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Ille-et-Vilaine : crise aux théâtres de Saint-Malo

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Patrice Albanese

Culture & Avenir, qui gère en délégation de service public (DSP) les deux théâtres municipaux de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), vient d’être placée en redressement judiciaire. La société accusait des défauts de paiement de prestataires et n’avait pu verser les salaires de l’équipe pour le mois de mars.

Le PDG, Patrice Albanese, pensait traverser cette mauvais passe grâce à l’accord de la Ville d’avancer l’échéance de subvention, soit 300 000 euros, sur une subvention annuelle de 960 000 euros (budget global de 1,8 million d’euros), mais il a fallu attendre un conseil municipal et le tribunal de commerce a été saisi avant. Patrice Albanese explique la situation par un faisceau de difficultés depuis que son équipe (la société de production A360 dont Culture & Avenir est filiale) a été choisie pour la DSP, de 2022 à 2026. Il avance, d’une part, le délai imprévu du paiement du crédit de TVA (96 000 euros sur 2022 et une partie de 2023), bloqué par une mesure de vérification fiscale. Il détaille ensuite la succession « catastrophique » avec le groupe JMD Prod (Jean-Marc Dumontet), le précédent délégataire à Saint-Malo.

La saison 2024-2025 est maintenue
Les désaccords les ont conduits devant la justice sur les droits de garde billetterie, sur les spectacles commandés, sur le remboursement des annulations de 2021, soit un total que Patrice Albanese évalue à 250 000 euros. S’y ajoutaient les frais liés au licenciement d’une salariée qui a, par ailleurs, saisi les prud’hommes. Mais, après référés et jugement au fond, Culture & Avenir n’a pas obtenu satisfaction sur toutes ses demandes et fait appel « pour récupérer encore 150 000 euros ». Enfin, est intervenue l’inflation sur les charges d’entretien et de fluides des deux théâtres en gestion, et sur les coûts de transport. Inflation d’autant plus lourde que Culture & Avenir a augmenté l’activité. La Ville attendait plus d’action culturelle, une programmation plus diversifiée en danse et musique et plus de représentations. Ainsi, il y a eu une saison d’été, en 2023. « Il a fallu renforcer l’équipe aussi. Quand on a repris, ils n’étaient plus que 6. Maintenant, on est à 14, plus 3 contrats de professionnalisation. Notre subvention, elle, était figée dans le marbre », ajoute le dirigeant. Dans ces circonstances, la saison prochaine est un peu allégée « avec quand même avec une quarantaine de spectacles et 75 représentations ». Un mandataire a été nommé par le tribunal de commerce pour gérer les dettes en cours, tandis que le redressement judiciaire garantit les paiements des prestations futures.

Yves Perennou

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°559

Légende photo :  Patrice Albanese, PDG de Culture & Avenir

Crédit photo : D. R.

Première : un marathon pour Baro d’evel

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Qui som ? Baro d’evel

La compagnie Baro d’evel se produira pour la première fois dans le cadre du Festival d’Avignon, du 3 au 14 juillet 2024. Qui som ?, est un spectacle ambitieux, tant sur le plan artistique, financier, qu’en ce qui concerne la tournée.

« 22 personnes sur la route »
Le choix d’une grande forme s’est vite imposé, selon Laurent Ballay, directeur délégué de cette compagnie fondée en 2000 : « Ce projet est un nouveau triptyque. Souvent, nous commençons par une petite forme, comme pour Là - Falaise. Avignon est une belle preuve de reconnaissance pour la compagnie. Nous avons décidé d’y débarquer avec toute la tribu, soit 12 personnes sur le plateau (comédiens, danseurs, circassiens…),ce qui représente 22 personnes sur la route. » Le thème de ce triptyque est l’argile et les matériaux de récupération. Sur scène, la scénographie sera moins spectaculaire que celle de Falaise, et sans animaux, mais des montagnes de bouteilles plastique ou des mètres de tissu de montgolfière empliront l’espace, tandis que plusieurs comédiens tourneront l’argile.

