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Avignon Off : « Un énorme travail de pédagogie vers le public sera nécessaire »

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Sébastien Benedetto

Entretien avec Sébastien Benedetto, président d’Avignon Festival & Compagnies (AF&C)

Où en est AF&C de la préparation du Off 2021 ? 
Nous avons assisté à une réunion avec la ministre de la Culture le 17 février avec d’autres festivals (In, Aix, Rencontres d’Arles…). Un rendez-vous spécifique au Off est prévu avant la mi-mars avec le cabinet de la ministre sur l’organisation et les financements. Nous avançons bien avec les collectivités. Le préfet de Vaucluse a demandé à chaque théâtre du Off de lui communiquer deux référents Covid, des personnes qui connaissent bien leur théâtre, par exemple un régisseur et un personnel d’accueil, qui bénéficieront d’une formation. Le ministère de la Santé nous communiquera un guide d’accueil du public, la DRAC le completera selon nos questions.

Le projet de fonds de solidarité est-il toujours d’actualité ?
Le principe a été voté lors de notre dernier conseil d’administration. Il s’agit d’élargir le fonds de professionnalisation d’AF&C pour aider les artistes et techniciens qui viendront à Avignon. Mais nous sommes encore dans le flou par rapport aux aides qu’AF&C ou les théâtres pourraient toucher. Y aura-t-il par exemple un fonds de compensation pour la billetterie ?

Ce fonds de solidarité serait notamment abondé par une billetterie centralisée…
Notre système de billetterie Ticket Off ne sera pas centralisé, il y a eu trop de tergiversations et de rejets, tandis que sa fiabilité technique n’était pas acquise. Nous souhaitons néanmoins que les théâtres proposent 30 % de leurs places via Ticket Off, afin de prélever environ 1,5 € sur chaque billet pour abonder le fonds.

La question se pose de la circulation des piétons dans l’enceinte d’Avignon. 
Nous avons eu des réunions à ce sujet avec la préfecture et la Ville. Cette dernière travaille sur des plans de circulation. Du côté des théâtres, il faut réfléchir aux files d’attente des spectateurs. Un énorme travail d’information et de pédagogie vers le public sera nécessaire, avec plans et signalétique.

Avec l’idée de désolidariser Festival d’Avignon et Off ?
Non, ce n’est pas un scénario mais une rumeur. Mais si le In ajustait ses dates, nous pourrions faire de même via le vote de notre assemblée générale extraordinaire, qui pourrait avoir lieu fin avril. Quant au programme papier, il sera édité. Nous tentons de repousser son envoi chez l’imprimeur à fin avril, voire début mai.

Faudra-t-il désinfecter les salles entre chaque spectacle ? 
Certains devront allonger le délai entre les spectacles pour éviter les croisements de spectateurs et d’équipes artistiques, pas pour désinfecter mais pour aérer 20 minutes, comme le précisent les protocoles sanitaires.

AF&C a sondé des professionnels via Internet.
Oui, plus de 70 % des professionnels souhaitent à ce jour assister au Off, car c’est un vrai lieu de rencontres. Mais des programmateurs conviennent qu’ils auront moins de place dans leur saison en raison de nombreux reports. La question d’un Off pour les seuls pros a été posée, option prise par la dernière Biennale internationale des arts du cirque. Personne ne souhaite ce scénario, mais nous posions la question au cas où nous serions dans une situation sanitaire compliquée.

