’enjeu de cette nouvelle structure n’est pas tant de faire des économies d’échelle que de redonner du souffle à la marge artistique », il est clair que dans cette « pensée par territoire » du Grand Paris, l’enjeu est d’éviter les luttes fratricides entre équipement culturels géographiquement proches. À ce titre, cette expérience va avoir valeur de modèle.

Philippe Verrièle

En partenariat avec la Lettre du spectacle n°502

Légende photo : Le Théâtre Jean-Arp

Crédit photo : D. R.

Kirill Serebrennikov victime des paradoxes franco-russes

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Outside

Le spectacle Outside de Kirill Serebrennikov a été annulé et ne sera pas présenté du 22 au 24 octobre dans le cadre du festival Sens Interdits, au théâtre des Célestins à Lyon. Officiellement, pour des raisons sanitaires puisque la Russie connaît une flambée du variant Delta, dépassant pour la première fois le pic des 1 000 morts par jour. Et sur fond de tensions diplomatiques entre la Russie et la France depuis la crise des porte-hélicoptères Mistral et surtout de crispations commerciales et pharmaceutiques, l’UE tarde à homologuer le vaccin russe Spoutnik V. « La troupe de Kirill Serebrennikov est victime de la situation sanitaire, précise Pierre-Yves Lenoir, codirecteur des Célestins. Avec un double effet cliquet déplorable : la Russie est toujours classée en zone rouge, son vaccin n’est pas reconnu en France, ce qui contraint à une quarantaine. Or celle-ci n’est pas compatible avec le planning d’engagement des artistes. » Une source russe ajoute : « Il n’est pas possible de sacrifier 10 jours de quarantaine pour des artistes travaillant à Moscou dans le théâtre de répertoire et sur d’autres projets, y compris au cinéma. »

Pourtant, une autre compagnie russe, la troupe sibérienne KnAM, a pu se frayer un chemin jusqu’à Lyon pour le festival. Et l’équipe d’Outside a réussi à obtenir un laissez-passer pour la Schaubühne à Berlin. Quatre représentations y ont eu lieu entre le 29 septembre et le 3 octobre 2021, avec des tests quasi-quotidiens des 25 membres de l’équipe. En France, les ministères des Affaires étrangères et surtout de l’Intérieur se contentent de juger « non impérieux » un tel transport artistique. « On aimerait bien savoir ce qui représente un caractère impérieux, poursuit Pierre-Yves Lenoir. Sans doute pas la culture. On voulait nous imposer une bulle sanitaire avec des trajets en bus et des séjours en hôtel contingentés, professionnellement et éthiquement, ce n’était pas possible. On aurait pu imaginer une dérogation au vu de la notoriété de Kirill Serebrennikov. »

La France a fait Kirill Serebrennikov chevalier des Arts et des Lettres en 2018, Outside ayant été reconnu comme le meilleur spectacle étranger en 2020 par le Syndicat des critiques de théâtre de France. Mais il est assigné à résidence en Russie, avec interdiction de sortir du territoire jusqu’en 2023. En 2017, le metteur en scène et réalisateur avait été arrêté durant le tournage de son film Leto. Il s’est retrouvé accusé d’avoir détourné 1,8 million d’euros de subventions publiques dans le cadre d’un projet théâtral soutenu par le ministère de la Culture russe. Des accusations jugées « tout à fait fallacieuses » par Pierre-Yves Lenoir. Le metteur en scène Bruno Niver, qui a subi une perte financière à Avignon du fait de la privation de visas pour ses actrices russes (voir La Lettre du Spectacle n°499), considère que « l’air de rien, on va dans le sens de Poutine. La France se retrouve dans une position ridicule, au lieu de soutenir la liberté de parole, elle fait le contraire ». La tournée à Lille d’Outside, du 9 au 14 novembre, est en suspens, tout comme les dates du printemps 2022.

