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Civitas : le festival Saint-Rock menacé

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festival saint-rock

Le « chef de la section Civitas » de Saône-et-Loire, Jean-Nicolas Noviant, vient d’exiger des organisateurs du festival Saint-Rock, qui a lieu chaque été depuis 2009 dans la commune de La Clayette, qu’ils abandonnent ce « nom blasphématoire ». La lettre précise que « le jeu de mot qui assimile saint Roch, éminent saint franciscain du XIVe siècle avec le genre dit “musical” souvent sulfureux par son rythme répétitif et discordant, par ses messages dépourvus de morale, ses “artistes”, est insupportable aux catholiques de France. » Plus loin dans son courrier, le chef de section insiste sur le fait que le mot « Saint » n’est « pas approprié pour des festivaliers en train de gesticuler un verre de bière à la main, voire sous l’emprise de substances illicites, devant une scène dite musicale. » Le courrier prêterait à sourire si les extrémistes de Civitas en restaient aux mots. Mais Jean-Nicolas Noviant, dans les colonnes du quotidien local Le Journal de Saône-et-Loire, prévient que Civitas pourra lancer de « nouvelles actions » contre le festival, rejoint par un groupuscule intégriste et complotiste, Terre et famille, installé dans la région. Le président de l’association organisatrice, Pierre-étienne Dury, assure qu’il n’est « pas question de changer de nom » et que Saint-Rock n’est qu’un jeu de mot lié à la présence d’une chapelle Saint-Roch dans le village. « Nous ne sommes pas inquiets, poursuit-il. Mais la gendarmerie a pris contact avec nous pour mettre en place des mesures au moment du festival pour éviter les problèmes. »

Bruno Walter

En partenariat avec La Lettre du spectacle n°538

Crédit photo : D. R.

Le camion CGT-Spectacle fédère les manifestants

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camion CGT

Bordeaux comme Nantes ont pris un virage singulier grâce à leurs camions lors des manifestations. En Gironde, lors du 1er mai, plusieurs dizaines de manifestants se sont rassemblés autour du véhicule sur lequel jouaient des adhérents du SNAM-CGT. A Nantes, identifiée pour la violence de sa répression (plusieurs manifestants viennent d’y être mutilés), un camion sonorisé apparait surmonté d’un ballon rouge CGT. Légèrement en amont du début de la mobilisation contre la réforme des retraites, un groupe d’animation des luttes s’est formé au sein de l’union locale de Nantes. Avec pour but de redynamiser et de sécuriser les cortèges. Une petite scène sonorisée est donc installée sur un camion benne au cœur des manifestations. Y interviennent techniciens, chanteurs, comédiens, danseurs issus de compagnies locales.

« Depuis la première manifestation du 19 janvier, notre camion est là, précise Martine Ritz, costumière, actrice et militante au SFA-CGT, qui fait partie de l’Institut d’histoire sociale de la CGT. «Il est devenu un repère pour les gens, les jeunes nous disent que, près de lui, ils se sentent en sécurité, le député LFI Andy Kerbrat s’y est exprimé, on y est joyeux, c’est une sorte de mini-parlement de la rue, je ne suis pas catholique, la lutte n’est pas un acte sacrificiel et de martyr, ne doit pas être mortifère mais source de vie ». Le coût de la location, environ une centaine d’euros par jour, est dégressif, assumé par l’union locale de la CGT, la CGT-Spectacle et le collectif Culture en lutte. « Nous avons un répertoire, notre cahier de chants, une équipe solide depuis l’occupation de l’Opéra Graslin de mars à juin 2021, rappelle Martine Ritz. La CGT-Spectacle sait mener de grosses actions. En 2003, nous avions rassemblé 5 000 personnes autour du camion Royal de Luxe ». 

Nicolas Mollé

En partenariat avec La Lettre du spectacle n°537

Légende photo : La Fédération Mines-énergie en renfort le 19 avril. 

Crédit photo : D. R.

Un logiciel pour programmer des festivals

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Alexandre Stevens

Un agrégateur de données pour aider à la programmation d’artistes en festivals ? « Certains sont choqués qu’un tel logiciel existe, mais un programmateur est constamment bombardé de données par les agents sur les tops ou les tournées d’artistes, il gère déjà ces données de façon empirique, avance Alexandre Stevens, créateur du logiciel Bookr.fm, aujourd’hui utilisé par une dizaine de festivals (Marsatac, Couleur Café, Sakifo et Francofolies de la Réunion, Peacock Society...). Informaticien de formation et programmateur du Dour Festival en Belgique, Alex Stevens devait faire face à 10 000 artistes proposés pour cet événement.