Propos recueillis par Nicolas Dambre  

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°489

Crédit photo : Thomas O'Brien

Festivals : le cadre imposé suscite surtout du mécontentement

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Jazz à Vienne

Après le cadre fixé par le 18 février par la ministre de la Culture pour les festivals d’été, les Vieilles Charrues ont annoncé un nouveau format : 10 jours de concerts pour 5 000 personnes assises et distanciées, signe que le festival avait anticipé. Tout comme Pause Guitare, à Albi, qui avait dédoublé sa programmation sur deux semaines et investi dans des gradins. Les Francofolies de La Rochelle maintiennent les concerts en jauge limitée. Pour d’autres, s’adapter de la sorte est inenvisageable. Garorock et le Hellfest ont annulé. Les Eurockéennes (130 000 spectateurs) pourraient faire de même, leur directeur, Jean-Paul Roland, dénonçant, sur Publicsenat.fr : « Ce ne sont pas des spectateurs qu’on pose assis comme des Playmobils à deux mètres de distance pendant huit heures, et on les ressort. Nous, on fabrique de l’interaction sociale ». Au Foin de la Rue (Mayenne) n’organisera pas d’édition 2021, la jauge de 5 000 personnes assises lui semblant incompatible avec l’identité du festival et des spectateurs âgés en moyenne de 25 ans. Beaucoup de manifestations plaidaient pour un prorata en pourcentage de la jauge plutôt qu’un seuil de 5 000 individus sans justification sanitaire.
Lisa Bélangeon, coordinatrice du festival mayennais, et élue du Syndicat des musiques actuelles, déclare : « Une saison culturelle aura lieu, mais pas des festivals au sens où on les entend dans les musiques actuelles. Aucune date de reprise n’est fixée, elle semble liée à celle de la réouverture des lieux culturels. Sur les bars et la restauration, pas de réponse non plus. Nous nous étonnons qu’il n’y ait pas de distinction entre événements en intérieur ou en extérieur. »

Artistes : s’adapter ou pas 
Le Syndicat des producteurs, diffuseurs et salles de spectacles (Prodiss), dénonce « la jeunesse française sacrifiée » et défend vaccinations et pass sanitaire « qui permettraient à tous les festivals d’avoir lieu cet été ». Béatrice Desgranges, directrice de Marsatac, confie : « Le plus précieux est de maintenir la promesse d’un rendez-vous. Nous n’avons pas encore trouvé la formule, mais Marsatac restera électro, urbain et festif. Et nous n’empêcherons pas les spectateurs assis de se lever, nous veillerons surtout à la distanciation, qui doit être précisée. » L’événement marseillais, prévu en juin, pourrait décaler ses dates. Le festival Jazz à Vienne (du 23 juin au 10 juillet) s’adaptera plus facilement que d’autres car la moitié des concerts au Théâtre antique sont en formule assise, l’autre en assis-debout (7 500 spectateurs). Benjamin Tanguy, son directeur artistique, observe : « Cela pose plein de questions, notamment sur nos recettes propres, mais aussi côté artistique. Beaucoup de groupes internationaux préfèrent reporter leur venue à 2022 plutôt que de réfléchir à un projet plus léger où à des cachets moindres ». Heureusement, plusieurs artistes français proposent des formules adaptées, comme le rappeur Disiz la Peste en piano-voix, ou l’artiste électro Rone en formule symphonique. À Brest, le festival électro Astropolis a demandé aux artistes programmés d’adapter leurs prestations scéniques à un public assis.

Festivals ou concerts
Angelo Gopee (Live Nation France), qui organise le Main Square festival, à Arras, estime qu’il ne faut pas confondre festival et série de concerts en plein air : « Cette décision politique – en total contradiction avec le discours rassurant du président de la République – va sacrifier pour l’été l’essentiel des esthétiques musicales contemporaines ». Il réclame des éclaircissements rapides sur l’articulation des aides. Au Festival interceltique de Lorient (FIL), Lisardo Lombardia, directeur général, est optimiste : « Le FIL est un événement pluridisciplinaire loin des festivals en espace clos. Les gens y déambulent en ville comme le reste de l’année et nous pourrons utiliser le parc central de la ville. La grosse difficulté concernera les bals, s’il n’est pas possible d’être debout et de se toucher… Mais je pense que la situation s’améliorera d’ici l’été. »

Nicolas Dambre  

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°489

Légende photo : Jazz à Vienne

Crédit photo : Daniel Durand

Perte d’activité : les musiciens premiers touchés

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Yonatan Gat

La cérémonie des Victoires de la musique a offert une courte fenêtre médiatique à la fédération CGT-Spectacle pour attirer l’attention sur la situation des musiciennes et musiciens, première catégorie d’artistes impactée par la crise sanitaire. Le Syndicat national des artistes musiciens fait référence à une note interne de l’Unedic datée du 10 février. Elle établit que, de janvier à octobre 2020, leur activité a chuté de 40 % par rapport à la même période 2019. Dans le secteur dramatique, la baisse est de 30 %. Chez les intermittents techniciens, ce sont les métiers du plateau, machinerie et lumière qui pâtissent le plus de la situation, avec presque 50 % de baisse d’activité. La période concernée inclut les mois d’avant le confinement, ainsi que l’été au cours duquel des intermittents ont pu travailler.

