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Parité, une vigilance de tous les instants

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Sarah Karlikow

La parité progresse dans le spectacle vivant, mais une attention doit être portée aux régressions possibles.

Les faits, confirmés par les chiffres, sont indéniables : depuis une dizaine d’années, la politique volontariste du ministère de la Culture en faveur de l’égalité femmes-hommes porte ses fruits. Les centres dramatiques nationaux (CDN), par exemple, ont vu la proportion de femmes dirigeantes passer de 21 % en 2017 à 42 % depuis 2022 (sans compter les directions mixtes). Chantier primordial également pour permettre aux artistes femmes d’accéder à des responsabilités de premier plan, celui des aides à la production est également engagé. « C’est le cas notamment en danse, où la parité des aides attribuées en nombre d’équipes a été atteinte, et même dépassée en 2022 (45 % de femmes, 43 % d’hommes, 12 % de direction mixte homme-femme). Les aides au projet et les conventions de deux ans sont également majoritairement attribuées à des équipes à direction féminine », expose le ministère de la Culture. « Il y a de nettes progressions, en particulier depuis le début du mouvement #MeToo, qui fait figure de véritable prise de conscience collective des inégalités femmes-hommes. Mais il reste encore une marge de progression », relève Sarah Karlikow, coreprésentante du mouvement interrégional HF+.

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Par Tiphaine Le Roy

Légende photo : Sarah Karlikow, coreprésentante du mouvement interrégional HF+

Crédit photo : D. R.

Prix des places, fin d’une ligne rouge ?

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Thomas Ress

Le contexte de baisse inédite des crédits de création couplée à celle de certaines subventions et à une inflation galopante pousse une partie des lieux à se résoudre à recourir à des hausses de tarifs.

Pour les scènes labellisées directement impactées par les diminutions de subventions, nécessité fait loi. Mis au pied du mur par le conseil départemental de la Haute-Garonne, baissant de 80 % ses aides en 2024 et laissant planer un retrait total de son accompagnement à compter de 2025, le Théâtre de la Cité - CDN Toulouse Occitanie n’a eu d’autre choix que de chambouler sa saison à venir. Au programme des arbitrages : fonctionnement, emploi, activité artistique mais aussi technique et… grille tarifaire. Toujours à la tête de L’Odéon - Théâtre de l’Europe, dont il assure l’intérim jusqu’au 31 juillet, Stéphane Braunschweig doit lui aussi se résoudre à augmenter les prix des places « alors qu’ils n’ont pas bougé depuis mon arrivée en 2016 ».

S’il a claqué la porte du théâtre national en janvier, il tient à rappeler à quel point la question de l’accessibilité lui a toujours tenu à cœur : « Nous avons créé des avant-premières à moitié prix, une 2e catégorie à Berthier avec des places à 28 euros au lieu de 36, et des places gratuites pour les jeunes le jeudi. Cet engagement était fort, mais il n’est plus tenable aujourd’hui. Nous nous sommes donc résolus à une légère augmentation de 2 euros pour le plein tarif et les 2e et 3e catégories. Pour ne pas pénaliser les plus modestes, la 4e reste inchangée et nous ne demandons que 1 euro d’effort au demi-tarif. L’abonnement prend 4 euros, mais pour un prix toujours inférieur de 10 euros à celui d’une place identique à l’unité. » 

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Par Thomas Flagel

Légende photo : Thomas Ress, directeur de L’Espace 110 (Illzach) 

Crédit photo : Laura Domartin

Coupes budgétaires : l’écosystème peut-il s’effondrer ?

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compagnie Les Entichés

L’annonce par Bruno Le Maire d’une annulation de crédits de 204,3 millions d’euros dans le budget de la Culture a créé un électrochoc dans un milieu placé en « mode survie » avec la multiplication des crises.