Du tableau Excel, il est donc passé à la création d’un logiciel qui permet d’agréger les données de plus de 680 000 artistes. Concrètement, celui-ci propose de rassembler les données issues de Spotify, Last.fm, SoundCharts, Shazam, de réseaux sociaux (Facebook, Instagram...), de près de 500 médias (presse, radio, web...) et les dates de concerts (via BandsinTown et Songkick). À ces données de popularité, l’équipe d’un festival peut ajouter un tag à chaque artiste pour le catégoriser ou indiquer qu’il l’a vu, entendu, apprécié... Un algorithme de recommandation est conçu selon chaque festival, donnant une note sur 100, basée sur des critères quantitatifs et qualitatifs. Un module indique où en sont les éventuelles offres financières pour programmer un artiste, ses conditions techniques et d’accueil et les prix de cession proposés. Ces derniers sont centralisés dans les bases de données de l’entreprise Music Data Studio, créée par Alexandre Stevens, mais, soumis à une clause de confidentialité, ils peuvent être cryptés. En outre, les contacts des agents, managers ou tourneurs sont associés à chaque artiste. Un peu comme en finance, des tendances peuvent être établies entre l’actualité d’un musicien et le prix de son spectacle.

Si plusieurs directeurs de festivals (Eurockéennes, Trans Musicales, Beauregard...) se sont dits dubitatifs, Alexandre Stevens rejette tout risque d’uniformisation des programmations : « C’est comme le GPS de votre voiture : vous le mettez parfois lorsque vous ne connaissez pas la route, parfois alors que vous la connaissez, et vice-versa. Booker.fm aide à la prise de décision, notamment quand il s’agit d’investir le prix d’une maison sur une tête d’affiche. À Dour, un tiers de la programmation se fait encore au coup de cœur. L’art du programmateur est de mixer les deux approches. » L’abonnement annuel varie en fonction du budget du festival, de 1 000 à 20 000 euros. Comme toute nouvelle technologie, c’est l’usage de Bookr.fm qui peut poser question. 

Nicolas Dambre

En partenariat avec La Lettre du spectacle n°537

Légende photo : Alexandre Stevens

Crédit photo : Samuel Hertay

Le blocage d’un projet lié aux exilés fait partir le directeur

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l’Albarède

Frédéric Stein, le directeur du théâtre l’Albarède à Ganges (Hérault), a choisi de renoncer à son poste faute de pouvoir mener à bien un projet impliquant des exilés. Ce fonctionnaire de catégorie A, agent du département, attend une nouvelle affectation. Il a décidé un départ anticipé. Et ce face au refus du maire de Ganges, Michel Fratissier, président de la Communauté de communes des Cévennes gangeoises et suménoises de s’impliquer dans Les nomades font le monde. La municipalité déplore que ce projet ait été porté à sa connaissance par voie de presse, sans qu’une convention ait été signée. « S’il s’agissait d’une question d’équilibre budgétaire, on pourrait négocier mais là, ce n’est pas le cas, la décision apparaît brutale, sans dialogue ni discussion », défend Frédéric Maurin, président du SNSP. Les nomades font le monde devait recueillir les paroles d’exilés, travailler sur des banquets solidaires, tout en étant associé à la pièce Ahmed revient du philosophe et dramaturge Alain Badiou, mise en scène par Didier Galas. Avec pour objectif de lutter contre l’isolement des exilés, de favoriser leur alphabétisation et de les amener à prendre confiance.