La situation n’a fait que s’aggraver depuis la fin octobre. « Notre souci, c’est l’inaction du ministère et du Centre national de la musique, s’insurge Philippe Gautier, secrétaire général du SNAM-CGT. Le ministère de la Culture s’occupe des équipes suivies par les DRAC et le CNM d’abord des entreprises. Personne ne s’intéresse aux musiciennes et musiciens. Rien ne bouge. Nous sommes toujours en contact avec le ministère où l’on nous dit qu’il y a toujours des arbitrages à attendre. » Tandis que les musiciens permanents des orchestres classiques multiplient les interventions dans les établissements scolaires, les musiciens isolés ne débénficient d’aucun dispositif financier pour financer des heures de travail. La CGT réclame un fonds de soutien à l’emploi.

Un autre motif d’inquiétude concerne la mission confiée par le ministère à André Gauron sur l’année blanche des intermittents du spectacle. La ministre invite le conseiller maître à la Cour des comptes à différencier les situations des intermittents selon les secteurs d’activité (audiovisuel/spectacle vivant, artistes/techniciens par métier) « pour ajuster le dispositif actuel en fonction de cette analyse » et « dégager des pistes de réponses ciblées ». Philippe Gautier proteste : « Ce traitement au cas par cas, ce n’est pas possible, comme ce n’est pas supportable de lire ce mensonge à propos d’une année blanche qui aurait coûté 950 millions d’euros. » Au-delà de la prolongation générale des allocations chômage lors du confinement de printemps, une partie des intermittents du spectacle aurait de toute façon pu être indemnisée même sans le dispositif d’année blanche.

Yves Perennou

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°488

Légende photo : Yonatan Gat

Crédit photo : Eric Deguin

Institut français : « Penser les projets de façon hybride avec le digital »

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Gaëlle Massicot-Bitty

Entretien avec Gaëlle Massicot-Bitty, responsable du pôle artistes et professionnels au département développement et coopération artistiques de l’Institut français

Quelle réponse a été apportée par l’Institut français au blocage de la circulation des artistes ? 
L’année 2020 nous a obligés à repenser notre action et à réfléchir à de nouveaux formats avec le réseau et les équipes artistiques. Vous savez que nous favorisons la mobilité des professionnels étrangers à travers les focus. Aux Nouvelles Zébrures d’automne, à Limoges, nous avons réussi à mobiliser quelques programmateurs d’Europe et d’Afrique et nous avons filmé des spectacles ainsi que des présentations de projets d’artistes. Un mois plus tard, nous avons monté un focus virtuel, permettant aux professionnels d’accéder aux spectacles captés et aux rencontres professionnelles. Cette alternative nous a permis d’avoir une réponse inclusive. Autre exemple avec le festival Next (Hauts-de-France) qui n’a pas pu se tenir. Nous avons eu une version totalement numérique, grâce au partenariat avec la Région Hauts-de-France, pour présenter les artistes, dans des spectacles sans public, pour des programmateurs majoritairement européens.

Comment envisager l’avenir ?
Il y a une mobilisation pour maintenir les liens avec équipes artistiques, penser les projets de façon hybride. Nous avons ainsi repris Relance Export avec des projets qui commencent en digital. C’est le cas avec la Biennale de la danse de Cali, en Colombie, qui a invité de jeunes chorégraphes. Le projet va commencer dès avril sous forme digitale et pourrait se poursuivre sur place. Pour le dispositif « La Collection », qui est un catalogue de formes légères, avec différentes institutions françaises, en 2021, nous l’organisons en deux temps, avec un catalogue sur le premier semestre où les projets peuvent être aussi en format numérique. Par exemple, on s’est associé avec Klap, à Marseille et la commande de Michel Kelemenis de pièces de 10 minutes. Klap a capté ces spectacles et l’Institut français au Mexique va en diffuser les contenus. Quand les frontières seront ouvertes, Klap passera commande à des chorégraphes français pour des formes jouées en plein air, par exemple, au Maroc. La question est en effet aussi d’adapter pour le plein air des spectacles prévus pour la salle. L’Institut français en Chine a proposé le festival French Waves, en juin, avec la chaîne Tencent Art, pour des spectacles surtitrés en chinois. En deux mois d’exploitation, elle a touché 3,12 millions de spectateurs. Nous sommes partenaires en Chine pour déployer à nouveau ce contenu. Avec le Festival Expériences du Festival d’Avignon et à l’initiative du service culturel aux états unis, on a développé des contenus pour les étudiants des classes d’arts américaines. Nous regardons aussi, avec Avignon, de nouveaux usages avec la Corée du Sud grâce à un partenariat avec une plateforme payante, offrant des contreparties financières. C’est le début d’une réflexion sur le point d’équilibre financier et la rémunération des artistes.

