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Pourquoi ils changent de métier

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Joachim Gatti

Burn-out, choix de vie bouleversé par la crise de Covid, envie d’ailleurs, ces professionnels du spectacle vivant font le choix de quitter le secteur. Avec des motivations et des espérances différentes.

Aujourd’hui quel est le ou la professionnel(le) du spectacle vivant qui n’a pas dans son entourage proche un collègue, un ami, une connaissance qui a fait le choix de changer radicalement de métier et de vie ? Une situation inimaginable voici encore cinq ou dix ans, ces années où les carrières se poursuivaient sans anicroche, de manière linéaire, au sein d’une même structure ou dans une évolution finalement assez logique. Certes, la crise de Covid a amplifié ce mouvement, mais les racines du
phénomène sont ancrées, et renvoient à un mal-être plus profond. Crise de sens, déconnexion  totale entre les valeurs portées par les structures et la réalité du travail, épuisement professionnel, transformation décevante du métier... Les mots sont durs. Parfois, la réalité l’est tout autant.

Au révélateur de la crise Covid
La crise sanitaire, avec son cortège de tensions, de craintes et d’annulations, n’a pas été sans conséquence sur le rapport que chacun entretient au travail. On le sait, et l’on n’a sans doute pas fini d’en mesurer les effets. Pour certains, elle a eu l’effet d’un révélateur, mettant au jour des failles, des questionnements enfouis. Chargé de production et administrateur reconnu dans le métier, Joachim Gatti a quitté, en 2019, la compagnie La Petite Fabrique avec laquelle il collaborait depuis dix ans « pour voir autre chose », explique-t-il. Il a rejoint Raphaëlle Boitel et là, « le Covid-19 est arrivé. Nous étions en plein confinement, j’étais loin du plateau. Je travaillais sur des annulations, des projets sans réelles perspectives ».

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Lire la suite dans La Scène n°104 - Printemps 2022

Par Cyrille Planson

Légende photo : Joachim Gatti, d’administrateur de compagnies à importateur de produits d’alimentation

Crédit photo : D. R.

Des festivals entrés en résilience

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festival d’Aix-en-Provence

Annulés en 2020, soumis aux injonctions contradictoires de protocoles sanitaires sans cesse adaptés en 2021 : les festivals viennent de traverser deux saisons en enfer sur le bateau ivre de la pandémie. Avec des coques calfatées par les dispositifs mis en place par l’État, les naufrages ont été évités. Mais, au sortir de ces deux années qui ont parfois épuisé les équipages, se pose la question de leurs modèles économiques.

Le 3 février 2020. Jean-Louis Grinda affiche un grand sourire à l’occasion de la présentation à la presse parisienne des 151es Chorégies d’Orange (4,5 M€ de budget). Sauvé in extremis deux ans plus tôt de la faillite, le doyen des festivals français annonce une édition exceptionnelle. « Nous avions des réservations à un niveau jamais atteint, se souvient son directeur. Nous allions être financièrement à l’abri pour trois ou quatre ans. »

A la même époque, du côté de Clisson, en Loire-Atlantique, Ben Barbaud et ses équipes n’ont aucune inquiétude pour le prochain Hellfest. Les billets du plus gros festival metal du monde se sont arrachés en quelques heures, comme d’habitude. La billetterie est indispensable pour boucler les 25 M€ de budget. « Nous ne touchons pas de subvention : la musique que nous proposons est hors radar politique et lorsque nous avons lancé le Hellfest, pas un élu ne voulait mettre un euro », se rappelle Ben Barbaud. Pas d’argent public, c’est une question d’éthique pour Florent Sanseigne, directeur du festival jurassien de reggae No Logo (1,3 M€ de budget). Ni subvention ni sponsor. « Notre modèle économique, c’est de ne dépendre de personne. Du coup, si nous ne sommes pas au maximum de la jauge, ça ne passe pas. » Et depuis huit ans, ça passe.

