Scène nationale de beauvais : une nomination qui a du mal à passer

    Scène nationale de beauvais

    La nomination d’Emma Buttin, conseillère spectacle vivant de Rachida Dati, à la tête du Théâtre du Beauvaisis, scène nationale, a notamment entraîné la démission de l’ensemble des membres associés de l’association de gestion du théâtre.

    Le 1er octobre, la présidente de l’association gestionnaire et son vice-président ont démissionné le lendemain de l’annonce au conseil d’administration de la nomination d’Emma Buttin. Depuis, huit autres membres de l’association Comité de gestion du Théâtre du Beauvaisis (CGTB) ont claqué la porte, le 28 octobre. 

    Rififi au CGTB

    Suite à la démission de sa présidente, le CGTB avait délégué à une présidence transitoire d’organiser une assemblée générale. Les membres associés ont présenté deux candidats, mais une troisième candidature a été déposée la veille de l’AG, cette dernière a été « expressément initiée par le DRAC» (Le Parisien, le 29 octobre), disent-ils.

    Ce candidat, c’est Bruno Ory-Lavollée, voisin de Compiègne où il pilote le Festival des Forêts, mais surtout ancien directeur général de la Comédie-Française puis de l’Adami. « Ma candidature a le sens de la contribution à la continuité du service public dans les Hauts-de-France », nous a-t-il expliqué. « Elle était destinée à permettre une transition de se faire afin d’éviter un vide de gouvernance. C’était une candidature au conseil d’administration, à l’exclusion de la présidence. » Au sein du CGTB, 10 membres associés et 15 représentants des tutelles, membres de droit (État, région, département et agglomération). Ces derniers ne peuvent pas piloter l’association. En revanche, le jury de candidatures était lui composé de 5 représentants des tutelles, et 2 de la CGTB. 

    Quatre noms dans la short-list

    « Ce qui m’interroge le plus c’est qu’Emma Buttin était en poste au cabinet quand elle a candidaté », s’étonne Xavier Croci, actuel directeur de la scène nationale. « Le jury n’est donc pas complètement indépendant, deux personnes étant sous l’autorité de leur tutelle : la représentante de la DGCA et le DRAC. » Si l’expérience d’Emma Buttin est, dit-il, « respectable, elle n’a jamais été directrice ou sous-directrice d’une scène nationale. » Dans la short-list, on trouvait Mehdi Britt (chef du service spectacle vivant de la région Île-de-France), Joséfa Gallardo (directrice de La Rampe La ponatiere, Scène conventionnée danse et musiques à Échirolles), et Stephanie Féret (directrice adjointe, secrétaire générale du théâtre du Beauvaisis). Maïté Pinsard Rivière, devenue directrice du Théâtre de Lisieux en septembre, s’est retirée en cours de recrutement. Selon Xavier Croci, « à Beauvais, toutes les étoiles politiques étaient alignées, avec Caroline Cayeux (DVD), présidente de l’agglomération et principal financeur du théâtre), Xavier Bertrand (LR), président de la Région Hauts-de-France, et le maire Franck Pia (UDI) ». Il nous assure avoir interrogé la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), sur le cas de la conseillère ministérielle, sollicité le procureur de la République et le défenseur des droits.

    Selon un fin connaisseur de ces situations, le problème est dans le statut de la structure. « C’est une scène nationale financée à 80 % par les fonds publics, en réalité c’est un établissement public. Donc ce sont les collectivités qui font la loi. » En 2020, la Chambre régionale des comptes considérait : « en effet, que l’association actuelle, regroupement de personnes privées se cooptant entre elles, n’est plus adaptée pour gérer et animer un équipement culturel largement financé sur fonds publics et à rayonnement intercommunal, ainsi que le service public qui y est attaché. Elle recommande d’engager [...] une réflexion sur l’évolution du statut vers celui d’un établissement public de coopération culturelle. » 

    Propos recueillis par Jérôme Vallette

    En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°592

    Crédit photo : D. R.