Comment se présentent les focus de la Biennale de Lyon et d’Avignon ?
On réfléchit avec Dominique Hervieu pour Lyon, à avoir une alternative possible, avec des propositions numériques, certainement dans un dispositif hybride. On est sur ce projet avec l’ONDA. Rien n’est encore fixé. De même avec Avignon. Maintenant, nous avons  l’expérience de Limoges et Next, et nous savons que cela peut marcher. Ensuite, chaque focus est construit avec les partenaires.

A plus longue échéance, quels sont les événements prévus ? 
On sent bien le besoin des artistes français d’échanger avec des partenaires étrangers. Plus tard dans l’année, il est prévu que Thomas Lebrun aille au Brésil pour une création, de même Amala Dianor en Inde. Nous avons aussi un grand projet avec Eleusis, en Grèce, capitale européenne de la culture. Il y en a d’autres comme la tournée de Congo Jazz band (Hassane Kouyaté), celle de Farm fatale (Philippe Quesne) et Un Ennemi du peuple (Jean-François Sivadier), celle d’Akzak (Héla Fattoumi et Éric Lamoureux). On sait aussi que quand la mobilité reprendra, il y a aura des quatorzaines donc un coût supplémentaire pour les équipes. Nous travaillons sur l’accompagnement. On a acté une programmation 2021 et on sait qu’elle va devoir s’adapter. L’important c’est de garder le contact avec les créateurs et que le réseau culturel garde le lien avec la scène française.

Propos recueillis par Yves Perennou

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°488

Crédit photo : D. R.

Les maisons de disque vont-elles dévorer le concert ?

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La chanteuse Suzane

La crise favorise t-elle les maisons de disques par rapport aux producteurs de concerts ? Les premiers vont voir leurs chiffres d’affaires baisser de l’ordre de 30 % pour les premières contre 85 % pour les seconds. Angelo Gopee, patron de Live Nation France, avait démissionné du conseil d’administration du Prodiss et attiré l’attention sur le sujet. Il prévient : « Beaucoup d’artistes signent avec des maisons de disques qui font de la production de concerts, au détriment des seuls producteurs de concerts. Les maisons de disque ont trois sources de revenus : l’édition, la musique enregistrée avec le streaming et la scène. Il va y avoir une redistribution des cartes après la crise. »

Pierre-Alexandre Vertadier, dirigeant de Décibels Productions, filiale concerts de la major Warner, voit les choses différemment : « Il ne faut pas opposer producteurs indépendants et producteurs rattachés à une maison de disques. Il y a de la place pour tout le monde. Je fais mon métier comme un indépendant, je ne m’occupe que de spectacles et plus de la moitié de mes artistes ne sont pas signés chez Warner. Les deux seuls avantages à être adossé à un groupe : trouver des synergies et éviter les actuels problèmes de trésorerie. » La diversification des maisons de disques dans les concerts n’est pas récente puisque Warner Music France avait racheté Camus Productions dès 2008.

Olivier Poubelle, fondateur d’Astérios, pense que le problème n’est pas directement lié à la crise sanitaire : « Nous sommes confrontés à des groupes aux moyens colossaux qui peuvent démarcher des artistes, mais ces derniers les sollicitent également. Avant même ce phénomène, les petits producteurs de concerts avaient du mal à garder les artistes à très forte notoriété. »

Chad Boccara, manager de l’artiste Suzane, l’a incitée à signer chez Wagram Music et avec sa filiale W Spectacles. « Devions-nous mettre tous nos œufs dans le même panier ? Avec le recul, je le crois car il y a un vrai dialogue entre les deux structures qui sont situées dans les mêmes bureaux. » La révélation scène des Victoires 2020 touche encore des droits d’auteurs sur des concerts donnés avant l’arrêt dû à la pandémie.