Nicolas Mollé 

En partenariat avec la Lettre du spectacle n°502

Légende photo : Outside, de Kirill Serebrennikov

Crédit photo : Christophe Raynaud de Lage

Olivier Py : « La culture ne crée pas uniquement de la valeur symbolique »

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Olivier Py

Entretien avec Olivier Py, dramaturge et directeur du Festival d’Avignon

Au-delà du tableau très sombre d’une « Allemagne année zéro » qu’il dépeint, votre opéra Siegfried, Nocturne, qui sera joué le 9 novembre au Grand Théâtre d’Angers, peut-il aussi résonner avec la dégradation du champ d’expression des idées politiques qu’on observe actuellement en France ? 
C’est une méditation sur le destin de l’Allemagne, tout simplement. C’est une histoire qu’on connait très bien ou, en tout cas, c’est l’impression que cela me donne. L’histoire de ce qu’on appelle l’« Allemagne année zéro » même si aujourd’hui certains allemands considèrent que cette Allemagne année zéro n’a jamais existé. Mais c’est une autre question. En tout cas, le décor de cet opéra n’est pas une petite histoire, c’est la grande. Celle de l’effondrement de l’Allemagne nazie dans lequel mon personnage, qui est un personnage échappé des pièces de Wagner, se demande tout simplement comment cela a commencé. Est-ce que cela fait écho à ce que nous vivons aujourd’hui, cette montée du nationalisme partout en Europe et quelquefois plus qu’une montée, avec son accession au pouvoir en Hongrie, en Pologne, en Italie et en un sens aussi en Angleterre et dans bien d’autres pays ? Évidemment. Je crois que la force du fascisme et du totalitarisme est toujours de nous faire croire qu’au début, ce n’est pas exactement ça. Que c’est autre chose, que ça a changé, que ça a un visage humain. Qu’il ne s’agit pas de ce qui a défiguré l’Histoire. On finit par se rendre compte que c’était bien de cela qu’il s’agissait. Mais c’est alors trop tard.  

Pourquoi vous interrogez-vous d’ailleurs à travers cet opéra sur la responsabilité de la culture et de l’art allemands, pourtant alors à leur apogée, dans la catastrophe nazie ? 
C’est une question philosophique. La première question, c’est d’abord : « Comment cette chose-là a pu arriver ? ». La deuxième c’est : « Comment a-t-elle pu arriver dans un pays qui avait mis si haut la culture et l’éducation ? ». L’Allemagne était le pays d’Europe avec le système culturel et éducationnel le plus extraordinaire que l’Histoire ait connu. Et pourtant, c’est là que nous avons dérapé vers la perte de toute humanité. Cela peut paraître étrange ce que je vais dire mais cette question est propre à ma génération, qui est pourtant née 30 ans après la guerre. Elle a été très importante dans mes premières humanités. J’ai notamment rencontré George Steiner [critique littéraire et philosophe décédé en février 2020, NDLR] qui l’a beaucoup posée, comme personne d’autre. J’ai commencé à la penser comme une question de mon époque, pas comme une question de 1945 après les conversations que j’ai pu avoir avec Steiner.

Sur la place de la culture, les intermittents du spectacle utilisent le slogan « Vous trouvez que la culture coûte cher ? Essayez l’ignorance » : qu’est ce que cela vous évoque ? 
C’est vrai qu’il y a beaucoup de gens qui trouvent que la culture coûte cher. Mais sur le plan strictement quantitatif, c’est une plaisanterie, le budget de la Culture n’étant jamais arrivé au 1 %, qui est toujours proclamé mais qui dans les chiffres n’est jamais là. Il y a aussi quelque chose qui me troublera toujours, c’est que la culture ne crée pas uniquement de la valeur symbolique mais aussi de la valeur marchande et économique. Et ce qui est très étrange, c’est que ces valeurs marchandes, ce n’est jamais la culture qui en bénéficie. Les villes, notamment via le tourisme, bénéficient d’un apport en valeur extrêmement important, quelquefois de l’ordre de 1 pour 10 par rapport à l’investissement consenti par les collectivités. Mais cet argent là ne revient jamais à la culture.

