Biblioscènes

Né de l’imagination de Jacques Félix et de sa compagnie, Les Petits Comédiens de chiffons, en 1961, le Festival mondial des théâtres de marionnettes (FMTM) compte à ce jour 20 éditions. Conduit sur un rythme triennal depuis 1976, devenu une biennale en 2009, il reste un rendez-vous international de très grande ampleur dans le paysage de la marionnette, à l’image de ce que le Festival d’Avignon représente pour le théâtre. Il est aussi, pour un territoire excentré, un vecteur de développement culturel et économique puissant. À travers les commentaires d’acteurs et d’observateurs avisés du festival (Nathalie Diot, Anne-Françoise Cabanis, Philippe Choulet, Jean-Pierre Lescot, Philippe Vaillant), on entrevoit aussi la manière dont une programmation, nourrie de repérages dans le monde entier, peut influencer l’évolution des esthétiques sur plusieurs générations d’artistes.

Collectif

Éditions Terres noires, 240 p., 25 €

Le « vieux singe », c’est lui, Jean-Gabriel Carasso, ancien directeur de l’Anrat et militant infatigable de l’éducation populaire. Dans cet ouvrage publié par son éditeur et ami Émile Lansman – il s’agit du 1 300e de la maison d’édition wallonne –, il chemine à travers ses souvenirs, personnels et professionnels, pour partager une trajectoire au service de son idéal : la culture dans toute sa diversité. Structuré en quatre parties principales (être, avoir, faire et partager), il fourmille d’anecdotes sur le Festival d’Avignon, le Théâtre de la Clairière, les Cemea ou encore l’aventure plus récente du Nouveau Théâtre populaire. Le « vieux singe » a encore beaucoup à dire.

Jean-Gabriel Carasso

Lansman éditeur, 78 pages, 12 €.

Dans cet ouvrage préfacé par Dominique Sagot-Duvauroux, Chloé Langeard, maître de conférences à l’université d’Angers, et ses contributeurs reviennent sur les méthodologies à l’œuvre dans le cadre du programme de recherche « Valeur(s) et utilités de la culture » en région Pays de la Loire. Expérimental, ce programme combinait pluralité des disciplines universitaires associées, des connaissances (milieu académique versus milieu professionnel) et pluralité des terminologies employées, selon celles et ceux qui les portaient (chercheurs, professionnels de la culture…). Sur ce dernier point, le concept même de « valeurs » est l’illustration même de cette diversité d’acception d’un même terme. C’est ici, sur les « enjeux de la valeur et de l’évaluation » de l’action publique comme des « objets artistiques » que cette publication apporte sans doute le plus de clés au lecteur professionnel du spectacle vivant.

Chloé Langeard (dir.)

Presses universitaires de Rennes, 142 p., 18 €

Sociologue et journaliste, Laura Cappelle a tenté de remonter aux plus anciennes traces laissées par la danse dans le temps, souvent oubliées dans l’histoire de l’art. Pour cela, elle a réuni autour d’elle, vingt-sept spécialistes de la danse en Occident pour une synthèse rigoureuse et très référencée des connaissances à ce jour. L’effort est louable car l’ouvrage peut aussi bien être lu par un professionnel de la danse que par un enseignant, un étudiant ou un simple amateur, spectateur assidu des plateaux de danse. Précédé d'un avant-propos du danseur et chorégraphe américain William Forsythe, cet ouvrage décrypte le mouvement à la lumière des dynamiques sociales, culturelles et artistiques qui l'ont façonné. Toutes les danses y ont leur place, qu’elles soient contemporaines, classiques, apolliniennes, politiques, populaires… On découvre ici avec intérêt les premiers indices de transes dansées, une analyse historique des différentes étapes qui ont mené à la libération moderne du corps, les codes des ballets de la Renaissance, les danses traditionnelles de l’Ancien Régime ou encore une approche assez complète de la création chorégraphique actuelle. Chercheuse associée au Centre de recherche sur les liens sociaux (Cerlis), Laura Cappelle travaille aussi comme critique de danse et de théâtre pour le New York Times, le Financial Times ou encore Dancing Times. Elle livre ici un ouvrage qui fera référence. Un bel investissement pour un panorama complet, tout à la fois historique, esthétique et politique de la danse à travers les âges et les sociétés du monde occidental.

Laura Cappelle (dir.)

Seuil, 416 p., 31 €

Une toute nouvelle édition de cet ouvrage pratique vient de paraître au printemps. Il s’agit là d’un outil bénéfique au dialogue entre les nouveaux élus, quelques semaines après leur prise de fonctions, et leurs responsables des Affaires culturelles. Cette nouvelle édition, à jour du contexte institutionnel, législatif et réglementaire, remet en perspective les problématiques et illustre chaque volet d’exemples concrets et actualisés. Elle permet notamment aux élus d’identifier clairement les acteurs institutionnels, les mécanismes professionnels et les enjeux de politiques publiques propres à ce secteur.