Les chiffres ont fait l’effet d’une bombe. 204,3 millions d’euros en moins pour la culture, dont 96 millions pour la création. Une saignée nécessaire pour faire tomber la fièvre du déficit budgétaire, selon le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire. Rue de Valois, Rachida Dati s’est très vite voulue rassurante : le ministère puisera dans les crédits de réserve pour amortir le choc. « Le spectacle vivant continuera à être soutenu, a-t-elle déclaré sur France Culture le 29 février. Je serai à leurs côtés. Il n’y a pas un euro qui manquera sur les territoires, je m’y engage. » Concrètement, 70 % des annulations de crédit annoncées seront compensées par ces réserves de précaution cette année. Pas de quoi rassurer pour autant le milieu, qui, à l’image de Vincent Roche-Lecca, coprésident du Syndicat national des scènes publiques (SNSP), a été « sidéré et glacé » par l’annonce de ces coupes claires intervenant dans un contexte de très grande fragilité des lieux comme des compagnies. D’autant que pour lui, rien n’est très clair malgré les déclarations de la ministre. « Sur les montants, il y a eu une première annonce de Bruno Le Maire, puis des contre-annonces sur l’utilisation des crédits de réserve de précaution, puis l’information sur les coupes budgétaires des grands établissements parisiens, s’agace-t-il. On nous dit de ne pas nous inquiéter, mais toute la chaîne est liée ! Ce n’est pas sérieux. D’autant que nous sommes prévenus : il y aura d’autres annonces de coupes…»

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Par Bruno Walter

Légende photo : Qu’il fait beau cela vous suffit, compagnie Les Entichés

Crédit photo : Christophe Raynaud de Lage

Danse à tous les étages : un CDCN original

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Tropique du Képone

Dirigé par Natacha Le Fresne depuis 2020, Danse à tous les étages vient de recevoir le label Centre de développement chorégraphique national du ministère de la Culture.

L’attribution du label « Centre de développement chorégraphique national » à Danse à tous les étages en Bretagne n’a pas surpris. Dès la nomination de Natacha Le Fresne (en 2020), il était clair qu’elle arrivait en mettant ses compétences et sa connaissance du terrain au service de l’ambition longtemps caressée par son prédécesseur, Annie Bégot. Mission accomplie. Mais il va être important de suivre l’évolution de cet outil original, ce que laisse entendre, dans ce communiqué, la ministre : « Cette labellisation illustre l'engagement du ministère de la Culture en direction des territoires ruraux ». 

Un CDC itinérant
Natacha Le Fresne, rompant avec le fantasme immobilier, l’affirme : « Il existe des dizaines de salles très belles et bien équipées. Nous collaborons avec le Triangle (Rennes) et le Quartz (Brest), mais toujours à Brest avec le Mac-Orlan, avec l'espace Glenmor (Carhaix), avec le Palais des congrès (Pontivy)  avec Le Sterenn (Trégunc) qui fait même une programmation danse à l'année. Il n'y a pas besoin de construire une nouvelle scène pour le CDC. » Avant même d'être labélisé, Danse à tous les étages collaborait avec plus de 200 partenaires. On s'amusera de l’impressionnante liste des tutelles pour qui connais la Bretagne, où une telle réunion peut surprendre. Historiquement, la Bretagne balance entre deux pôles : Rennes et Brest. Soit 250 km et plus de 3 h de route. Un Saint-Brieuc-Vannes relève de l'expédition... La logique est donc de maillage : bureaux à Rennes, Brest, liens avec les villes du Centre Bretagne, et beaucoup d'activité à Concarneau L'équipe (8 personnes) est répartie avec un représentant à l'activité transversale par pôle, un régisseur général itinérant et une administratrice, une chargée de communication et une directrice qui bougent mais s'organisent entre Brest et Rennes. « Cela demande une organisation particulière, reconnaît Natacha Le Fresne, puisque nos bureaux principaux sont au deux extrémités du territoire ! Une fois par mois est organisée une journée de travail en commun. » Une telle organisation n'est possible que parce que l'équipe est assez modeste, mais aussi... grâce au Covid ! « Nous pratiquons très naturellement la réunion à distance et cela ne se serait pas fait avant la pandémie. » Si celle-ci confirme sa pertinence, il y a peut-être une bonne réponse pour la culture hors des métropôles. Cela vallait bien un label !  

