Off 2021 : les théâtres en ordre dispersé

    Capital risque

    Signer des contrats de location avec les compagnies ou attendre, prévoir un nombre réduit de créneaux, baisser le prix des locations... autant de sujets auxquels les 130 lieux d'Avignon Off se préparent dans la plus grande incertitude à cinq mois de festival (du 7 au 31 juillet). L’annulation de 2020 a impliqué le report de quasiment tous les spectacles, sauf souvent ceux de compagnies étrangères. À l’Espace Alya et au Chapeau d’Ébène Théâtre, Raymond Yana, codirecteur, commente : « Nous n’avons pas encore envoyé de contrats pour 2021 aux compagnies françaises. Il ne serait pas raisonnable d’encaisser pour devoir peut-être le rembourser en avril. » Son association avait remboursé toutes les compagnies au lendemain de l’annulation du Festival d’Avignon.
    A contrario, le Théâtre du Roi René a déjà signé des contrats avec les producteurs et compagnies. Sa directrice, Hélène Zidi, précise : « Deux compagnies avaient demandé à être remboursées. Si le nombre de créneaux par théâtre doit être réduit pour aérer et désinfecter les salles, je ne crois pas que nous aurons à choisir quelle compagnie ne pourra pas jouer. Les plus fragiles économiquement choisiront d’elles-mêmes de ne pas se produire. Rien n’est arrêté sur le nombre de créneaux. »

    Désinfecter les salles ?
    L’association AF&C, qui coordonne le Off, travaille en effet sur un scénario dégradé du festival, avec des jauges réduites et davantage de temps entre chaque spectacle pour éviter les croisements de public et procéder au nettoyage des salles. Laurent Sroussi, directeur artistique du 11 Avignon, s’en étonne : « Je ne perçois pas la pertinence de désinfecter les salles : les sièges n’ont pas d’accoudoirs, les portes sont ouvertes, l’air est renouvelé… J’envisage plutôt des jauges réduites. Mais notre théâtre ne vend pas de créneaux aux compagnies calculés par rapport au nombre de fauteuils. Le prix du créneau ne baisse donc pas, d’autant que c’est nous qui portons l’essentiel du risque financier en cas de seconde annulation. » Seuls 15 des 24 spectacles prévus ici en 2020 sont reportés à 2021 et tous les contrats ont été signés. à l'Espace Alya, Raymond Yana envisage, pour sa part, une réduction du prix du créneau en fonction de celle des jauges, mais aussi en fonction des aides ou compensations touchées par les compagnies.

    Réduire les jauges ?
    Dans ses deux lieux extra-muros (95 et 180 places), la Manufacture est l'un des rares qui pourraient préserver ses jauges en augmentant la taille de ses gradins tout en maintenant une distanciation entre spectateurs. Son président, Pascal Keiser, indique : « Avec 28 salariés sur trois sites et des infrastructures lourdes, le coût de nos théâtres en ordre de marche n’est pas compressible. Nous ne pouvons pas baisser le prix de la location avec des prix de places très abordables. » 35 compagnies sont en cours de contractualisation, avec une clause Covid en cas d’annulation.
    Marion Bierry, directrice du Théâtre du Girasole, signera ses contrats « lorsque l’on saura si le Off a lieu et dans quelles conditions. J’étudie une baisse du prix du créneau, afin d’être solidaires, en espérant des aides des tutelles. » Une des huit compagnies programmées (étrangère) n’a pas souhaité reporter son spectacle à 2021. Quant à réduire le nombre de spectacles, Marion Bierry refuse « de faire des choix cornéliens. Je procéderai par antériorité des projets qui nous ont été présentés. » En laissant plus de temps entre chaque créneau, le dernier spectacle pourrait débuter à 21h25 au lieu de 20h30.
    Les théâtres avignonnais espèrent que le gouvernement et la préfecture éclairciront les règles du jeu le plus tôt possible. Ils se demandent aussi si le public sera au rendez-vous. Laurent Sroussi veut y croire, lui qui dirige aussi le Théâtre de Belleville à Paris : « J’y ai vu une exceptionnelle envie des spectateurs de retourner dans les salles, mais le public avignonnais est plus âgé et donc plus à risques. Un Off constitué que de professionnels ferait perdre l’essence du théâtre, la confrontation entre des artistes et un public. »

    Nicolas Dambre

    En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°487

    Légende photo : Capital risque, de la Compagnie des Lucioles, reportée au Off 2021, au 11 Gilgamesh

    Crédit photo : Simon Gosselin