Un tryptique
Le second volet du triptyque (fin 2026) sera un solo de Blaï Mateu Trias – auteur et metteur en scène de Baro d’evel aux côtés de Camille Decourtye – toujours autour de l’argile. Avant un dernier volet conçu sous la forme d’une installation plastique et sonore. Ce premier volet mobilise le nombre record d’une trentaine de coproducteurs. Avec l’assurance d’une importante tournée durant la saison 2024-2025 puisque une centaine de date est déjà calée. « Dans le climat actuel, nous avons beaucoup de chance. Les festivals d’Avignon et Grec de Barcelone sont les plus gros coproducteurs avec le Théâtre de la Cité de Toulouse. Ils ont été un vrai levier pour ramener des partenaires que nous ne connaissions pas. Nous avions fixé une part de 20 000 euros minimum pour éviter un trop grand nombre de coproducteurs », rapporte Laurent Ballay. Doté d’un budget prévisionnel de moins de 900 000 euros, le spectacle est aussi financé par des diffuseurs en Belgique, Italie, Suisse ou Portugal, ce qui lui donnera une visibilité européenne. Après 10 représentations au Festival d’Avignon, la création de Baro d’evel sera notamment donnée à Toulouse en décembre, puis à la MC93 de Bobigny, en janvier.

Nicolas Dambre

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°559

Légende photo :  Qui som ? Baro d’evel, 2024

Crédit photo : François Passerini

Printemps de la ruralité : des assises qui tardent à venir malgré des attentes fortes

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Rachida Dati

Le monde rural attend un soutien technique et financier pour ses politiques culturelles sous contraintes.

Le Printemps de la ruralité, lancée le 22 janvier 2024, aurait dû déboucher ce mois-ci sur des assises destinées à « valider une feuille de route ». Las, un temps annoncé le 19 avril, elles n’ont toujours pas eu lieu. Les attentes sont pourtant là tant les zones rurales sont « les grandes oubliées », selon Rachida Dati, et comme tant d’autres l’ont déjà dit. Les acteurs du terrain ont toutefois saisi l’opportunité et apporté leur contribution. En ligne – plus de 30 000 participations –, au ministère et dans les concertations régionales. L’Association des maires ruraux de France (AMRF) a déposé 100 propositions, bien heureuse « de l’arrivée sur le devant de la scène de sujets portés depuis de nombreuses années, résume son directeur, Cédric Szabo. Si vous ne mettez pas le pied dans la porte, il n’y aura rien de nouveau ». 
Ces élus, déçus par la dimension culture « réduite » de France Ruralités (2023-2027), le programme global d’Élisabeth Borne, poussent « la question de l’ingénierie culturelle, insuffisante ». Le plan Borne l’avait esquissé avec 60 volontaires territoriaux en administration (VTA), et des formations d’élus. L’AMRF veut aller plus loin : « Que chaque DRAC ait une personne dédiée à la culture en milieu rural. Nos élus se sentent seuls, en manque de codes. Et un Monsieur ruralité ce serait bien », explique Cédric Szabo. 

Un financement pérenne
Impossible toutefois, pour le ministère, de passer à côté de la question du faible financement dans ces « campagnes » lors des Assises. Parfois, il suffit de le flécher différemment. France Ruralités voulait, par exemple, mobiliser les labels en ruralité. « L’État parle d’éviter la dispersion des moyens. Il faut donc les renforcer là où des choses sont faites plutôt que de demander à d’autres d’y aller », répond de son côté Claire Moreau, directrice déléguée du Synavi. Pour son syndicat, l’absence d’ingénierie, et parfois d’équipements, rend le travail complexe : les compagnies jonglent avec plusieurs partenaires, « des choses invisibilisées qui coûtent du temps et de l’argent ». 
Ce syndicat pousse « les résidences de territoires et une pluriannualité des financements », pour éviter de courir les appels à projets lourds. Selon Claire Moreau, les Assises sont « l’occasion de reconnaître ce travail des compagnies fait dans l’ombre des labels. Une autre lecture du service public de la culture ». 
Les festivals, dont la dynamique récente s’observe surtout dans les territoires ruraux (lire encadré), attendent soutien et reconnaissance. « Pour nos adhérents, il y a un besoin d’accompagnement dans leur fonctionnement et leur financement », synthétise Alexandra Bobes, directrice de France Festivals, qui regrette également les appels à projets au détriment des conventions triennales : « Du coup, on travaille avec des budgets pas sûrs ». Comment changer ? Par une concertation entre les DRAC et les collectivités pour des financements pérennes, voire « la mutualisation de certains postes », surtout ceux en lien avec le développement durable. 
Pour les scènes de musiques actuelles (SMAC), acteurs importants – 25 % sont implantées en milieu rural contre 5 % des autres lieux labellisés –, « le principal problème est la question du financement », assure Aurélie Hannedouche, directrice du Syndicat des musiques actuelles. Car les SMAC sont dans des collectivités aux budgets « naturellement peu élevés ». Et où la question « de l’attractivité des professionnels à venir travailler », et de « l’accessibilité, avec des transports en commun rares », se pose âprement. Un sujet de développement territorial, et durable.