Lire la suite dans La Scène n°104 - Printemps 2022

Par Bruno Walter

Légende photo : Au festival d’Aix-en-Provence

Crédit photo : Vincent Pontet

Controverses : Rachel Khan quitte la Place

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Rachel Khan

Rachel Khan, codirectrice de la Place, centre culturel Hip-Hop de la Ville de Paris, a démissionné de son poste fin décembre. « Mes prises de positions n’ont pas joué dans ma décision, il s’agit d’un choix personnel. La sortie, l’an dernier, de mon livre, Racée, me permet aujourd’hui de me lancer dans des productions audiovisuelles. » Cet ouvrage a fait polémique, dénonçant notamment l’idéologie décoloniale ou la victimisation de ceux qui se définissent comme “racisés”, si bien que le conseil d’administration de la Place s’était fendu d’un communiqué en mars, expliquant : « Les propos actuellement tenus par Mademoiselle Rachel Khan dans les médias dans le cadre de la promotion de son livre n’engagent qu’elle, et ne reflètent en aucun cas les opinions des membres du conseil d’administration. »

Un communiqué reliant, de fait, un débat politique et médiatique à l’organisation interne d’un établissement culturel. Une partie du conseil d’administration, dont sa présidente Agnès B, avait démissionné quelques semaines plus tard. Pierre-Emmanuel Lecerf, actuel administrateur général du musée d’Orsay, avait ensuite été élu président. Le départ de Rachel Khan n’est pas lié à la récente publication par Le Monde d’un article relatant un repas au domicile de Marine Le Pen en avril 2021. « Ce journal a ressorti des informations datant de plusieurs mois car nous sommes en campagne électorale. Les phrases qui me sont attribuées sont fausses. Je ne milite pas contre le racisme depuis mon salon, je rencontre tout le monde et je vais à la confrontation. »

L’ex-conseillère culture de Jean-Paul Huchon à la région Île-de-France coordonne un groupe de travail de La République en marche sur l’immigration, l’intégration et la laïcité, en vue de la future campagne d’Emmanuel Macron. Très attaquée sur les réseaux sociaux depuis son livre, Rachel Khan peut désormais retrouver sa liberté de parole et défendre ses arguments. La direction de la Place est assurée par l’ancien codirecteur, Julien Cholewa.

Nicolas Dambre

En partenariat avec La Lettre du spectacle n°509

Légende photo : Rachel Khan

Crédit photo : D. R.

Mille Plateaux fait toujours couler de l’encre

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Olivia Grandville

Le 7 janvier, un communiqué annonçait qu’« avec Olivia Grandville, le Centre chorégraphique national de La Rochelle devient Mille Plateaux ». La chorégraphe, nommée en juin 2021, prend donc ses fonctions et change le nom de l’institution labellisée en 1984 (elle était alors dirigée par Brigitte Lefèvre)… Le nom Mille Plateaux fait naturellement référence à l’ouvrage de Gilles Deleuze et Félix Guattari publié en 1980 et c’est pour que la référence marque un peu plus de déférence que Geisha Fontaine (chorégraphe et docteur en philosophie de l’art de l’université Paris Panthéon-Sorbonne) et Pierre Cottreau, lorsqu’ils fondent leur compagnie en 1998, la baptisèrent Mille Plateaux Associés, développant sous ce nom une activité importante.

Un CCN peut changer de nom comme il l’entend et sa puissance institutionnelle ne l’oblige même pas à demander l’autorisation à une structure qui use de ce même nom depuis presque 25 ans et avec laquelle il partage même des interprètes ; mais plusieurs professionnels jugent en aparté qu’au moins un petit coup de téléphone aurait été le bienvenu… Signalons à ce propos que Mille Plateaux fut aussi le nom d’un label de musique électronique allemand, spécialisé dans la techno dite minimale ou glitch (effet rythmique ou mélodique aux apparences de bug/dysfonctionnement). Achim Szepanski avait fondé ce label, à Francfort, qui fit faillite en raison de la disparition du principal distributeur indépendant allemand, EFA-Medien.

Le label fut relancé peu de temps après sous le nom de MillePlateauxMedia. Il reprit son nom originel en 2006, quoiqu’incorporé en tant que sous-ensemble du label Disco Inc. Ltd. Sur Mille Plateaux étaient signés des artistes aussi divers que Alec Empire (leader du groupe de techno émeutière Atari Teenage Riot), Porter Richs, Oval, Microstoria, Cristian Vogel... On notera aussi que la danse contemporaine a régulièrement emprunté le répertoire de ce label ces dernières années. En 2007, par exemple, le chorégraphe suisse Gilles Jobin, connu pour son travail entre Lausanne, Genève, Madrid et Londres, avait utilisé les compositions du musicien et DJ Cristian Vogel pour sa création Double deux à la Maison de la Danse à Lyon.