« Fin octobre, j’avais reçu un appel de la DRAC et de la Dreets qui proposaient d’utiliser des crédits non consommés, rappelle Frédéric Stein, je me suis rapproché du groupe CVN qui coordonne des collectifs œuvrant à l’alphabétisation des exilés, nous voulions casser les clichés autour d’eux, travailler ensemble sur le masque, la farce. » Une première était prévue fin juin, suivie « en novembre d’une résidence d’une semaine, selon Didier Galas. De 10 000 euros actuels, le spectacle pourrait bénéficier de 40 000 euros de soutien financier si la Région donne son feu vert. Car si il n’est plus question de l’Albarède, le projet n’est pas abandonné et pourrait trouver un accueil au sein du tiers-lieu Bouillon Cube ou dans des festivals. Le dossier déposé en début d’année pour bénéficier d’une appellation scène conventionnée d’intérêt national (SCIN) pour l’Albarède apparaît en revanche plus incertain. « Frédéric Stein a fait un travail formidable pendant dix ans à l’Albarède, remarque Jean Burdin, vice-président Culture de la communauté de communes, qui gère en régie directe le théâtre et subventionne pour 160 000 euros son budget de près de 220 000 euros. Mon grand regret est de ne pas avoir été suffisamment convaincant pour qu’il accepte certaines de nos règles de fonctionnement. C’est d’autant plus dommage que le passage en SCIN apporterait plus d’autonomie au théâtre. »

Nicolas Mollé

En partenariat avec La Lettre du spectacle n°537

Légende photo : Le théâtre l’Albarède.

Crédit photo : D. R.

Cour d’honneur : Julie Deliquet adapte l’envers du rêve américain

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Julie Deliquet

Le spectacle Welfare, de Julie Deliquet, directrice du Théâtre Gérard Philipe (TGP) de Saint-Denis (93), ouvrira la cour d’honneur au Festival d’Avignon le 5 juillet. Welfare est au départ un documentaire de 1975 de Frederick Wiseman, 93 ans, inspirateur de Stanley Kubrick ou de Miloš Forman et auteur de l’inaugural Titicut Follies en 1967, film coup de poing sur les conditions d’incarcération de malades mentaux criminels. « Frederick Wiseman, qui partage sa vie entre Boston et New York, est un grand connaisseur et habitué de théâtre, raconte Julie Deliquet. Il avait vu plusieurs de mes spectacles. En juin 2020, il m’appelle et me confie qu’il a toujours pensé qu’il y avait du théâtre dans ses films, qu’il aimerait que ce soit moi qui en réalise une transposition. Ce qui m’a particulièrement touchée car j’ai adapté au théâtre beaucoup d’œuvres cinématographiques. » Après Fanny et Alexandre, d’Ingmar Bergman ; Un conte de Noël, d’Arnaud Desplechin ; ou le feuilleton Huit heures ne font pas un jour, de Rainer Fassbinder, Julie Deliquet avait elle même réalisé un court-métrage, Violetta, qui plantait en partie son décor au sein du service d’oncologie de Villejuif.

Welfare, de Frederick Wiseman a, lui, pour cadre un bureau d’aide sociale new yorkais, le réalisateur y captait avec une seule caméra chômeurs, SDF, malades ou enfants victimes de violence. « Il n’a utilisé qu’une perche, qu’une seule caméra, il a eu 150 heures de rush, on était presque dans des processus de répétition, poursuit Julie Deliquet. Wiseman a filmé de très près, sans voix off, sans musique, dans une radicalité extrême. Je devais travailler presqu’à l’opposé, pour retrouver une dimension jusqu’au boutiste, ce qu’ont vite compris Tiago Rodrigues, que je n’avais jamais rencontré et Géraldine Chaillou, que je connaissais un peu, il me fallait ordonner une mise en couleurs, dé-zoomer, avec l’envie de mettre des personnages marginaux dans un cadre hors normes. » Les 15 acteurs, âgés de 20 à 70 ans, sont passés par le TGP. Welfare s’est financé en partie grâce à un programme de 472 300 dollars de la Villa Albertine et devrait bénéficier d’une diffusion aux Etats-Unis.

Nicolas Mollé

En partenariat avec La Lettre du spectacle n°535

Légende photo : Julie Deliquet

Crédit photo : Moland Fengkov

Alternative : première cérémonie des Flammes

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Flammes

La cérémonie des Flammes aura lieu le 11 mai au Théâtre du Châtelet, à Paris. Fin mars, dix artistes ont été révélés dans chacune des 21 catégories de prix : album rap, album nouvelle pop, featuring de l’année, morceau afro, morceau caribéen, concert de l’année… Cette remise de prix est organisée par les médias en ligne BooskaP et Yard avec l’agence de conseil Smile. Hamad Ba, de BooskaP, observe : « Les cultures qualifiées d’urbaines ont longtemps été perçues comme des sous-cultures alors qu’elles sont extrêmement populaires aujourd’hui. Pourtant, elles sont très mal représentées par les institutions ou par les cérémonies liées à ces institutions. Mais il ne s’agit pas d’une cérémonie du rap mais des cultures populaires. »