Philippe Verrièle

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°561

Légende photo : Tropique du Képone, de Marlène Myrtil et Myriam Soulanges, au Théâtre l'Aire Libre de Saint-Jacques de la Landes (Ille-et-Vilaine) lors du Festival Nomadanse)

Crédit photo : Eloïse Legay

A l’approche de l’été, l’inquiétude demeure chez les organisateurs de festivals

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Wu Lu

Après une saison 2023 difficile, les festivals s’engagent dans un été épineux sur le plan économique.

C’est comme si la saison festivalière ne pouvait se passer d’épines. Covid, retombées du Covid, inflation, Jeux olympiques, météo… Le tout, avec un fonds festivals qui, malgré les demandes, n’a pas bougé en 2024. Si, par rapport à la fréquentation, la saison a plutôt bien commencé (lire page 13), nombreux restent inquiets. Les publics, de retour en 2023, semblent cette année encore au rendez-vous. Mais les spectateurs ont durablement changé leurs habitudes et se décident désormais au dernier moment. Au Syndicat des musiques actuelles, un groupe de travail s’est monté pour suivre les quelque 170 festivals adhérents : « ça nous permet de prendre le pouls, dit Stéphane Krasniewski, en charge des festivals au SMA. Et c’est assez mitigé : ce qui est sûr c’est que personne n’est optimiste. » 

Budgets tendus 
Cette crainte est faite d’un mélange des résultats financiers de 2023, et d’une billetterie qui, bien que satisfaisante en 2023, réagit tardivement. « On est plusieurs à observer un comportement du public qui se déclenche dans les trois dernières semaines avant l’événement, constate Stéphane Krasniewski, par ailleurs directeur des Suds (8-14 juillet), à Arles. De fait, on est plus soumis aux aléas climatiques. » Par ailleurs, les spectateurs seront cette année « sursollicités par les manifestations sportives : Euro de foot, Jeux olympiques… » 
France Festivals, qui observe l’ensemble du spectacle vivant, s’était félicitée des fréquentations de 2023. « Les remontées confirment que le public est au rendez-vous, mais la billetterie est effectivement lente, reconnait sa directrice, Alexandra Bobes. Pour le moment, nous n’avons pas d’inquiétude majeure sur ce point. » Autre son de cloche sur les équilibres budgétaires. L’effet ciseau opère toujours et, même si l’inflation se tempère, les prévisions ne sont pas brillantes. « Le break (seuil de rentabilité) est tellement haut que personne ne pense pouvoir rentabiliser, ajoute Stéphane Krasniewski. De plus, « sur tous les territoires, il y a des tensions avec les collectivités. Elles cherchent, elles aussi, d’autres sources d’économie et de revenus. » Or, « une subvention stable dans ce contexte, signifie un déficit », résume Alexandra Bobes qui observe en sus, et de manière « assez généralisée », une « baisse du mécénat. » De facto, « beaucoup de festivals ont déjà prévu des déficits pour une deuxième année consécutive ». Dans certaines régions, France Festivals est alerté par des craintes sur le fonds festivals, en partie piloté de manière déconcentrée. Une tendance ?