Philippe Verrièle et Nicolas Mollé

En partenariat avec La Lettre du spectacle n°509

Légende photo : Olivia Grandville

Crédit photo : Marc Domage

CGT-Spectacle : un syndicaliste au commissariat

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Denis Gravouil

C’est une première, alors que des rassemblements devant le ministère de la Culture sont régulièrement organisés, celui du 19 janvier, à quelques mètres, place du Palais-Royal, a mené à la convocation au commissariat de Denis Gravouil, secrétaire général de la Fédération CGT- spectacle. Il a été interrogé pendant plus d’une heure et demie au commissariat, lundi 31 janvier, après une convocation écrite pour audition libre, au motif que son organisation n’avait pas reçu d’autorisation de la préfecture pour manifester. Il confie : « Nous avons organisé des dizaines de rassemblements devant le ministère de la Culture sans les déclarer. Celui-ci s’est monté très rapidement car nous avions appris la tenue d’un conseil de défense le 20 janvier, trois jours plus tôt. Mais j’ai été convoqué pour “manifestation sans déclaration préalable”. Nous avions pourtant prévenu la préfecture ; j’en veux pour preuve que trois fourgons de CRS étaient sur place. »

Soit presque autant de forces de l’ordre que la trentaine de manifestants venus appuyer une délégation concernant les conséquences sociales des interdictions de spectacles. Le syndicaliste précise que les manifestations sur la voie publique sont soumises au régime de la déclaration et non de l’autorisation. « S’agit-il d’un excès de zèle du préfet Lallement ou de la réponse du gouvernement ? Dans les deux cas, c’est un recul manifeste du droit », livre Denis Gravouil. À l’heure où nous écrivons ces lignes, il ne sait toujours pas si le parquet va engager des poursuites ou si ce dossier sera classé sans suite. L'affaire fait écho aux récentes tensions entre pouvoir et manifestants suite à des manifestations non déclarées à Gardanne ou à Nantes.

Nicolas Dambre

En partenariat avec La Lettre du spectacle n°509

Légende photo : Denis Gravouil

Crédit photo : MPI Moinet

Covid-19 : les clubs s’avèrent faiblement exposés au risque

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ITOC

L’expérimentation ITOC « Reviens la Nuit », menée le 17 octobre 2021 à la Machine du Moulin rouge (Paris), livre ses premiers enseignements sur les risques de contamination par le Sars-Cov-2 en clubs, importants pour les démarrages de carrières en musique électronique. Un article devrait paraître dans une revue scientifique en mars. Le docteur Jérémy Zeggagh, spécialiste des maladies infectieuses, confie : « Nous n’avons pas retrouvé beaucoup de virus dans l’air via les capteurs viraux installés dans la discothèque. Une ventilation très performante empêche une surpropagation du Covid. » Il n’y a pas eu non plus surcontamination des volontaires qui étaient dans le club par rapport au groupe témoin qui n’y était pas.

Cependant, l’expérimentation, menée alors que les clubs avaient rouvert et que le virus circulait moins, a eu du mal à recruter suffisamment de volontaires, contrairement au concert test mené cinq mois plus tôt. Notamment organisée par l’ANRS, AP-HP et le Prodiss, elle concernait des volontaires vaccinés. Si le concert-test visait à éprouver le pass sanitaire, ITOC/Reviens la Nuit a fait l’essai de l’actuel pass vaccinal. A-t-elle joué en faveur de la réouverture des discothèques le 16 février ? « Les modélisations permettent d’évaluer la baisse du taux d’incidence à cette date. Mais il va falloir apprendre à vivre avec ce virus, on ne va pas pouvoir fermer les discothèques en permanence. D’autant que le variant Omicron a peu d’impact sur une population jeune vaccinée et sans comorbidité », estime Jérémy Zeggagh.

Nicolas Dambre

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°508

Crédit photo : D. R.

Le Quai M succède au Fuzz’Yon

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Fuzz’Yon

Après 35 ans de bons et loyaux services au centre-ville de la Roche-sur-Yon (Vendée), le Fuzz’Yon fermera ses portes début avril pour laisser la place à un équipement flambant neuf, le Quai M. Benoît Benazet, directeur-programmateur depuis 2004, confie : « Le Fuzz’Yon n’était plus adapté aux nouveaux modes de production et de création des spectacles. Il n’était pas insonorisé, thermiquement mal isolé… » Le nouveau bâtiment a été conçu par Chloé Bodart (Compagnie Architecture), à qui l’on doit notamment La Sirène, à La Rochelle. Les travaux et équipements, d’un montant total de 8 M€, ont été financés par l’agglomération, l’État, la Région des Pays de la Loire et le département de la Vendée.