Festivals : une dynamique rurale malgré les défis
Lancée à l’automne dernier, l’étude Ruralités, 8e volet de SoFest, de France Festivals et de l’équipe du chercheur Emmanuel Négrier, arrive par un heureux hasard à l’aube des assises de la culture en milieu rural. Elle montre une dynamique singulière de création des festivals dans ces zones (46 % des événements de musiques) depuis 10 ans (48 % sont nés dans la dernière décennie), bien que leurs moyens sont inférieurs (taux de subventionnement de 41 % contre 56 % pour les festivals urbains), et avec une dépendance supérieure aux recettes propres. Malgré tout, ce travail scientifique montre un taux de dépenses artistiques de 49 % contre 44 % en milieu urbain. C’est la preuve d’une moindre professionnalisation des équipes, et de la part du bénévolat. Ce déficit de « structuration professionnelle » est à combler pour plus de diversité artistique : la musique l’emporte sur le théâtre, plus complexe techniquement (décors, scènes) à monter.  

Jérôme Vallette

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°558

Légende photo : Rachida Dati à l'Abbaye de Beaulieu-en-Rouergue en fevrier 2024

Crédit photo : Drac Occitanie

« Nous ne sommes plus dans la période du plan de relance »

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Laurent Roturier

DRAC Île-de-France et président de l’Association nationale des DRAC, Laurent Roturier rassure sur le maintien des crédits sur 2024 et défend l’action soutenue de la déconcentration culturelle.

Comment les DRAC vivent-ils ce surcroît d’activité depuis 5 ans ?
45 ans après la création des DRAC, la déconcentration est à l’œuvre dans un souhait de rapprocher l’État des territoires. C’est vrai, le travail en DRAC est extrêmement soutenu. Bien sûr, la question de l’adéquation des moyens et des missions se pose toujours, mais je constate que l’engagement des équipes est significatif. On n’entre pas en DRAC par hasard. Comme j’ai eu l’occasion de le dire à différents ministres, il y a parfois un engagement qui peut être déraisonnable. Un agent en DRAC passe la moitié de son temps sur le terrain. La notion de contact est importante et la création de grandes régions a augmenté cette charge. Mais le ministère a évolué. Avec l’association des DRAC, nous avions réfléchi et plaidé pour des directions transversales matricielles. En 2020, il y a eu ainsi la création de la Délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle. Cette organisation est une force pour engager des actions adaptées aux territoires.

Des difficultés de recrutement ?
C’est paradoxal, car le ministère porte des valeurs fortes, mais oui, on a constaté des difficultés de recrutement. Il y a, d’une part, la question de l’attractivité de la fonction publique, en général. Pour la génération d’aujourd’hui, le concours est un repoussoir. On a aussi des métiers qui connaissent de fortes tensions, notamment dans le patrimoine, sur des fonctions d’ingénieurs, de techniciens. Dans le spectacle vivant, on a eu des questions d’un vivier issu de concours insuffisamment important pour des postes de conseillers. Nos métiers ont aussi de fortes contraintes en raison des temps de déplacement, du travail en soirée, face aux aspirations d’un meilleur équilibre de vie. Il faut s’adapter et y répondre par le sens de notre travail.

Comment jugez-vous les relations avec les collectivités ?
Ces rapports se sont beaucoup développés ces dernières années, avec la question du bon échelon. Où est-on pertinent pour aller contractualiser avec les collectivités ? Deux échelons sont montés en puissance. Les intercommunalités, notamment en milieu rural, ont souvent pris la compétence culturelle, c’est-à-dire la gestion des équipements culturels et sportifs. C’est assez pertinent. L’autre échelon est celui des départements sur milieu rural qui travaillent de façon assidue sur la lecture publique.

Quel sera l’impact des mesures d’économies sur les crédits à la création des DRAC ?
La ministre a annoncé qu’il n’y aurait pas de diminution budgétaire sur 2024, notamment dans le spectacle vivant. Les économies sont faites sur la réserve de précaution. Il peut y avoir, à la marge, quelques opérations décalées sur le champ du patrimoine. Mais il faut voir que nous ne sommes plus dans la période du plan de relance. On a eu la chance d’avoir des crédits exceptionnels. Ils ont permis de maintenir à flot le monde culturel, d’où l’intérêt de la concertation avec les collectivités.  