Small is beautifull
Mais il y a aussi les optimistes, qui parient sur un autre modèle. à une plus petite échelle, le travail de dentelle du Festival de Chaillol (du 19 juillet au 11 août) a « épousé les reliefs des vallées alpines du pays gapençais », avec ses nouvelles musiques traditionnelles. Le directeur de cette scène conventionnée art en territoire des Hautes-Alpes, Michaël Dian, se félicite de ne pas avoir de lieu fixe, comme son festival : « On est itinérant, c’est très à la mode, mais c’est une réponse à l’inflation et aussi aux pratiques des Français. Ce territoire nous a amenés à réfléchir à une relation aux habitants. » Et, en festival, cela donne des « séries plus longues », des artistes rémunérés en plus sur de l’action culturelle, et qui viennent se poser dans ce havre montagnard au milieu d’une saison éreintante. « Il y a une vraie anxiété des écosystèmes de la création, synthétise Michaël Dian. Nous avons essayé d’y répondre avec une volonté de très grande sobriété dans les moyens. » Un pari réussi qui ravit ses tutelles.

Jérôme Vallette

Vers un baromètre unique et plus simple
L’année dernière encore, chacun produisait son propre baromètre des festivals, parfois en ordre dispersé. Désormais, autour du Centre national de la musique et de l’expertise du Département des études, de la prospective et des statistiques du ministère de la Culture, Ekhoscènes, SMA et France Festivals (qui permet d’élargir le spectre des événements) vont relayer un questionnaire commun, en cours de finalisation, pour tous les festivals. L’objectif est de simplifier l’outil et d’avoir une mesure plus rapide de la saison, et un travail moins lourd pour les équipes organisatrices. Autour d’une vingtaine de questions (budget, artistes, développement durable, etc.), le baromètre devrait connaître trois vagues pour les festivals d’avant juin, ceux de l’été, et les suivants. Premiers résultats à la rentrée. Pile pour la séquence budgétaire au Parlement. Nul doute que ces données éclaireront la réflexion sur les besoins des festivals.  

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°561

Légende photo : Wu Lu, Les Escales

Crédit photo : Eric Deguin

Jeux olympiques et sécurité : Les conséquences à Lorient et Aurillac

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Excitation foraine

Le Festival Interceltique de Lorient (FIL) et le Festival du Théâtre de rue d’Aurillac sont deux événements à forte fréquentation qui figuraient dans la circulaire du ministère de l’Intérieur de décembre 2022 comme les deux exceptions pouvant bénéficier d’unités de forces mobiles nécessaires à leur sécurisation dans la période entre les Jeux olympiques et paralympiques. Lorient (Morbihan) a reculé ses dates (du 12 au 18 août) et réduit la durée. Aurillac (Cantal) les a avancées (du 14 au 17 août). Ils se préparent dans une certaine sérénité, même si la « posture Vigipirate » de l’été automne 2024 est active au niveau « urgence attentat ».

À Lorient, une unité de compagnie républicaine de sécurité (CRS) et une demi-unité de plus pour la journée du grand défilé sont habituellement mobilisées pour le FIL. Guy Gasan, maire adjoint de Lorient chargé de la sécurité et de la prévention, n’a aucun doute : « On ne nous a pas dit qu’on ne les aurait pas. » Il rappelle que la sécurité des biens et personnes reste de la compétence de l’État. La Ville engage quand même un budget sécurité de 250 000 euros pour ce festival. Ses agents font une inspection visuelle des sacs à l’entrée des espaces clos plein air du festival : « Pour l’instant, l’État n’a pas exigé la palpation. Ce serait extrêmement contraignant. Il y a entre 850 000 et 1 million de personnes sur la période, avec des allées et venues en permanence entre la rue et les fans zones ». La Ville pose aussi les blocs de béton et barrières contre l’intrusion de véhicules. Cette année, elle met en place un centre de supervision urbain « pour voir en temps réel ce qu’il se passe dans l’hypercentre ». L’association FIL elle-même emploie une société de sécurité pour surveiller l’accès aux bâtiments et garder les lieux la nuit, y compris le village commerçant. Finalement, le budget sécurité est stable, mais sur 7 jours au lieu de 10 et un périmètre réduit, principalement à cause de la hausse des rémunérations de personnels.