Avez-vous en tête des exemples précis ? 
Lorsque toutes les pizzas vendues au festival d’Avignon donneront un euro aux intermittents, on commencera à comprendre quel est le véritable rapport de force économique. Mais ce sont les mêmes qui vont ensuite trouver que la culture coûte trop cher. Il y a là quelque chose qui n’a pas de logique intellectuelle, qui n’a même pas de logique économique. La logique économique, c’est que notre valeur ajoutée est essentiellement culturelle. Rimbaud écrit une lettre à Ernest Delahaye dans laquelle il dit : « Je n’ai pas les vingt centimes qui me manquent pour t’envoyer un deuxième poème ». La même lettre s’est vendue chez Sotheby’s 72 750 euros. Donc qui crée de la valeur, qu’est ce qui crée de la valeur ? C’est là que réside à mon sens un défaut... de pensée, finalement. Mais même un défaut de pragmatisme en un sens. Sans la valeur ajoutée de la culture, l’économie française s’effondre.

Concernant le Festival d’Avignon, vous avez rencontré le 12 octobre son personnel, était-ce une rencontre « de routine » ou y avait-il des enjeux plus impérieux à cette réunion ?
C’est une rencontre que nous effectuons chaque année, que j’avais initiée. J’aime beaucoup vivre ces moments, qui sont des sortes de séminaires avec les salariés pour leur demander leur avis sur tout. C’est très intéressant d’avoir l’avis de la communication sur la technique, de la technique sur la communication, de la billetterie sur l’affiche et vice-versa. Cela permet, très librement, sans aucune hiérarchie de poste, de s’exprimer et quelquefois, de nous donner des idées. Même si pour moi, ce séminaire-là avait une couleur un peu particulière puisque c’était mon dernier. Et qu’on a quand même commencé à parler de la transition, joyeusement d’ailleurs.

L’heure de votre bilan à Avignon va-t-elle se présenter, justement ?
J’imagine que mes détracteurs ne vont pas s’en priver, tout de même. Ils ont là une très belle occasion de dire tout le mal qu’ils pensent de moi. Mais ce n’est pas à moi de faire ce bilan. Ce que je souhaite c’est qu’il y en  ait un d’effectué. Je crois, en effet, que le dernier livre sur l’histoire du festival, celui d’Antoine de Baecque, s’est arrêté à peu près à l’année où je suis arrivé. Donc ce serait bien que l’histoire du festival soit continuée. Ce n’est pas du tout un bilan ad hominem qu’il faut faire. Ce qu’il faut, c’est continuer à faire le récit de ce qu’est le festival en tant qu’objet utopique. Et ça, je pense que c’est très important, je l’ai d’ailleurs dit à mon successeur, Tiago Rodrigues, que j’aime beaucoup. Il faudra qu’il prenne en charge à la fois le récit hérité mais aussi le récit du présent, de ce qu’est le festival. Car Avignon n’est pas un marché du spectacle. C’est profondément le contraire d’une Fiac du spectacle. Certains le voudraient. Mais ce n’est pas ça qui est en place, c’est une véritable utopie politique et intellectuelle qui a lieu pendant trois semaines dans une ville décentralisée.

Propos recueillis par Nicolas Mollé

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°502

Légende photo : Olivier Py

Crédit photo : Eric Deguin

Les Zébrures d’automne perdent leur QG

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Hassane Kassi Kouyaté

Alors que les Zébrures d’automne se sont achevées le 2 octobre, avec une fréquentation de 60% pour les propositions payantes (soit 15% de baisse par rapport à une année hors Covid), l’équipe des Francophonie s’inquiète de perdre son point central habituel pendant la manifestation : l’ex caserne Marceau qui accueille bureaux, artistes et public. Un projet immobilier est prévu sur le site et Hassane Kassi Kouyaté, directeur des Francophonies, déplore n’avoir aucune perspective concrète de nouveau lieu pour les prochaines éditions : « La Ville met la caserne à la disposition du festival depuis 25 ans. Là, elle nous informe que les travaux vont débuter et nous n’avons aucune solution alternative qui nous permettrait de nous projeter pour la prochaine édition. » Contactée, la Ville de Limoges répond par une ellipse : « La caserne Marceau ayant vocation à être totalement restructurée dans le cadre d’un projet de quartier dont les travaux ont déjà démarré, nous étudions les conditions de poursuivre l’accueil du Festival des francophonies de manière adaptée au regard du calendrier des travaux. »