Propos recueillis par Yves Perennou

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°558

Légende photo : Laurent Roturier

Crédit photo : D. R.

Vivendi cède Garorock et See Tickets international à l’Allemand CTS Eventim

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Garorock 2023

Vivendi est en train de conclure la cession de plusieurs activités au groupe allemand CTS Eventim dont le festival Garorock (150 000 spectateurs) à Marmande (Lot-et-Garonne) ou encore See Tickets international (44 millions de billets en 2023). L’activité internationale de See Tickets comprend sept pays européens (Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, Pays-Bas, Portugal, Suisse) ainsi que les États-Unis.

8 festivals concernés 
Dans le projet de cession de se trouvent sept autres événements : les festivals anglais Nocturne (Blenheim Palace), Love Supreme (Oxford), Junction 2 (Londres), The Long Road (Leicestershire), Sundown (Norwich), Boundary (Brighton), et le festival albanais ION (Dhërmi). Ni l’Olympia (280 spectacles et 500 000 spectateurs en 2023) ni le Théâtre de l’Œuvre (Paris), pas plus que les salles en Afrique (Canal Olympia), ne sont concernés par cette vente. Idem pour le Brive Festival, non cédé, car il est codétenu par Centre France. Toutefois, nous a précisé le groupe, « il pourrait faire ultérieurement l’objet d’un accord séparé ». Ce qui est aussi le cas de See Tickets France. Pour le moment, «Vivendi continuera à soutenir See Tickets France qui sera autorisé à opérer sous la même marque et à utiliser la technologie See Tickets utilisée par See Tickets ailleurs. » Les activités que CTS Eventim va acquérir ont réalisé un chiffre d’affaires (CA) de 137 millions d’euros en 2023, selon Vivendi : 105 millions d’euros pour la billetterie, dont la plus grande partie au Royaume-Uni, suivie du marché américain. Les activités « festivals » concernées ont, elles, généré 32 millions d’euros de CA.
Le chiffre d’affaires de Vivendi Village, qui regroupe billetterie, festivals et salles, s’est établi à 180 millions d’euros en 2023 contre 238 millions d’euros en 2022. Une baisse en partie due à l’arrêt des activités de production de concerts (Olympia Production) fin 2022, selon le groupe. Les activités de billetterie et de festivals représentent 151 millions d’euros de CA (+8,9 % par rapport à 2022). Les festivals de Vivendi Village, ont rassemblé 400 000 personnes au cours de l’été 2023.

Jérôme Vallette

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°558

Légende photo : Garorock 2023 à Marmande

Crédit photo : D. R.

Le soutien aux autrices dramatiques : l’exemple des Francophonies

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Penda Diouf et Émilie Monnet

Penda Diouf, et Émilie Monnet. Deux voix, deux parcours accompagnés par les Francophonies – de l’écriture à la scène, témoignent du soutien précieux de ce festival pour les dramaturges. 

Depuis plus de dix ans, il balise le chemin de Penda Diouf qui y a trouvé « un accompagnement attentif sur le long terme […], une grande fidélité aux auteur.ices ». Et « sa première expérience professionnelle » : en 2012, suite à une commande de la compagnie La Fédération, elle écrit Le Symbole, une pièce portée à la scène à Limoges en 2013. L’autrice franco-sénégalaise a joué tous les rôles aux Francophonies : spectatrice, autrice en résidence et, depuis deux ans, conseillère dramaturgique, suite à une proposition de Corinne Loisel, directrice de la Maison des auteur.ices. 
Elle a pu accompagner Alexandra Guénin, dont le texte Bois Diable était mis en voix aux Zébrures du Printemps (du 19 au 24 mars 2024). Une édition où sa propre pièce, Noire comme l’or (2022), a été lue dans le cadre du dispositif «Passe-moi le texte». Un tremplin vers la scène ? « Peut-être que cela donnera envie à certain.es metteur.es en scène présent.es de la porter au plateau », précise Penda Diouf. Fidèle à sa volonté de soutenir un texte par-delà son éclosion, le festival programmera aux Zébrures d’automne une mise en scène, par Anthony Thibault, de sa pièce La Grande Ourse (2019), finaliste du Prix Sony Labou Tansi en 2022.