Les Victoires de la musique ou les NRJ Music Awards font en effet une minuscule place aux « musiques urbaines ». Douze catégories sont soumises au vote du public et d’un jury, une catégorie au seul vote du public (morceau de l’année), huit au seul vote du jury. Tom Brunet (Yard) livre : « La transparence est primordiale dans tout processus de vote. La participation du jury permet un certain recul, une curation, afin que ne soient pas récompensés seulement les artistes qui ont les plus grosses fanbases. » Le jury de 23 personnes sera renouvelé d’une année sur l’autre et ses membres seront connus juste avant la cérémonie, afin d’empêcher toute concertation entre eux. Il comporte des représentants de maisons de disque, des professionnels du spectacle, des personnalités publiques, des indépendants et des journalistes. Les Flammes ont pour partenaire financier principal Spotify, mais aussi de nombreux organismes (Adami, CNM, Sacem, SCPP, Snep, SPPF).

La ministre de la Culture serait présente le 11 mai au Châtelet. Une quinzaine de prestations sont prévues, avec de nombreuses personnalités sur scène. Produite par Black Dynamite (Mediawan), l’émission sera diffusée en direct, notamment sur Youtube, BooskaP et Yard, puis rediffusée sur une chaîne de télévision. Les 3 nommés par catégorie seront révélés le 11 avril. 

Nicolas Dambre

En partenariat avec La Lettre du spectacle n°535

Crédit photo : D. R.

Hauts-de-France : les artistes investissent les usines en grève

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Stéphane Titelein

En quelques heures, la boucle WhatsApp lancée jeudi 23 mars par le metteur en scène et acteur Stéphane Titelein a fédéré plus de 130 professionnels du spectacle vivant des Hauts-de-France. Le nom du groupe : « Qui peut faire quoi ou jouer quoi dans une usine en grève ? ». Très vite, comédiens, circassiens et musiciens proposent des interventions. Les idées fusent. « On pourrait faire une lecture de Faut pas payer !, de Dario Fo, suggère Louise Wailly, auteuse et metteuse en scène de la compagnie Proteo. Julie Duquenoy signale dans la foulée que le collectif Éternel instant « est partant ». Julien Emirian de la compagnie Tout le monde dehors, est le premier à se lancer sur le terrain, pour soutenir les ouvriers du piquet de grève du Vert Baudet, le groupe de vente par correspondance en lutte depuis dix jours. Très rapidement, le comédien et metteur en scène Maxime Séchaud, délégué CGT-Spectacle dans la région, assure un lien avec les piquets de grève là où il y en a, pour tenter de coordonner les bonnes volontés et de mettre en rapport artistes et grévistes « J’ai des contacts avec les Unions locales et départementales, ça aide à avoir les infos, précise-t-il. Il lance également l’idée d’un « cabaret des luttes » qui serait « une journée complète avec des projections, des petits formats, un concert... » à la Bourse du travail de Lille le 8 avril.

Soutenir les électriciens, les éboueurs, les ouvriers par des interventions artistiques sur les lieux même de la lutte, tout cela réjouit au plus haut point Gilles Defacque, 77 ans, figure lilloise incontournable. Le fondateur – en 1973 – du Prato, théâtre international de quartier, labellisé par la suite pôle national de cirque, a évidemment été parmi les premiers à proposer ses services : « J’ai fait le clown dans des usines occupées il y a bien longtemps, se souvient-il. Il existe dans cette région un pont, un lien entre les artistes et le monde ouvrier. La création n’est pas hors sol. » Et les artistes très engagés, comme le constate Maxime Séchaud, qui représente la nouvelle génération. « Il n’y a pas forcément beaucoup d’artistes en grève c’est vrai, mais nous avons toujours des cortèges culturels importants dans les manifestations contre les retraites et dans les cortèges en général. » L’instigateur du groupe, Stéphane Titelein, est bien sûr satisfait. « Tout part d’une soirée au Théâtre du Nord que David Bobée avait ouvert après une manif. Il y avait beaucoup de monde, ça discutait et arrive la question : et nous, artistes, gens de spectacle, qu’est-ce qu’on peut faire ? Je me suis dit qu’on était, aussi, l’art de la fête, et que nous pouvions embellir les jours de grève en allant dans les usines. »