Au Festival d’Aurillac, le changement de dates pèse financièrement, car il tombera dans le week-end du 15 août. « Cela génère un surcoût de rémunération des personnels de sécurité et des agents municipaux », observe le directeur, Frédéric Rémy, qui n’a pas encore l’évaluation. L’association Éclat a à sa charge l’accès et le gardiennage des lieux de spectacle. La configuration « urgence attentats » n’implique pas de changement par rapport à l’habitude (l’hypercentre est en accès contrôlé par des agents de la Ville). Grâce aux relations fidèles avec les prestataires, Aurillac ne voit pas d’affolement sur la disponibilité des personnels de sécurité, mais les charges sont encore alourdies par le nouveau système de vacations de 4 heures minimum et les dernières réformes de vérification et certification des structures temporaires. « Il y a l’inflation, mais aussi des réglementations qui font qu’organiser des manifestations dans l’espace public coûte de plus en plus cher depuis deux ans. Or, on n’a pas de marge pour s’adapter ».  

Yves Perennou

Arts de la rue :  week-ends concentrés
« Une des vraies difficultés, c'est que la période des festivals autorisés est très limitée, note Frédéric Rémy, directeur du Festival d'Aurillac. Les week-ends disponibles sont surchargés. Les compagnies sont sursollicitées et refusent des options alors qu'il y a très peu d'événements sur d'autres week-ends. C'est problématique pour les arts de la rue qui peu de possibilité pour décaler la diffusion hors de l'été. »

En partenariat avec La Lettre du Spectale n°561

Légende photo : Excitation foraine, de la compagnie Titanos

Crédit photo : Vincent Muteau

Pauline Bayle : « Avec ce projet, nous faisons du CDN un refuge face à la violence du monde »

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Pauline Bayle

Avec « Fxmmes créatrices », Pauline Bayle, directrice du Théâtre public de Montreuil, a accompagné toute la saison 13 femmes et une personne non binaire de Seine-Saint-Denis pour mener un projet personnel de création. La restitution publique, le 20 avril, s’est faite à guichet fermé. Retour sur cette « édition fluide, de sa théorie à sa mise en œuvre ».

Quand avez-vous nourri le désir de ce projet « Fxmmes créatrices » ? 
J’avais réfléchi à la question d’espaces de création pour les femmes et minorités de genre quand j’étais artiste associée à l’Espace 1789. En arrivant au TPM, j’ai discuté des possibilités avec l’équipe des relations avec le public, mais le projet est né lors de mon travail sur ma pièce Écrire sa vie, d’après l’œuvre de Virginia Woolf. Dans sa correspondance avec d’autres artistes, se lisent des échanges sur des mêmes questions liées à la création, sans distinction entre les arts. J’avais envie de proposer cela au TPM, d’en faire un espace de recherche pas seulement théâtral. Et notre appel à projets a reçu beaucoup de propositions !

Comme avec Écrire sa vie, vous soulignez l’importance du collectif dans la naissance à soi comme artiste… 
Oui, je crois à l’émulation collective. Au cours des séances, chaque participant(e) montrait une étape de sa création, et pensait à des questions à destination des autres : est-ce compréhensible ? Saisit-on les intentions ? Aucun(e) de nous n’était expert(e) d’un art en particulier, donc nous avancions ensemble. 

Quelle a été votre place, surtout auprès de participant(es) dont l’art est a priori éloigné du vôtre ? 
Tous les différents arts sont recoupés par la question de la dramaturgie. Derrière l’œuvre, c’est une idée qui s’incarne, et elle doit être lisible. C’est là que j’ai pu intervenir. Grâce à mon expérience, j’ai pu aussi aider les participant(es) sur des questions de durée, etc. Mais je n’ai rien imposé. D’ailleurs, certains de mes systématismes ont été eux-mêmes remis en cause !

Quels retours avez-vous eus des participant(es) ? 
Le cadre dans lequel on crée a un énorme impact sur la création. Là, nous avions du temps, un lieu, plein d’espaces… Ce que beaucoup ont souligné. Chacun(e) a puisé de quoi faire avancer sa pratique, voire aboutir son œuvre, sur le fond ou la forme. 