« Terminer un texte »
Quant à Émilie Monnet, montréalaise d’origine française et anichinabée, elle a été accueillie fin 2022 en résidence «Terminer un texte». Un programme dédié à l’accompagnement d’autrices francophones ayant un texte dramatique en cours, afin de leur « offrir une meilleure visibilité sur les scènes internationales », selon Corinne Loisel. L’autrice a postulé à un appel du festival, lancé en partenariat avec le CEAD (Centre d’auteurs dramatiques) à Montréal, et son texte Polyglotte a été retenu. Une chance unique : « Être immergée dans l’écriture pendant quatre semaines est très précieux », dit-elle, un temps long pour se consacrer à la naissance d’un projet tous frais couverts. Cette résidence offre en plus des ouvertures sur le territoire limousin, « pensées sur mesure d’après les envies de l’autrice et son projet d’écriture », précise Corinne Loisel. Elle a proposé à Émilie Monnet de rencontrer les membres du Syndicat de la Montagne limousine en charge de la forêt et son exploitation, une opportunité de « nourrir sa réflexion », avant une première mise en voix de Polyglotte. Par ailleurs, une discussion croisée avec sa sœur, Caroline Monnet, plasticienne exposée au Centre d’art de Vassivières (Limousin), a été organisée autour de leurs thématiques communes.

Quoique leurs parcours aux Francophonies diffèrent, Penda Diouf et Émilie Monnet disent leur « attachement particulier » et leur « amour » de cette « pierre angulaire dans le milieu théâtral francophone ». Et Émilie Monnet d’ajouter son plaisir de frotter son écriture à « d’autres voix d’auteur.ices de pays colonisés », comme le sien.

Hanna Laborde

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°557

Légende photo : Penda Diouf et Émilie Monnet

Crédit photo : Christophe Péan / Christian Blais

Enquête de la FNAR sur la diffusion : des réalités contrastées

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Babylloon

De novembre 2023 à mi-janvier 2024, la Fédération nationale des arts de la rue (FNAR) a mené une enquête auprès du secteur rue pour faire le point sur l’état de la diffusion.

Les répondants sont 83 compagnies, 16 festivals et 12 autres structures de diffusion, avec une légère sur-représentation des Pays de la Loire. Les résultats au niveau des compagnies sont contrastés : toutes n’ont pas nécessairement souffert ces dernières années, même si la sortie des aides Covid se fait sentir. Selon Loredana Lanciano, coprésidente de la FNAR, la baisse de la diffusion pour les compagnies est d’environ 25 % en 2023 par rapport à 2019. Pour elle, « le chiffre le plus alarmant, ce sont les 15 compagnies qui signalent une baisse de plus de 50 % de la diffusion entre 2019 et 2023 », quand 14 compagnies déclarent une baisse comprise entre 11 et 49 %. Un chiffre à mettre au regard des 15 compagnies qui signalent une petite augmentation. « Les chiffres sont à relativiser, confirme la coprésidente, il y a des augmentations légères mais il y a beaucoup de compagnies qui ont souffert, y compris de grosses compagnies subventionnées, car leurs frais s’envolent, la diffusion internationale n’a pas bien repris, et qu’elles sont parfois liées à des communes qui baissent leurs subventions. » Elle ajoute : « l’opération Eté culturel a sauvé la diffusion, même si 65 % des répondants n’avaient demandé aucune aide en 2021-2022 ». 

Recul combiné des aides territoriales
Côté finances, 40 % des compagnies déclarent une baisse entre 2019 et 2023, majoritairement due à un déclin de la diffusion, mais qui s’additionne à un recul combiné des aides des Régions, Départements et Communes.  Du côté des festivals, l’enquête montre une baisse des financements en 2023 par rapport à 2022 et 2021, « due à une baisse au niveau des DRAC en premier lieu, du bloc communal ensuite, et dans une moindre mesure des Départements et des Régions », ajoute Loredana Lanciano. La coprésidente de la FNAR alerte : « Cette année, nous commençons à avoir des retours alarmants, il y a des petits festivals qui annulent face à la difficulté de s’adapter à la concurrence des JO ou aux interdictions liées. » Or, « les petits et moyens festivals sont ceux qui font tourner les compagnies. »

Mathieu Dochtermann

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°557

Légende photo :  Cie Monkey Style, Babylloon

Crédit photo : Eric Deguin

Serge Hureau : « Notre mission première est de sauver de l’oubli les œuvres des musiques populaires chantées »

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Serge Hureau

Le Centre national du patrimoine de la chanson, des variétés et des musiques actuelles, lieu de création, d’éducation culturelle et artistique, et d’enseignement artistique supérieur est né en 1990, et est piloté par le chanteur Serge Hureau, directeur, artiste permanent et artisan de sa création. Installés depuis 2013 à La Villette, doté du Théâtre-École des répertoires de la chanson, qui recrute actuellement sa nouvelle promotion, le Hall de la chanson s’apprête aussi à jouer pour la seconde année consécutive dans le Off d’Avignon.