Un témoignage l’a conforté : « Quelqu’un se souvenait de son pépé qui avait vu Jean Ferrat en 1968 dans son usine et en parlait comme du plus beau jour de sa vie. Je me suis dit qu’on pouvait apporter de la gaîté dans le bazar. » En militant de longue date de l’éducation populaire, Stéphane Titelein place aussi l’action des artistes nordistes dans les traces du groupe Octobre de Jacques Prévert qui allait jouer du théâtre dans les usines occupés dans les années 1930. « Les artistes et les ouvriers, nous avons des choses à nous raconter. Après tout, nous sommes les prolétaires dans ce métier. »

Bruno Walter 

En partenariat avec La Lettre du spectacle n°535

Légende photo : Stéphane Titelein

Crédit photo : Kalimba

Géopolitique : la tournée très symbolique de Xiexin Dance Theatre

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Xiexin Dance Theatre

Le 25 février, la compagnie Xiexin Dance Theatre était au Laboratorio de las Artes de Valladolid, en Espagne, puis à Luxembourg. Et, à chaque fois, les ambassades chinoise sont présentes… Non pas que cette jeune chorégraphe soit une figure : sa compagnie est privée et c’est la première grande pièce d’une artiste talentueuse mais émergente. Pourtant « à Luxembourg, l’ambassadeur m’a dit qu’il était extraordinaire qu’elle soit là, rapporte Thierry Duclos. Avec son agence artistique, Delta Danse, il est à l’origine de cet événement : la première sortie de son pays d’une compagnie chinoise depuis trois ans… L’aventure a commencé en 2019. Thierry Duclos remarque la jeune chorégraphe Xie Xin, invitée du Festival Paris l’été pour sa première pièce. « J’ai essayé d’avoir des informations, mais avec la Chine, ce n’est pas simple ». Les vidéos sont inaccessibles, les formats ne correspondent pas, les téléchargements sont impossibles ; « oui, il y a un contrôle politique », reconnaît volontiers Thierry Duclos… Le temps de se décider, d’obtenir les informations, l’organisation de la tournée est lancée.

Mauvais timing, au mois de janvier 2020, la Chine se ferme pour cause de Covid… La première tournée prévue en 2020-2021 est annulée ; comme celle de mai 2022. « Cette fois nous avons pu réagir tôt, alors j’ai relancé une nouvelle tournée pour 2023, et j’ai dit à mon équipe qu’il n’était pas concevable que l’on annule une troisième fois, alors on s’est lancé », raconte Thierry Duclos. Mais, à l’automne 2022, il n’y a pas de visas pour sortir de Chine. Et il faut des billets d’avion pour déposer une demande ; et le moindre billet coûte 8 000 €… En décembre 2022, des signes d’ouvertures se font jour mais alors ce sont les pays occidentaux qui devant la flambée des cas de Covid en Chine ferment leur portes… Les billets sont encore à 3 000 €. Ils sont treize à voyager. « Nous avons acheté les billets à la mi-janvier, les prix avaient un peu baissé, et nous avons lancé l’opération. Début févier, la compagnie demandait ses visas ; le 12 février, elle avait confirmation ; le 21 février, elle était dans l’avion ! »

À Delta Danse, on reconnaît que « les théâtres nous ont vraiment fait confiance et je crois qu’ils nous ont été reconnaissants de ne jamais avoir baissé les bras ». Mais personne n’avait pris conscience qu’en Chine même cette première sortie d’une compagnie allait prendre une force symbolique telle que dans chaque pays de la tournée, les autorités officielles chinoises sont mobilisées, ainsi en France où Xie Xin tourne jusqu’à la fin mars… 

Philippe Verrièle

En partenariat avec La Lettre du spectacle n°534

Légende photo : Xiexin Dance Theatre

Crédit photo : D. R.