Est-ce essentiel pour vous, directrice de CDN, de proposer ce projet uniquement à des amateurs et des amatrices ? 
C’est la règle du projet oui – quoique certaines pourraient publier leur roman, par exemple. C’est important pour moi de réserver un espace à des pratiques gratuites, comme des fins en soi. Car elles disparaissent de nos vies, attaquées par nos obligations. Avec ce projet, nous faisons du CDN un refuge face à la violence du monde. Et les projets amateurs doivent avoir leur place dans un CDN. C’est ainsi qu’on s’ancre aussi dans le quotidien d’un territoire. 

Quelles envies cette première édition a-t-elle suscitées chez l’artiste que vous êtes ? 
J’ai envie de continuer à travailler avec des personnes qui ont des choses à dire sans que ce soit leur métier. Mais sous quelle forme ? Aussi, je suis très intéressée de suivre les projets des participant(es). 

Et pour l’avenir de ce projet ?
Il y aura un débrief avec les participant(es) en juin. Le projet sera reconduit en 2025, mais nous ne savons pas encore qui assurera l’accompagnement. En revanche, la restitution se fera en fin de saison, lors des Aperçus, temps de présentation de tous les travaux amateurs de la saison (ceux des Adelphes, des scolaires etc.). Et le projet figurera dans la brochure. 

Propos recueillis par Hanna Laborde

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°560

Légende photo : Pauline Bayle

Crédit photo : Julien Pebrel

Printemps des comédiens : des artistes d’Afghanistan et de Palestine

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Une assemblée des femmes, aujourd’hui

A Montpellier, le Printemps des comédiens (du 30 mai au 21 juin) accueillera l’Afghan Girls Theater Group pour le spectacle Les Messagères, d’après Antigone de Sophocle, mis en scène par Jean Bellorini, directeur du TNP de Villeurbanne. Ce dernier relate : « Lors de l’arrivée des Talibans à Kaboul en août 2021, elles ont quitté l’Afghanistan seules, laissant tout derrière elles, dans une forme d’élan de survie et d’inconscience, grâce à une lettre d’invitation des autorités françaises. » Alors âgées de 17 à 23 ans, les neuf femmes étaient toutes scolarisées et participaient de façon amateure à cette troupe de théâtre coordonnée par le metteur en scène Naim Karimi, qui les a suivies en France. La Ville de Villeurbanne les loge jusqu’en septembre prochain, avec l’aide de la municipalité de Lyon. 

En novembre 2022, elles ont créé un premier spectacle, plus autobiographique que le suivant, au Théâtre Nouvelle Génération, Le Rêve perdu. « Notre priorité a d’abord été qu’elles apprennent le français et règlent leurs démarches administratives pour être autonomes, poursuit Jean Bellorini. Le projet artistique devait venir après la reconstruction humaine. Certaines caressent le rêve de devenir comédiennes, elles suivent des études universitaires en France, ce qui nous empêche de jouer trois semaines d’affilée en tournée. » Une assemblée des femmes, aujourd’hui, d’après Aristophane, sera également présentée lors du festival, en plein air.

Conçue avec le Théâtre national palestinien, cette pièce est née à l’initiative de l’Institut français de Jérusalem, mise en scène par Roxane Borgna et Jean-Claude Fall. Sur le plateau, cinq femmes et trois hommes, arrivés de Palestine où ce spectacle a été donné à Jérusalem, Bethléem, Jéricho et Ramallah. Il est l’occasion de questionner la place des femmes, avec de nombreux témoignages vidéos réalisés sur place par Laurent Rojol. « Nous ne voulions pas créer un spectacle sur le conflit israélo-palestinien pour donner des leçons. Le thème des femmes est arrivé comme une évidence car il est récurrent dans la société palestinienne. À première vue, ce n’est pas un spectacle militant mais plutôt une comédie, mais durant la pièce, nous menons un débat avec le public » explique Jean-Claude Fall. La première fut une foire d’empoigne. Une comédienne veille désormais à canaliser les échanges. La circulation des comédiens dans le pays ou à l’étranger a été compliquée. Roxane Borgna se souvient : « Tout est compliqué et empêché par l’administration israélienne, c’est une stratégie de guerre pour montrer que les Palestiniens ne sont pas libres. » Une des comédiennes, Mays Assi, n’a ainsi pas pu venir pour jouer cette pièce à l’Institut du monde arabe en 2023. Les metteurs en scène aimeraient pouvoir prochainement la présenter à Paris.