Implantée sur une ancienne friche ferroviaire, la scène de musiques actuelles disposera désormais de deux salles de concerts qui permettront aussi des résidences de création : un club de 198 spectateurs debout et une grande salle avec balcon, accueillant 874 personnes ou 400 en version assise. Benoît Benazet explique : « La grande salle s’inspire à la fois de la Maroquinerie et de la Cigale. Le bâtiment est très ergonomique, on s’y repère facilement. » Un toit-terrasse et cinq studios de répétition complètent cet équipement de 2 800 m2 très identifiable de l’extérieur avec son toit-usine rouge et son œuvre graphique sur un pan de mur. Le déménagement – prévu en mai – entraînera un développement des concerts (de 40 à 60 par an), des recettes de billetterie (de 120 000 à 400 000 €), de l’équipe, qui passera de 7 à 17 salariés et du budget de fonctionnement, de 0,7 à 2 M€. L’ouverture du Quai M aura lieu le 9 septembre.

Nicolas Dambre

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°508

Crédit photo : D. R.

SNAM-CGT : « Il y a eu un pacte du silence autour du “village de Bamboula” »

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Philippe Gautier

Entretien avec Philippe Gautier, musicien et secrétaire général du SNAM-CGT

Le documentaire Le village de Bamboula, de Yoann de Montgrand et François Tchernia, diffusé sur France 3 et visible en replay jusqu’au 6 février, revient sur ces danseurs et danseuses ivoiriens cloîtrés en 1994 au parc animalier de Port-Saint-Père, près de Nantes, dans des conditions de travail très discutables. Comment avez-vous eu vent de cette affaire que beaucoup présentent comme une réminiscence des « zoos humains » ? 
Le plus incroyable, c’est que beaucoup de choses étaient facilement accessibles, écrites noir sur blanc à l’époque dans Ouest-France ou Presse-Océan. Le montage juridique, l’enclave de droit ivoirien, les salaires bien inférieurs à ceux pratiqués en France. Dans la presse locale, c’était présenté comme une initiative formidable, logique puisque les autorités administratives avaient pleinement donné leur accord. Au début des années 1990, nous, les musiciens, vivions encore une époque où le travail au noir était monnaie courante, où les employeurs s’ingéniaient à ne pas payer les artistes. Et pas seulement en Loire-Atlantique. Nous étions très sensibilisés au dumping social. 1994, c’est aussi la date de la première extension de la convention collective du Syndeac, une sorte d’an 1 d’une certaine reconnaissance des droits des artistes.

Avec qui avez-vous mené vos démarches ? 
Pour le procès, nous avions constitué une délégation autour du SNAM-CGT, de la Ligue des droits de l’homme (LDH), du MRAP, du Gasprom et de SOS Racisme. Mais ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’il y a eu plusieurs étapes, un peu comme dans un jeu de cartes, nous n’avions pas au début pleinement conscience de la « main » de nos interlocuteurs.

Que voulez-vous dire ?
Nous pensions que l’administration avait été trompée et que le droit se rétablirait après notre intervention. Alors qu’en réalité, les pouvoirs publics étaient eux-mêmes mouillés jusqu’au cou. Les Ivoiriens payés ¼ du Smic, les enfants autorisés à travailler, on a fini par s’apercevoir que cela avait été validé par la préfecture, on a vu les tampons officiels. Les pièces avaient été contrôlées et estimées valables. Nous avons cru qu’ils allaient nous aider mais c’était impossible car cela les mettait gravement en cause. Je l’ai compris l’année suivante lorsque nous avons porté l’affaire en justice. Cette procédure avait un double intérêt : faire condamner l’entreprise et avoir accès aux documents administratifs. C’était difficile d’’avoir des infos. Il était interdit de me parler. Je n’ai pu échanger quasiment qu’avec Salif Coulibaly, le leader de l’école de danse du Djolem, l’équivalent à l’époque de l’orchestre et ballet de l’Opéra national de Paris, une troupe d’État qui se produisait souvent à l’étranger.