Les producteurs de disques et de concerts vont-ils s’opposer aux producteurs de seuls concerts au sein du Centre national de la musique (CNM) ou du Prodiss, comme semble le craindre Angelo Gopee ? « À la différence du cinéma ou du disque, notre syndicat regroupe groupes et indépendants, ce qui fragilise la liberté de parole et le positionnement du Prodiss », juge Olivier Poubelle. Une opposition paradoxalement soulevée par le dirigeant de la filiale de la multinationale Live Nation, qui peine à constituer un catalogue d’artistes français.

Du côté du CNM, son président Jean-Philippe Thiellay lance : « C’est une question qui renvoie aux équilibres entre des secteurs de plus en plus poreux. Il est économiquement dangereux que certains producteurs de spectacles subissent les conséquences de transferts d’artistes qu’ils ont développés vers de grands groupes. » Un point évoqué lors des auditions menées par l’Autorité de la concurrence, laquelle doit bientôt rendre un avis sur les phénomènes de concentration dans les musiques actuelles.

Nicolas Dambre

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°488

Légende photo : La chanteuse Suzane

Crédit photo : Eric Deguin

Sacem : une baisse de moyens de 27 % pour l’action culturelle

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François Besson

Entretien avec François Besson, directeur de l’action artistique à la Sacem

Comment évolue l'action artistique et culturelle de la Sacem ?
Vous connaissez l’évolution au long cours de l’action culturelle de la Sacem : nous avons investi le numérique, développé le financement participatif, poussé le travail d’ingénierie.  Nous accélérons cette phase. Parallèlement aux programmes que l’on connaît (aides à l’autoproduction, à l’écriture de musique originale, aux résidences dans la musique contemporaine et le jazz de création), nous ouvrons une entrée pour accompagner les auteurs compositeurs dans la conduite de leur projet. Ils sont de plus en plus entrepreneurs et, pour ceux qui ne le sont pas par choix, qui ne sont pas accompagnés par un producteur phono ou scénique, l’idée est d’apporter un accompagnement complet. Cela peut être de l’aide monétaire, mais aussi la mise en réseau, le conseil. Nous modifions pour cela notre organisation interne. Un bureau d’ingénierie culturelle sera officialisé en février aux côtés du service musique et spectacle vivant et du service cinéma, audiovisuel, musique à l’image.

Quelle est la situation budgétaire ?
En 2020, la collecte de copie privée a été moins mavaise que prévue. L’année 2021 est plus dure. La recette de la copie privée est en baisse de 10 % et celle liée aux irrépartissables de 13 %. Une fois pondéré, cela nous donne -11 %. Mais on augmente aussi les aides d’urgence, alors qu’on y avait mis 6 M€ l’année dernière. Nous serons à -27 % de moyens en soutien pour l’action culturelle. L'idée n'est pas de raboter toutes les aides, mais de travailler avec les autres dipositifs comme ceux du Centre national de la musique. On maintient les aides aux festivals et aux salles, mais fléchées sur des projets de création, de résidences, de valorisation de l'émergence, de repertoires sous-exposés dans les médias. L'aide aux festivals en tant que structure aura tendance à baisser parce qu'ils vont trouver des financements au CNM. Sur les festivals de diffusion on va baisser.

Les aides seront maintenues aux festivals touchés par les annulations ou reports ? 
En 2020, les aides ont été maintenues à deux ou trois exceptions, dans une réaction de solidarité. Nous sommes obligés de changer de principe. Les moyens de la copie privée sont conditionnés à l'exécution des projets. Que ça soit en hybride ou en dématérialisé, il faut que le projet ait lieu. Les essais de 2020 en dématérialisé ont débouché sur des initiatives solides. Après, il ne faut pas perdre l'âme du spectacle vivant.