Qu’est-ce que le Hall de la chanson ?
C’est l’unique Centre national du patrimoine de la chanson, des variétés et des Musiques actuelles, une structure de création artistique, de formation supérieure, d’éducation artistique et culturelle, de formation continue, qui a pour mission la promotion, la valorisation et la transmission des répertoires patrimoniaux de la chanson sans distinction de genres. Notre Théâtre-École des répertoires de la Chanson (TEC) complète la structure depuis 2018.

Quels sont vos moyens ?
Le budget annuel (TEC compris), s’élève à 1 445 000 euros (2023), subventionnés par le ministère de la Culture (Direction générale de la création artistique) à hauteur de 945 000 euros. On a une convention triennale avec l’État qui court jusqu’en 2025 pour l’action du théâtre lui-même.

Comment rentrer au TEC ?
Les candidatures au concours sont accueillies jusqu’au 26 avril (lehalldelachanson.com). On a créé cet établissement d’enseignement supérieur privé et gratuit en 2018, sous le haut patronage de Charles Aznavour. Les étudiants qui ont déjà obtenu un diplôme national supérieur professionnel (DNSP) ou une licence voient leur formation TEC validée par un master grâce un partenariat avec l’Université de Paris 8. Nous avons deux cursus : chanteur-interprète et musicien-arrangeur, d’une durée de deux ans qui s’adresse à 15 jeunes artistes de moins de 32 ans, chanteurs, musiciens, comédiens ou danseurs. Les titulaires des DNSP sont directement inscrits à l’audition. Les élèves qui sortent de formation vont présenter leurs travaux individuels de sortie d’école (chef-d’œuvre) pendant plusieurs semaines en juin. Par ailleurs, ils ont fait un travail autour des 100 ans de la naissance de Charles Aznavour, pendant deux mois dans le centre de détention de Meaux (Seine-et-Marne) où on donne les cours. Les artistes-étudiants, mélangés avec les « amateurs », donneront un spectacle qui sera présenté plusieurs jours, dans le cadre du festival Vis-à-vis du Théâtre Paris Villette. 

Sur quoi travaille le Hall ?
Essentiellement sur le patrimoine, ce qui est notre mission première de sauver de l’oubli les œuvres de chanson, c’est-à-dire des œuvres des musiques populaires chantées. On commence au Moyen Âge et on finit avec l’apparition du hip-hop il y a 40 ans en France. On accueille beaucoup de résidences. Notre principe, c’est de travailler avec des gens jeunes. Dans notre école et dans nos activités extérieures. Nous avons aussi un très gros partenariat avec le Conservatoire supérieur d’art dramatique où, depuis 15 ans, on enseigne l’art de la chanson. On agit en français, mais aussi en langues de France, en occitan, par exemple, ou dans différents créoles dans notre programme « Les ÎleS de France » qu’on confie à de jeunes artistes issus des outre-mer. La chanson, c’est un objet populaire. Si on l’oublie et qu’on en fait un objet de chapelle, on est foutus. 

La nature de vos spectacles ?
ll y a des spectacles qui sont terriblement travaillés dans le style. On prend souvent les anniversaires des artistes comme prétexte, parce que nous ne sommes pas trop snobs ! Et aussi parce que ça créé un engouement. Mais nous fouillons des détails qui ne seraient pas évoqués dans les médias. C’est en cela que nous sommes, vraiment, un service public. Ça demande un certain type de compétences à cultiver pour interroger les œuvres et ne pas être ennuyeux. Par exemple, nous préparons un gros travail sur l’arrivée du jazz il y a 100 ans et en quoi il a ouvert les chansons françaises. On associe Joséphine Baker avec les 40 ans de l’arrivée du hip-hop, et on monte un bal moderne, pour donner Joséphine B[re]aker !

Qu’est-ce que le patrimoine de la chanson ?
C’est toute notre histoire. Il vous permet de savoir comment une femme parlait d’un homme il y a 300 ans. Avec les chansons, on va loin dans l’histoire des mentalités. C’est ça qui nous intéresse. Nous ne sommes pas idolâtres. Ainsi, nous allons regarder ce qui se cache de fort, de social, de profond derrière un artiste. Notre mission est aussi de le transmettre. C’est une importante dimension de notre travail. Nous recevons énormément de lycéens et de collégiens, car nous avons un lien avec l’Éducation nationale, en particulier la très dynamique académie de Créteil. 