Plus globalement, Hassane Kassi Kouyaté (récemment retoqué lors de sa candidature au Théâtre de L’Union, CDN de Limoges) regrette de ne pas avoir non plus de lieu pour la création : « La Ville met des bureaux et la maison des auteurs à notre disposition mais nous n’avons pas de lieu pour les résidences. Je dois trouver des accords avec d’autres théâtres en France pour des mises à disposition de plateaux. Cela débouche sur une création à deux vitesses au sein des francophonies, entre les artistes des “francophonies du nord”, qui ont plus facilement accès à des salles avec leur réseau de partenaires, et ceux des “francophonies du sud”. Par ailleurs, nous sommes chaque année dépendants des disponibilités des théâtres partenaires en Haute-Vienne pour l’accueil des représentations. Je me suis engagé sur 14 créations l’an prochain et je ne sais pas où elles pourront être jouées. » Directeur des Francophonies en Limousin depuis trois ans, Hassane Kassi Kouyaté prévient : « On ne peut pas dire que l’on n’est pas aidés car nous avons des subventions de l’État, du Département et de la Ville. Mais les moyens ne sont pas à la hauteur. Je vais faire le bilan du festival et faire le point avec les tutelles car la question que pose plus globalement la situation du festival est : quel est aujourd’hui le projet de l’État pour la valorisation des Francophonies ? »

Tiphaine Le Roy

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°501

Légende photo : Hassane Kassi Kouyaté

Crédit photo : Christophe Péan

Une Scala à Avignon dès 2022

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Frédéric Biessy

Un nouveau et ambitieux théâtre va naître à Avignon, annoncé par les propriétaires de La Scala Paris et de la Piccola Scala : Mélanie et Frédéric Biessy. La Scala Provence sera situé en lieu et place de l’actuel multiplexe Le Pandora, dans une rue perpendiculaire à la rue de la République, en plein centre-ville. « Le cinéma a été acquis pour la somme de 1,5 M€ », confie Frédéric Biessy. Cette nouvelle « maison d’artistes », ouverte à toutes les disciplines – le croisement des arts signe la marque de la Scala Paris – comportera 3 salles (550, 250 et 150 places). Il sera ouvert pendant le festival, mais aussi à l’année.

Les travaux d’aménagement (entre 1,5 et 2 M€) commencent dès ce mois d’octobre pour une ouverture prévue à l’été 2022. La Scala Provence disposera d’un studio dédié aux enregistrements produits par le label que créent les Biessy : Scala Music. Il abritera la librairie Actes Sud Avignon et un restaurant. Dans le sillage de La Scala parisienne, « théâtre d’art privé d’intérêt public » depuis sa création en 2018, le lieu  veut « servir la création la plus exigeante ». Le théâtre sera « un nouveau lieu de vie ouvert hiver comme été aux créations, aux résidences d’artistes de premier plan ou appartenant à l’émergence, issus de toutes les disciplines : théâtre, danse, musique, nouveau cirque, stand-up, arts visuels et numériques. L’été, [il] deviendra un lieu central et profitable du festival ». Frédéric Biessy prévoit un budget de fonctionnement « compris entre 2,5 et 3 M€ ». Se positionnant, en juillet, comme un lieu du Off, – dont il représentera, de loin, la plus grande jauge – La Scala Provence projette aussi de nouer des partenariats avec le In.

Nicolas Marc

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°501

Légende photo : Frédéric Biessy

Crédit photo : Yves Perennou