Qui avait permis ce qui pourrait être considéré comme une aberration ?
C’est encore très difficile de le déterminer aujourd’hui. Je pense que cela s’est joué lors des obsèques de Félix Houphouët- Boigny, sous Mitterrand, alors que Balladur était Premier ministre, à la jonction de la Françafrique et des relais locaux de la droite en Loire-Atlantique. Il ne faut pas oublier que le conseil général de droite était alors actionnaire du parc animalier du Safari africain où était installé le fameux village.

D’ailleurs, vous aviez fait condamner la SA Safari africain pour « atteinte à la dignité humaine » mais quid des entorses au droit du travail ? 
En matière de droit du travail, il n’y a que les salariés concernés qui peuvent exiger le paiement de leurs salaires. Comme ils ne souhaitaient pas aller dans cette direction, nous avons décidé de faire dire par la justice le nom que toute cette entreprise portait.

Nantes étant marquée par la traite des esclaves, comment un tel projet a-t-il pu aboutir et rappeler de tels mécanismes de domination il y a encore 28 ans ?
Il s’agissait d’une énième reconversion du bassin économique nantais sous le prisme du divertissement touristique, le film le montre très bien. Ce serait vraiment fantastique qu’un sociologue ou un historien s’empare de cet événement. Je suis heureux que ce documentaire voit finalement le jour car l’Histoire était en train de se perdre.

Quand les deux réalisateurs se sont-ils manifestés auprès de vous ? 
Ils sont venus me voir au cours de l’été 2019. Ils ont vraiment effectué un travail de fond énorme pendant deux ans, notamment sur l’iconographie et les archives. Personnellement, de nombreux aspects nouveaux m’ont été révélés, notamment autour du « droit de cuissage ». On en entendait parler, Eugénie Bamba, qui était alors présidente de la Ligue des droits de l’homme de Loire-Atlantique me l’avait dit, la religieuse Sœur Joseph Guillory évoque cette dimension dans le documentaire, Édith Lago, qui était danseuse et avait à peine 14 ans au moment des faits, aussi, pour expliquer qu’elle avait refusé. Le harcèlement sexuel était alors un peu moins scandaleux qu’aujourd’hui, c’est une caisse de résonance supplémentaire sur notre époque.

Y avait-il une « loi du silence » ?
Oui. Et elle a continué pendant le tournage. Les réalisateurs n’ont eu qu’au dernier moment l’accord du membre de la troupe Lassina Coulibaly et de Édith Lago. Ils n’ont pas eu l’autorisation de tourner au sein de Planète sauvage, nom actuel du parc, dont l’actuelle direction a refusé de s’exprimer, tout comme le maire de Port-Saint-Père ou la famille de Dany Laurent, l’ancien directeur à l’initiative du « village de Bamboula ». Il y a eu un pacte du silence autour de cette affaire. Pour serrer les rangs et dissuader les Ivoiriens de témoigner, la thèse officielle de la direction était d’affirmer que les musiciens de la CGT étaient contre le parc parce qu’ils étaient jaloux que d’autres leur « piquent » leur travail. Heureusement, j’ai eu la chance de pouvoir m’appuyer sur les ressources du SNAM, notamment juridiques, pour mener cette lutte.

N’a-t-elle pas un écho particulier au moment de l’actuelle exposition sur la traite et l’esclavage au musée d’Histoire de Nantes, L’Abîme
Nous discutons d’une projection-débat du documentaire en mars au château des ducs de Bretagne, en association avec la LDH que j’avais rejoint par la suite même si je n’ai pas revu Eugénie Bamba depuis 20 ans. Dany Laurent n’a vraiment pas eu de chance en tombant sur une des rares sections locales de la LDH présidée par une étrangère, ivoirienne de surcroît.

Propos recueillis par Nicolas Mollé

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°508

Crédit photo : D. R.

« Positionner Chaillot comme un creuset et un lieu de réflexion »

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Pierre Lungheretti

Entretien avec Pierre Lungheretti, nouveau directeur délégué de Chaillot. 

Quel va être le périmètre de ce poste nouveau ?
Le périmètre est celui qui est défini dans la fiche de poste rendue publique dans l’appel à candidatures à l’automne dernier, avec spécifiquement une contribution à la stratégie globale de l’institution et au développement culturel. Il est lié à la nature du projet de Rachid Ouramdane fondé sur l’hospitalité, la diversité et une expérience élargie de l’art chorégraphique qui vise à développer l’action éducative et culturelle, l’action territoriale, une stratégie digitale innovante et l’action internationale.