Marianne Csizmadia et Jérôme Dupuis

Éditions Teritorial, Coll. Dossiers d’expert, 106 pages, 35 €

Cette nouvelle enquête menée par l’Observatoire des politiques culturelles révèle dans toutes les catégories de collectivités « des hausses budgétaires en fonctionnement plus nombreuses que les baisses, y compris pour les départements ». Même si l’on constate « un certain ralentissement du côté des budgets d’investissement », les tendances pour 2020 s’annonçaient bonnes : une majorité des répondants (57 %) envisagent une stabilisation de leurs efforts financiers et 21 % prévoient de poursuivre la hausse. Mais qu’en restera-t-il après la pandémie de Covid-19 qui affectera fortement les recettes et les budgets des collectivités publiques ?

Collectif

Observatoire des politiques culturelles, 22 pages, en téléchargement libre

Conçu comme un atlas géopolitique, cet ouvrage original s’intéresse à la manière dont aujourd’hui, la culture devient un instrument de pouvoir dans les luttes qui opposent les différents blocs d’un monde protéiforme et insaisissable. Les stratégies de pétromonarchies arabes en manière de culture, l’interventionnisme chinois le long des nouvelles routes de la soie ou encore la propagande par la culture du régime populiste de Viktor Orbán en Hongrie sont ici explicités, cartes à l’appui. On peut aussi bien le feuilleter pour comprendre les grands équilibres que génère ce soft power ou bien se plonger dans des textes plus fouillés mais d’un accès aisé. Une jolie réussite.

Antoine Pecqueur

Autrement, 130 pages, 21,90€

On parle beaucoup, dans les milieux culturels du geste artistique, de la vocation, du travail du corps ainsi que du désir. Les mondes culturels se veulent à l’avant-garde sur le plan artistique mais le sont-ils aussi sur le plan du genre ? C’est l’une des grandes questions posées par cette recherche. Le talent a-t-il un sexe ?, et si oui, est-il le même dans tous les domaines artistiques et culturels ? Comment expliquer les différences de carrière entre femmes et hommes dans des domaines où seuls le talent et la passion individuelle devraient compter ? Dans Sexe et genres des mondes culturels, une trentaine de chercheuses et chercheurs des sciences humaines et sociales, apportent des éclairages sur ces questions de genre et de sexe dans les milieux de la musique, de la danse, mais aussi des arts plastiques ou du livre. Cet ouvrage offre un prolongement à une précédente publication, Normes de genre dans les institutions culturelles, placée sous la direction de Sylvie Octobre et Frédérique Patureau et édité par le DEPS (Coll. Questions de culture) en 2018. À titre d’exemples, Séverin Guillard et Marie Sonnette proposent une étude intitulée « De la position à la posture : assignations et revendications genrées du monde du rap en France », tandis que Marc Perrenoud, Pierre Bataille et Jérôme Chapuis ont étudié le positionnement des musiciennes de « musiques actuelles » en Suisse romande. Des éclairages nombreux, variés et qui explorent souvent des « angles morts » des politiques visant à l’égalité homme-femme dans les milieux professionnels de la culture.

Sylvie Octobre et Frédérique Patureau (dir.)

ENS Éditions, 266 pages, 24 €

Si les enjeux sont souvent communs, les expériences liant véritablement ces deux champs du secteur non marchand sont pour autant qualifiées de « sporadiques » par les auteurs des contributions qui nourrissent cet ouvrage ; On y trouvera pourtant d’intéressantes analyses, comme celle de Cécile Offroy, chargée d’étude à Opale, y propose sur les dynamiques collectives à l’œuvre dans quatre lieux intermédiaires de la communauté d’agglomération de Plaine Commune.

Par Hervé Defalvard (dir.)

Presses universitaires de Grenoble, 176 pages, 22 €

Le Guide pratique de l’Observatoire de la création

Créé en 2002 sous l’égide de la Ligue des droits de l’Homme, l’Observatoire de la liberté de création a été fondé sur un principe de solidarité entre public, auteurs et artistes. Il réunit à ce jour une quinzaine d’organisations représentant tous les genres artistiques, ainsi que l’éducation populaire, qui, à l’initiative de la Ligue des droits de l’Homme, ont décidé de lutter contre la censure des œuvres. Intervenant en soutien aux artistes et auteurs contre la censure, ou contre la répression pénale qu’ils peuvent subir, il est le premier témoin des censures, parfois insidieuses, à l’œuvre dans le monde de l’art. Sa réflexion porte aussi bien sur les débats judiciaires que sur les troubles liés à des sanctions populaires (affaires Orelsan, Cantat, ou plus récemment Polanski…). L’ouvrage décrit et analyse successivement des situations de censure comme autant de cas d’école : Romeo Castellucci, Rodrigo Garcia, Exhibit B, Les Suppliantes...

Pourvu de nombreuses annexes qui resituent bien l’objet de la censure, il s’avère très détaillé pour chacune de ces affaires, tant sur l’œuvre contestée que sur le contexte politique et social ou sur la recevabilité juridique des actions intentées à l’encontre des artistes. Présenté sous forme de fiche, avec un plan identique pour chaque affaire, l’ensemble est très clair. Il permet une compréhension globale du sujet et offre surtout une définition claire de ce qui relève ou non de la censure. Un ouvrage édité par La Scène qui s’avère essentiel dans une époque où les tentatives de censure n’ont pas disparu et dont on peut même considérer qu’elles sont plus nombreuses dans une société marquée par le retour, sous différentes formes, du moralisme.

Par Agnès Tricoire, Daniel Véron, et Jacinto Lageira (dir.)

Éditions La Scène, 452 pages, 24 €