Nicolas Dambre

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°560

Légende photo : Une assemblée des femmes, aujourd’hui

Crédit photo : Laurent Rojol

La chute des ressources des Départements impacte durement le monde de la culture

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Carrément-cube, Cie-Hanoumat

Des recettes qui baissent et des obligations qui explosent poussent ces collectivités à freiner leurs subventions.

Signe de leurs difficultés, de nombreux Départements ont reporté le vote de leur budget primitif en quête de millions d’euros. Certains ont puisé dans leurs réserves. D’autres, comme l’Aisne, ont voté un déséquilibre budgétaire : il lui manque 22,5 millions d’euros. Cet échelon territorial est frappée de plein fouet par le fameux effet ciseaux : leurs recettes propres, tirées d’une taxe sur les ventes immobilières, sont en chute libre (-23 % sur un an) chaque mois, quand leurs dépenses s’envolent. Car c’est la collectivité la plus exposée à la conjoncture avec 60 % de son budget composé de dépenses sociales. 

Des baisses de 6 à 8 %
Face à ce mur, Départements de France demande à l’état 10 milliards d’euros pour ces missions obligatoires. Pour la culture, qui ne l’est pas, c’est le spectre d’un recul brutal, mais hétérogène : « Certains ont baissé de 6 à 8 % leur budget culture, d’autres, plus rares, l’ont monté de 4 à 6 % », observe un expert qui veut rester discret. Si le gros du financement territorial au spectacle vivant vient du bloc communal, les Départements pèsent tout de même 1,05 milliard d’euros dans ces apports. 2024 s’annonce compliquée, 2025 sera sans doute pire car « les principaux chocs budgétaires à venir (hausse du RSA, basculement de l’allocation de solidarité spécifique, solidarité à la source) », ne sont pas arrivés, selon Départments de France. Et déjà des tensions apparaissent. Dans le Nord, la fin des subventions au Collectif des réseaux d’insertion par la culture touche les artistes (lire page 2). À Créteil (Val-de-Marne), la Maison des arts annonce une fermeture d’un mois et demi (La Lettre du Spectacle, le 3 mai 2024). En Haute-Garonne, le Théâtre de la Cité, centre dramatique national de Toulouse Occitanie, dit au revoir à 80 % de sa subvention départementale.

Vers une déstabilisation du maillage culturel
Pour Cédric Hardy, délégué général de Cultures Co, réseau national pour la culture dans les départements, qui regroupe élus et professionnels, la position de ces collectivités est très délicate : « Ce qui nous inquiète le plus, c’est la façon dont ça va fragiliser le cadre de vie des habitants, déstabiliser un maillage installé au niveau des politiques culturelles ». Et ce, alors que la préparation des assises nationales de la culture en milieu rural, incertaines, montre l’importance de ce tissu culturel dans ces territoires isolés. La réaction des élus monte. « Je n’ai jamais vu cette levée de boucliers se dessiner autant qu’en 2024, on arrive à une situation très très délicate, complète Cédric Hardy. On voit des DAC très très inquiets. » La Fnadac (Fédération nationale des associations de directeurs et directrices des affaires culturelles) le confirme : « La compétence, facultative, devient de fait une variable d’ajustement, déplore Christophe Bennet, son président. Les Départements ont des ambitions culturelles, des liens avec les structures associatives qu’ils subventionnent. Donc les variables risquent de s’opérer sur des opérateurs en délégation de service public. » Preuve de la soudaineté de la crise sur la culture, dans le baromètre 2023 de l’Observatoires des politiques culturelles, « les Départements semblaient les collectivités qui contenaient le plus leur baisse budgétaire », résume Samuel Périgois, son chargé de recherche. Mais, en 2022, leurs recettes avaient été bonnes. L’enquête 2024 débute avec une forte pression sur les premiers résultats qui seront diffusés à Avignon en juillet. En toute logique, ils devraient témoigner d’une nouvelle tendance. Dramatique, cette fois ?