Média : Spark en relais de Tracks

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Feue l’identité visuelle de Tracks

Après 25 années d’antenne, Tracks a tiré sa révérence sur Arte France le 17 février. Dédiée aux mouvements culturels souterrains, l’émission était produite par Program 33. Onze salariés en CDI ont été licenciés, auxquels s’ajoutent trois intermittents, collaborateurs réguliers. La chaîne franco-allemande avait commandé en septembre le pilote d’une nouvelle formule, avant d’annoncer l’arrêt de Tracks fin décembre, sans trop d’explications. Le diffuseur réfléchirait à un nouveau rendez-vous.

Justine Gourichon, journaliste à la rédaction de Tracks depuis 13 ans, confie : « De nombreux professionnels de la culture se nourrissaient de cette émission, notre équipe a une expertise à mettre au service du public et de ces professionnels. » C’est pourquoi l’équipe licenciée s’est constituée en un collectif intitulé Spark, « agence de voyages dans le futur ». Elle vise à produire des contenus, à leur trouver des diffuseurs, mais aussi créer des événements ou des festivals. « Nous sollicitons des lieux pour y coproduire des expositions ou des festivals, nous souhaitons aussi créer des événements ayant vocation à être filmés. Nous sommes opérationnels quant à l’éditorial et à la production. Il ne nous manque que l’écrin », livre Justine Gourichon.

Lors du dernier Festival d’Avignon, Tracks avait par exemple réalisé, avec l’Adami, une troisième Nuit Immersive, soirée de performances et de déambulations. L’antenne allemande d’Arte continue de diffuser Tracks East, ici conçue à destination de l’Europe de l’Est. Un producteur allemand et un producteur français produisaient auparavant alternativement l’émission. Lancée en 1997, Tracks avait dès 2015 proposé ses archives en ligne et investi les réseaux sociaux. En 25 ans, le développement de ces derniers, de Youtube ou des chaînes de la TNT, a bouleversé la médiatisation des contre-cultures. 

Nicolas Dambre

En partenariat avec La Lettre du spectacle n°534

Légende photo : Feue l’identité visuelle de Tracks. 

Crédit photo : D. R.

Résidence : La Nuit caribéenne transposée en Finlande

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artistes en Laponie

Du 28 février au 10 mars, Ewlyne Guillaume, codirectrice du Centre dramatique Kokolampoe et Alfred Alexandre, responsable de l’agence d’auteurs Écritures théâtrales contemporaines en Caraïbe, ont quitté Guyane et Martinique pour la Finlande. Ils ont atterri en Laponie pour une première résidence d’écriture plateau financée par l’Institut français. Celle-ci est liée à l’adaptation de La Nuit caribéenne, d’Alfred Alexandre en un nouveau spectacle baptisé Un anniversaire avec les deux actrices nordiques Jenni Kallo et Niina Rinta-Opas, qui ont découvert l’an dernier le texte original au festival Les Tréteaux du Maroni organisé par la scène conventionnée Kokolampoe. « Avec Le Patron, qui suivait La Nuit Caribéenne, Un anniversaire constituera un triptyque, remarque Alfred Alexandre. Les personnages ont en commun d’être dans la nuit et d’attendre, comme dans En attendant Godot, on ne sait pas ce qu’ils attendent, c’est peut-être Dieu... »

L’alcool a ici pour fonction commune de « briser la glace », souligne Ewlyne Guillaume. « Il s’agit à chaque fois de personnages qui ont entre 40 et 50 ans, l’âge de faire des bilans et qui ressassent, radotent, remâchent, souligne Ewlyne Guillaume. Ici, en Finlande, avec le froid, l’alcool a une influence sociale considérable, il y a beaucoup de couches de vêtements sur les corps et sur les émotions ». Jenni Kallo décrit sa motivation : « Nous sommes d’anciennes acrobates, plutôt axées sur la comédie corporelle, ce qui nous a intéressées dans cette histoire, c’est son universalité, nous sommes tous humains, nous avons tous le même problème, dans chaque famille, il y a un ancien alcoolique. » Ewlyne Guillaume et Alfred Alexandre ont été accueillis au Théâtre de danse Rimparemmi de Rovaniemi, une petite ville de 65 000 habitants capitale de la Laponie. « Si tout se passe bien, la première de la pièce aura lieu en janvier 2024 à Helsinki, précise Jenni Kallo, et elle devrait être jouée en trois langues : finnois, anglais et français ». 

Nicolas Mollé

En partenariat avec La Lettre du spectacle n°534

Légende photo : Les deux artistes en Laponie.

Crédit photo : D. R.