Comment votre poste va-t-il s’articuler avec celui des autres responsables de Chaillot ?
C’est un poste de coordination stratégique et opérationnelle rattaché au directeur pour renforcer la dynamique transversale de l’institution, démultiplier les partenariats afin de diversifier les publics sur le plan social et générationnel, structurer des réseaux territoriaux et internationaux, innover avec les outils numériques pour diffuser à grande échelle la danse et les projets portés par Chaillot. Il s’agit également de positionner Chaillot comme un creuset et un lieu de réflexion autour d’une fabrique du lien par l’art. Je pense à titre personnel que nos institutions ont besoin d’équipes de direction complémentaires. Je pense en outre que chaque projet exige une gouvernance spécifique et qu’il est intéressant d’expérimenter des modèles différents. Je note, par ailleurs, que le schéma directeur/directeur délégué existe dans des structures de niveau national tel que le festival d’Avignon ou dans nombre de structures étrangères comme par exemple au Théâtre national Wallonie-Bruxelles.

Un poste de direction, c’est un coût non négligeable. Que va représenter le vôtre et comment est-il financé ?
Le coût de ce poste est neutre pour l’institution aussi bien pour l’année 2022 que pour les années suivantes. Il va être financé par redéploiements internes tenant compte d’évolutions structurelles de la masse salariale liés à des mouvements de personnels prévus bien avant mon arrivée.

Pourquoi ne pas avoir annoncé immédiatement que vous alliez accompagner la candidature de Rachid Ouramdane ?
Cette création de poste a fait l’objet d’un appel à candidatures ouvert. J’avais certes un lien avec Rachid Ouramdane, mais d’autres candidates et candidats ont pu faire valoir leurs qualités et leurs motivations.

Pourquoi, selon vous, les tutelles nomment des artistes à la tête d’institutions culturelles qui exigent une disponibilité totale alors qu’artiste est un travail à plein temps ?
Il me parait extrêmement important d’avoir des artistes à la tête des institutions culturelles, qui plus est pour des institutions nationales. C’est d’ailleurs le cas pour les quatre autres théâtres nationaux que sont la Comédie Française, la Colline, l’Odéon et le TNS. C’est aussi le cas dans les centres chorégraphiques nationaux et les centres dramatiques nationaux. Les artistes apportent une pensée originale sur le pilotage de ces institutions, une incarnation forte, une sensibilité liée à leur propre démarche artistique et à une connaissance intime de l’art et de la création.

Propos recueillis par Philippe Verrièle 

 

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°507

Crédit photo : D. R.

Trans Musicales : développer l’emploi en festivals

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Trans Musicales

Les festivals mobilisent souvent des bénévoles, avant parfois de créer des postes de salariés permanents. Le Collectif des festivals organisait une rencontre sur ce thème début décembre lors des dernières Trans Musicales de Rennes. Maturité et expérience sont nécessaires pour assurer cette nouvelle fonction d’employeur, synonyme de nouvelle organisation interne. Une fonction néanmoins expérimentée avec la gestion chaque année de CDD et d’intermittents du spectacle, respectivement 50 et 150 pour le festival Art Rock, qui emploie six permanents, rapporte sa directrice, Carol Meyer.

Nadège Couroussé, administratrice de production du Festival du Roi Arthur, était auparavant présidente de l’association portant cet événement. Elle témoignait de la première embauche fin 2020, suivie de deux autres en 2021, soit après dix éditions. « À mesure que le festival grossissait, le facteur temps des bénévoles montrait ses limites. Mais il y avait la crainte que la création d’un emploi prenne le poste d’un bénévole ou que les valeurs du festival soient perdues par une embauche extérieure. »

Igor Gardes, directeur du Festival du Cornouaille, notait qu’un recrutement était aussi un investissement pour l’avenir d’un festival. Par leurs compétences et leur expérience, beaucoup de bénévoles se professionnalisent, tandis que des salariés « bénévolisent » leur travail en y consacrant trop de temps. Le Festival du Cornouaille a décidé de se calquer sur des logiques de ressources humaines pour organiser le travail de ses 850 bénévoles, avec, par exemple, des fiches de poste pour les responsables de secteurs. Entre salariés et bénévoles, une bienveillance réciproque est nécessaire pour que la coordination opère.

Nicolas Dambre

 

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°507

Légende photo : Lors de l’édition 2021 des Trans Musicales.

Crédit photo : D. R.