Le double fond du « Moine noir »

    Le Moine noir

    Spectacle phare d’Avignon 2022, donné dans la cour d’honneur du Palais des Papes du 7 au 15 juillet (relâche le 11), Le Moine noir du Russe Kirill Serebrennikov se révèle hors normes pour plusieurs raisons. D’abord parce que cette adaptation d’Anton Tchekov, réflexion sur la subjectivité du récit et la relativité de la vérité, sera donnée en plein conflit russo-ukrainien. Pro-démocratie et pro-LGBT, Kirill Serebrennikov n’est pas en odeur de sainteté dans la Russie de Poutine, où il a déjà été assigné à résidence et condamné à de la prison avec sursis. En 2021, le festival d’Avignon était producteur délégué de son temps fort, La Cerisaie, de Tiago Rodrigues. Pour Le Moine Noir, c’est le Théâtre Thalia de Hambourg (Allemagne), où la première a eu lieu le 22 janvier, qui assume la production déléguée, d’un budget de 600 000 €, Avignon n’intervenant qu’en coproduction, notamment pour l’adaptation de la pièce aux dimensions de la cour d’honneur.

    « Notre intervention est de 300 000 €, précise Anne-Mathilde di Tomaso, directrice de production du festival. Cela couvre les frais techniques et de résidence, de production et une partie des salaires. » La semaine dernière, l’équipe de cinquante personnes est arrivée en résidence au Palais des papes depuis Moscou et Hambourg pour un temps de travail en amont des représentations. Les répétitions s’incarnent à travers acteurs, danseurs comme pour Outside, de Kirill Serebrennikov, donné en 2019 à Avignon, et même un chanteur d’opéra. Le Théâtre de la Ville prévoit quatre représentations du 16 au 19 mars 2023 du Moine noir, « dans le cadre d’un hors les murs prévu au Théâtre du Châtelet, précise Anne-Mathilde di Tomaso. Inna Solodkova du Gogol Center, qui soutient ce spectacle, doute qu’il soit donné à Moscou, « même la saison prochaine ». Une donne confirmée par Anna Shalashova, l’assistante de Kirill Serebrennikov. La raison ? « La guerre, énonce Anna Shalashova. Et notre théâtre à Moscou  s’annonce fermé pour toujours. »

    Nicolas Mollé

    En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°519

    Légende photo : Le Moine noir

    Crédit photo : Krafft Angerer