Vous êtes bien implantés dans votre théâtre de La Villette ?
On a de très bonnes relations avec nos voisins dans ce lieu vraiment extraordinaire, stimulant, avec notre petit théâtre de 160 places où il y a deux grandes loges, deux petites loges, un atelier de décor, un foyer d’artistes au sous-sol et un hall où on peut faire du cabaret avec 40 personnes. On a postulé à un appel d’offres de la Villette pour des salles dans un bâtiment voisin affectées à nos actions EAC, au TEC et à la formation permanente. Nous serons en travaux en 2025 (isolation thermique et phonique notamment) pour une petite période.

Une saison dense entre La Villette et Avignon
Le 5 mai, le Hall de la chanson présentera Et pourtant, à l’occasion du centenaire de la naissance de Charles Aznavour, au Théâtre Paris-Villette (Festival Vis-à-vis) puis au Hall de la chanson (17, 22 et 24 mai) avec les artistes-étudiants du TEC et des détenus du centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin.
Le 15 mai, une exposition Joséphine Baker en onze tableaux de Catel sur les murs extérieurs du Hall de la chanson.
Le 8 juin, lors de l’exposition Ces chansons qui nous ressemblent, création du Bal Joséphine B[re]aker (chorégraphie urbaine de Fabrice Mahicka et Valentina Corosu, arrangements de Tim Andriamanantena et Vladimir Médail, chant Lymia Vitte), à la Cité internationale de la langue française (Villers-Cotterêts).
Du 18 au 30 juin, les jeunes artistes sortants du Théâtre-École des répertoires de la chanson présenteront leur Festival chefs-d’œuvres, travaux individuels de sortie de l’école.
Le Hall de la Chanson sera une nouvelle fois au Festival Off d’Avignon avec Le Prof ,de Brassens et Les Eaux sauvages, d’Anne Sylvestre, en alternance du 3 au 12 juillet (au Théâtre de L’Arrache-Cœur), avec Olivier Hussenet, Alban Losseroy et Vladimir Médail.
 

Propos recueillis par Jérôme Vallette

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°557

Légende photo : Serge Hureau

Crédit photo : Frédéric Pickering

« Nous voulons connecter davantage le festival à son territoire »

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Emmanuelle Durand et Vincent Anglade

Les Nuits de Fourvière auront lieu du 30 mai au 25 juillet, principalement dans les amphithéâtres gallo-romains de la colline lyonnaise. Emmanuelle Durand et Vincent Anglade sont les nouveaux codirecteurs de ce festival pluridisciplinaire.

Quels ont été les défis de cette passation entre Dominique Delorme, après vingt années de direction, et vous ?
E. D. : C’est un festival particulier, avec ce marathon artistique de deux mois et un modèle économique assez unique. Sur un budget d’environ 12 millions d’euros, un quart provient d’une tutelle unique, la Métropole de Lyon, environ un quart vient des partenaires et mécènes et la moitié de la billetterie. Les marges dégagées par les concerts de musiques actuelles permettent de financer des créations en cirque, en danse ou en théâtre. Autre particularité : l’extérieur, nouveau pour nous, nous devons constamment tenir compte du risque météo.

Quelles sont vos inflexions ?
V. A. : Nous souhaitons connecter davantage le festival à son territoire en retrouvant le côté unique des propositions, mais en dehors des théâtres de Fourvière. La metteuse en scène québécoise Brigitte Poupart, qui n’était jamais venue en France, présentera un spectacle immersif au Pôle Pixel de Villeurbanne. Le skate, souvent présent devant l’Opéra de Lyon, y fera son entrée avec le spectacle Skatepark de la chorégraphe Mette Ingvartsen. La pré-ouverture du festival aura lieu à Vaulx-en-Velin avec la Compagnie XY, installée durant une semaine à la rencontre des habitants avant une représentation devant la mairie. Le musicien lyonnais Arandel s’y produira également, au Planétarium.
E. D. : Nous voulons aller plus loin dans la transition écologique : nous finalisons le premier bilan carbone du festival, nous intégrons la convention des entreprises pour le climat et nous visons la certification ISO 20121.