Propos recueillis par Yves Perennou

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°487

Crédit photo : Jean-Baptiste Millot

Off 2021 : les théâtres en ordre dispersé

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Capital risque

Signer des contrats de location avec les compagnies ou attendre, prévoir un nombre réduit de créneaux, baisser le prix des locations... autant de sujets auxquels les 130 lieux d'Avignon Off se préparent dans la plus grande incertitude à cinq mois de festival (du 7 au 31 juillet). L’annulation de 2020 a impliqué le report de quasiment tous les spectacles, sauf souvent ceux de compagnies étrangères. À l’Espace Alya et au Chapeau d’Ébène Théâtre, Raymond Yana, codirecteur, commente : « Nous n’avons pas encore envoyé de contrats pour 2021 aux compagnies françaises. Il ne serait pas raisonnable d’encaisser pour devoir peut-être le rembourser en avril. » Son association avait remboursé toutes les compagnies au lendemain de l’annulation du Festival d’Avignon.
A contrario, le Théâtre du Roi René a déjà signé des contrats avec les producteurs et compagnies. Sa directrice, Hélène Zidi, précise : « Deux compagnies avaient demandé à être remboursées. Si le nombre de créneaux par théâtre doit être réduit pour aérer et désinfecter les salles, je ne crois pas que nous aurons à choisir quelle compagnie ne pourra pas jouer. Les plus fragiles économiquement choisiront d’elles-mêmes de ne pas se produire. Rien n’est arrêté sur le nombre de créneaux. »

Désinfecter les salles ? 
L’association AF&C, qui coordonne le Off, travaille en effet sur un scénario dégradé du festival, avec des jauges réduites et davantage de temps entre chaque spectacle pour éviter les croisements de public et procéder au nettoyage des salles. Laurent Sroussi, directeur artistique du 11 Avignon, s’en étonne : « Je ne perçois pas la pertinence de désinfecter les salles : les sièges n’ont pas d’accoudoirs, les portes sont ouvertes, l’air est renouvelé… J’envisage plutôt des jauges réduites. Mais notre théâtre ne vend pas de créneaux aux compagnies calculés par rapport au nombre de fauteuils. Le prix du créneau ne baisse donc pas, d’autant que c’est nous qui portons l’essentiel du risque financier en cas de seconde annulation. » Seuls 15 des 24 spectacles prévus ici en 2020 sont reportés à 2021 et tous les contrats ont été signés. à l'Espace Alya, Raymond Yana envisage, pour sa part, une réduction du prix du créneau en fonction de celle des jauges, mais aussi en fonction des aides ou compensations touchées par les compagnies.

Réduire les jauges ? 
Dans ses deux lieux extra-muros (95 et 180 places), la Manufacture est l'un des rares qui pourraient préserver ses jauges en augmentant la taille de ses gradins tout en maintenant une distanciation entre spectateurs. Son président, Pascal Keiser, indique : « Avec 28 salariés sur trois sites et des infrastructures lourdes, le coût de nos théâtres en ordre de marche n’est pas compressible. Nous ne pouvons pas baisser le prix de la location avec des prix de places très abordables. » 35 compagnies sont en cours de contractualisation, avec une clause Covid en cas d’annulation.
Marion Bierry, directrice du Théâtre du Girasole, signera ses contrats « lorsque l’on saura si le Off a lieu et dans quelles conditions. J’étudie une baisse du prix du créneau, afin d’être solidaires, en espérant des aides des tutelles. » Une des huit compagnies programmées (étrangère) n’a pas souhaité reporter son spectacle à 2021. Quant à réduire le nombre de spectacles, Marion Bierry refuse « de faire des choix cornéliens. Je procéderai par antériorité des projets qui nous ont été présentés. » En laissant plus de temps entre chaque créneau, le dernier spectacle pourrait débuter à 21h25 au lieu de 20h30.
Les théâtres avignonnais espèrent que le gouvernement et la préfecture éclairciront les règles du jeu le plus tôt possible. Ils se demandent aussi si le public sera au rendez-vous. Laurent Sroussi veut y croire, lui qui dirige aussi le Théâtre de Belleville à Paris : « J’y ai vu une exceptionnelle envie des spectateurs de retourner dans les salles, mais le public avignonnais est plus âgé et donc plus à risques. Un Off constitué que de professionnels ferait perdre l’essence du théâtre, la confrontation entre des artistes et un public. »