Jérôme Vallette

En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°560

Légende photo : Carrément-cube, Cie-Hanoumat

Crédit photo : Eric Deguin

« Moins de compagnies sous-entend une véritable casse sociale »

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Marion Gauvent et Véronique Felenbok

Marion Gauvent et Véronique Felenbok, coprésidentes de Lapas reviennent sur l’étude révélée fin mars qui montre un effondrement de la diffusion à venir.

Votre enquête fait état d’une baisse très significative  de la diffusion pour la saison prochaine et d’inquiétudes  des artistes et professionnels de l’administration des compagnies pour l’avenir de leurs métiers. Les faits sont-ils déjà très clairement à l’œuvre ? 
Marion Gauvent : Nous ne sommes pas « inquiets d’une situation à venir ». Nous vivons déjà les deux pieds dedans. Nous sommes dans la situation.
Véronique Felenbok : Les résultats de l’enquête sont assez significatifs puisqu’elle a été renseignée par près de 170 administrateurs et administratrices de compagnies, chargés et chargées de production et de diffusion, sur 270 adhérents et adhérentes. Comme la plupart travaillent pour plusieurs compagnies, au total, cette enquête permet de dresser des perspectives sur un échantillon de plus de 1 000 compagnies. Ce constat, nous le faisons nous-même dans notre métier. En tant qu’administratrice de compagnie, je suis contactée par énormément de compagnies, même de très importantes, dont la diffusion sera en berne la saison prochaine. Et je dois refuser car je ne suis pas en capacité de prendre de nouveaux accompagnements.
Marion Gauvent : Nous avons besoin de nous parler car plus qu’une crise, c’est un nouveau paradigme qui s’annonce, vers lequel le gouvernement nous amène. Et s’il y a moins de compagnies, cela sous-entend une véritable casse sociale dans tous les métiers du spectacle vivant.

Quels sont les retours ?
Marion Gauvent : Nous avons envoyé un communiqué reprenant les principaux chiffres issus de l’enquête aux syndicats et associations de lieux labellisés, notamment, afin de poser un constat concret et d’échanger ensemble. Cette semaine (mi-avril) nous avons plusieurs réunions, comme avec le Syndeac et le Synavi. Nous avons aussi rendez-vous avec la Direction générale de la création artistique (DGCA), que nous avions déjà sollicitée l’an dernier suite à la lettre ouverte que Lapas avait réalisée. 

Qu’en attendez-vous ?
Marion Gauvent : Nous espérons un rapprochement entre acteurs du spectacle vivant. Nous sommes dépendants les uns des autres. Lorsqu’il y a des coupes à un niveau, cela se répercute ailleurs.
Véronique Felenbok : Les acteurs du secteur ont parfois l’impression que leurs intérêts sont divergents, qu’ils soient créateurs, producteurs, diffuseurs… alors qu’ils sont convergents. Si un nombre important de compagnies disparaît, les structures de diffusion seront les premières à regretter de voir leurs capacités de choix s’amoindrir.  

Propos recueillis par Tiphaine Le Roy

En partenariat avec La Lettre du spectacle n°559

Légende photo : Marion Gauvent (à dr.) et Véronique Felenbok (à g.)

Crédit photo : D. R. / Julien Pebrel