Et côté publics ?
E. D. : Il est important d’ouvrir le plateau à des diversités de formes pour aller vers des spectateurs qui ne venaient pas aux Nuits de Fourvière. Nous proposons le Samedi des Nuits, une sorte de festival dans le festival, avec une soirée qui débutera dès 19 ou 20 heures. Avec, par exemple, le même soir, l’Impératrice, Kiddy Smile et Clara Ysé. Les Petites Nuits s’adressent au jeune public, en journée ou en début de soirée, avec Cheptel Aleïkoum ou la Compagnie Arcosm, avant les grandes formes du soir, et précédés d’ateliers. 
Nous poursuivons le travail d’accessibilité aux personnes handicapée, avec, entre autres, deux spectacles estampillés Relax. L’hospitalité a aussi été repensée, avec une terrasse aménagée sur le site du théâtre de l’Odéon ou un partenariat avec deux chefs du Lyon Street Food.

Les grands équilibres du festival sont-ils préservés ?
V.A. : Tout à fait. Une soixantaine de propositions est programmée, dont une quinzaine de coproductions, créations ou premières. Près de 180 000 billets sont mis en vente pour 120 levers de rideau. 

Propos recueillis par Nicolas Dambre

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°556

Légende photo : Emmanuelle Durand et Vincent Anglade

Crédit photo : Ava du Parc

Bordeaux : avec Fanny de Chaillé, le TNBA se réinvente pluriel

Infoscènes
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Fanny de Chaillé

Un pas de côté. Est-ce le geste opéré par la nouvelle directrice du TNBA (Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine) et de l’ESTBA (École supérieure de théâtre Bordeaux Aquitaine), Fanny de Chaillé, qui a succédé à Catherine Marnas en janvier 2024 ? Un pas de côté pour que s’ouvrent les portes du TnBA et que se réorientent certains de ses axes. Même intention pour son école adossée, une particularité de ce CDN qui « intéressait beaucoup » la metteuse en scène. Fanny de Chaillé ne « se sent pas perdue dans cette énorme maison », puisque son labeur de directrice s’articule autant avec ses expériences d’artiste associée qu’avec son travail de création. 
Ses deux dernières pièces, Le Chœur (2020), et Une autre histoire du théâtre (2022-2023), mettent en abyme la question de la transmission, qui lui est chère, et l’art dramatique, du point de vue de l’acteur. Ces problématiques irriguent ainsi ses intentions pour la direction du TNBA et de l’ESTBA : « La question de l’école est vraiment née de manière cohérente, à partir de ces créations-là. » Le projet de l’école s’élaborera avec un collège pédagogique composé surtout d’acteurs et actrices, afin de « penser la pratique du jeu avec celles et ceux qui l’exécutent », et de replacer la figure de l’acteur au centre de l’enseignement. Il s’agit d’« opérer un vrai décalage par rapport à ce qui se fait dans les écoles ».

Dynamique d’ouverture 
Malgré l’implantation de sa compagnie Display à Bordeaux, Fanny de Chaillé ne connaît pas autant la ville que sa fidèle collaboratrice, Isabelle Ellul, directrice déléguée du TNBA. Elles ont postulé en duo avec un projet qui manifeste leur « envie de rouvrir le TNBA », notamment à des « collaborations étroites », soit avec La Manufacture CDCN, le CAPC (musée d’Art contemporain de Bordeaux), la Scène nationale Carré-Colonnes (Saint-Médard-en-Jalles), et le festival Trente Trente. Des dialogues qui font sens dans une ville « où se manifeste à présent un vrai désir de fabriquer ensemble ». Ces projets seront dévoilés en septembre dans la programmation 2024-2025 parmi de « gros spectacles de théâtre » et les créations des neuf artistes associés, dont cinq régionaux. Le choix de ces compagnonnages, allant de Gwenaël Morin au bordelais Collectif Rivage, en passant par Rébecca Chaillon, témoigne d’une volonté de « diversité d’esthétiques et de pratiques ». Avec eux, Fanny de Chaillé entend mener « un accompagnement sur mesure », fondé sur l’écoute de chacun. Un soin de l’autre matérialisé jusque dans le Projet Kids, qu’elle a expérimenté à Chambéry (Savoie), et qui entrelace la question de l’ouverture et de la transmission. Une « université d’arts pour les enfants et adolescents » qui leur permet de pénétrer les coulisses du théâtre pendant les vacances : « Partager nos pratiques aux enfants et leur raconter ce qui se passe dans un théâtre est très important », dit celle qui y sera animatrice. Pas de distinction, donc, entre le théâtre de la relation créé par la metteuse en scène et celui que bâtit la directrice.

Hanna Laborde

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°556

Légende photo : Fanny de Chaillé

Crédit photo : D. R.