Nicolas Dambre

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°487

Légende photo : Capital risque, de la Compagnie des Lucioles, reportée au Off 2021, au 11 Gilgamesh

Crédit photo : Simon Gosselin

Europe : pour une juste place aux industries créatives

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Ed Sheeran au Groupama Stadium

Les recettes du secteur du spectacle vivant en Europe ont chuté de 90 % l’année dernière, et celles de la filière musicale de 76 %. Le Gesac, Groupement européen des sociétés d’auteurs et compositeurs, a commandé une étude au cabinet EY sur la contribution économique des industries culturelles et créatives (ICC) et l’impact de la crise. Les résultats  donnent des arguments pour placer le secteur créatif au centre des efforts de relance de l’Europe. Des personnalités comme Jean-Michel Jarre et des sociétés d’auteurs comme la Sacem portent cette action de lobbying auprès des décideurs européens. Le secteur des industries culturelles et créatives sera le deuxième secteur le plus affecté par la crise de la Covid-19 en Europe, selon l’étude, avec une perte de chiffre d’affaires de 31 %, juste derrière le transport aérien, mais devant le tourisme (-27 %). Les entreprises du secteur musical vont voir se réduire leur capacité à investir et produire dans les prochaines années, d’autant que le secteur s’attend à un effet d’entonnoir.

L’étude fait aussi référence à des sondages sur l’appréhension du public à revenir vers les grands spectacles, ce qui fait craindre une reprise assez lente. « Outre un financement massif, nous avons besoin d’un cadre juridique solide garantissant une rémunération équitable aux créateurs et à leurs partenaires commerciaux », défend Jean-Noël Tronc, président du Gesac et directeur général gérant de la Sacem. L’étude établit un rapide comparatif des situations contrastées des pays européens, mais sans analyser les aides publiques apportées jusqu’ici. En contrepoint d’une observation économique, elle appelle les décideurs européens à compter sur la culture comme « levier pour accélérer la transition sociale, sociétale et environnementale de l’Europe ». La chanteuse Angelique Kidjo plaide : « La culture et la créativité sont aussi ce qui nourrit notre âme. Et l’Europe est le lieu vers lequel on se tourne pour ce qui concerne la protection des droits de l’homme, la démocratie et les arts ».

Yves Perennou

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°487

Légende photo : Ed Sheeran au Groupama Stadium en 2019 (Lyon)

Crédit photo : D. R.

« Rien n’explique qu’un magasin soit ouvert et un théâtre fermé »

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Nicolas Dubourg

Interview de Nicolas Dubourg, président du Syndeac

Quelle est votre appréciation de la concertation avec le ministère pour une « reprise
progressive » ? 
La concertation sur un modèle qui s’adapte à la crise est une proposition que nous avons portée. Nous avions réclamé de la modulation pour poursuivre nos activités et nos missions de service public. Sur le principe, on est donc d’accord. Le problème se pose pour les négociations. Il y a la question du périscolaire : certaines activités sont autorisées, mais pas dans les théâtres. Et il y a la distinction faite par l’état, entre les établissements commerciaux et les théâtres, qui ne repose sur aucune preuve scientifique. Rien n’explique qu’un magasin soit ouvert et un théâtre fermé. L’argument est politique : « les pays voisins ont refermé, l’épidémie est sur une pente ascendante, on ne peut pas alléger dans un tel contexte ». Nous pouvons comprendre cet argument, à condition que cela ne dure pas. Et nous répondons : « Dès que vous déciderez le moindre allègement, vous devrez réenclencher une phase où les théâtres ouvrent. » Nous n’accepterons pas une nouvelle déconnexion. Et nous n’accepterons pas cette modulation, en commençant pas les musées et les monuments. Cela ne repose sur rien. L’équité doit être basée sur des principes scientifiques.

Sinon, ce sera le recours judiciaire ?
Nous sommes en train d’en discuter avec les autres organisations de la culture.

Le Syndeac est-il unanime à appeler à une réouverture ?
On est un syndicat de professionnels, on avance dans une logique de concertation. La position que je défends a été votée à l’unanimité et a fait l’objet de nombreuses concertations avec les réseaux, les labels. Le poids de nos propositions vient de notre représentation, mais aussi du travail en amont pour se mettre d’accord sur ce qui assure la solidarité de notre écosystème.

Avez-vous des réponses sur la demande de soutien aux compagnies, pour l’enveloppe de 35 M€ ? 
Il n’y a pas de réponse. La négociation vient juste de commencer. Nous menons de front la négociation sur les conditions d’ouverture et celle sur les dispositifs de relance. Nous avons ce soir [15 janvier] une réunion avec Bruno Le Maire sur les dispositifs non spécifiques à la culture. Nous demandons à ce que le secteur de la culture puisse bénéficier de mesures exceptionnelles et nous allons discuter de la fameuse “année blanche” qui va s’arrêter le 31 août. On est en janvier, c’est impossible de recharger des droits en si peu de temps et il faudra des mesures spécifiques pour ceux qui ne sont pas intermittents. Nous revoyons la ministre de la Culture la semaine prochaine.

La ministre n’a-t-elle pas assuré le principe de la prolongation des aides ?
C’est dans les détails qu’il y a des problèmes. Vous avez le cas des régimes juridiques de certains lieux, ou certaines municipalités qui vont préférer fermer. Il faut prendre en compte la diversité des situations territoriales et économiques de tous les acteurs. Sinon, à l’issue de la crise, on aura mis à plat un modèle et seuls auront été sauvés des théâtres privés et certains théâtres publics.

Propos recueillis par Yves Perennou

En partenariat avec La Lettre du spectacle n°486

Légende photo : Nicolas Dubourg

Crédit photo : Julien Pebrel

Danse : quelle diffusion après les séances professionnelles ?

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Feux, d’Elise Lerat

Le 12 décembre, le Festival Faits d’hiver tirait le premier les conséquences des annonces gouvernementales : « Sortez les mouchoirs, les masques ne peuvent pas essuyer les larmes. » Le festival (du 14 janvier au 12 février) est annulé. Le Nantais Trajectoires (du 14 au 28 janvier), emboîte le pas, de même que Waterproof à Rennes (du 3 au 21 février), puis Pharenheit au Havre (26 janvier au 6 février). En vingt ans, ce véritable « mois de la danse » allant de Suresnes Cité jusqu’au Hivernales d'Avignon (du 10 au 27 février) en passant par Open Space à l’étoile du Nord à Paris ou Parallèle à Marseille, est devenu incontournable. On dénombrait, cette année, plus d’une trentaine de créations.

Ces manifestations essentielles sur l’agenda professionnel vont le rester car la réponse commune a été de transformer les séances publiques en présentations aux professionnels. Mais pourquoi faire ? Ces créations auront-elle une vie ou bien – sachant que certaines premières ont déjà été retardées – ne risquent-elles pas d’être écartées par les programmateurs au profit de créations plus récentes ? « Créer en cette période est complexe, justifie Erika Hess, directrice déléguée du CCN de Nantes, qui coordonne Trajectoires. Les compagnies avaient besoin d’une date pour finaliser. Même s’il n’y a que de très faibles possibilités de dates de présentation, cela donne un objectif. D’autre part, programmer ces présentations permet de mobiliser une solidarité dont les équipes ont besoin ».

L’argument est là : tous les festivals contactés paient la représentation. Les réorganisations et la mobilisation d’équipes techniques qui n’étaient pas prévues représentent un petit surcoût. La DGCA a fait clairement savoir aux DRAC que les critères d’évaluation pour l’attribution des aides ne devaient pas s’appuyer sur le nombre de dates. « Il a été demandé, pour toutes les aides, de prendre en compte la dynamique de la compagnie sur les deux ans passés », précise le ministère. Dès lors, ces présentations qui ne permettent qu’une hypothétique programmation n’ont guère d’enjeu sur les dossiers de subventions. Elles expriment une volonté d’exister « malgré tout », mais maintiennent le monde de la danse dans cette course à la création que certains espéraient voir remise en cause à l’occasion de la pandémie.

Philippe Verrièle

En partenariat avec La Lettre du spectacle n°486

Légende photo : Feux, d’Elise Lerat, à Trajectoires

Crédit photo : Collectif Allogène