Musique : « L’année de tous les dangers »

    Nicolas Bucher

    Entretien avec Nicolas Bucher, président de Profedim, Syndicat professionnel des producteurs, festivals, ensembles, diffuseurs indépendants de musique.

    Réclamez-vous la réouverture des lieux de diffusion avec celle des musées ?
    Nous avons signé par solidarité le courrier à l’initiative du Syndeac sur lequel se sont alignées les collectivités territoriales. Oui, nous demandons la réouverture des lieux. En janvier, il y a eu un des sons de cloche différents chez Profedim. C’était un effet de dépression de l’hiver. Aujourd’hui, plus personne ne doute de la nécessité d’ouvrir, y compris avec des jauges très dégradées. La fermeture intégrale commence à être pesante. Et on se pose la question de sa validité. On pourrait comprendre que les musées ouvrent avant, mais on ne doit pas poser la question de la réouverture des musées sans un calendrier pour les salles.

    Que pensez-vous des propositions de Roselyne Bachelot sur les festivals ?
    Les réponses sont à destination des gros festivals de musiques actuelles. On est ravi qu’ils aient des embryons de réponses. C’est un acte politique fort, un des meilleurs qu’on ait vu depuis un moment de la part de la ministre. Elle a un effet psychologique plutôt que technique pour nos adhérents qui sont loin de la question de 5 000 spectateurs debout. Mais c’est bienvenu de savoir qu’on va préparer l’été. Ce n’est qu’un début de chemin. Il faudrait beaucoup plus sur les festivals.

    C’est ce que vous attendez des états généraux ?
    Nous sommes ravis que des états généraux se déroulent, même si nous avons eu des réserves sur la rencontre d’Avignon et que nous trouvons que la concertation d’avant-Bourges met du temps à se mettre en place. La conclusion des états généraux dessinera les contours d’une politique pour 2022. Mais que fait-on pour 2021, année de tous les dangers ? Si le soutien des collectivités territoriales est plutôt favorable aux festivals, on entend aussi des collectivités qui disent « ça va être difficile, utilisez les restes de subvention de l’année dernière ! ». Un autre élément est l’effondrement des soutiens de l’Adami et de la Spedidam. Ils sont quasiment réduits à zéro. Profedim plaide pour un crédit-relais sur 2021 si on ne veut pas que les festivals soient mis en danger.

    Ne comptez-vous pas sur le fonds de secours aux festivals ?
    On ne sait toujours pas comment ce fonds sera réparti. Nous en attendons la déclinaison en DRAC [10 M€ annoncés en octobre] et celle du plan de relance. On ne peut pas attendre avril, alors que certains festivals commencent au printemps. Nos festivals sont vertueux économiquement. Leurs programmateurs peuvent être amenés à ne pas prendre trop de risques financiers, ce qui est à mettre à leur crédit. Le pire des scénarios serait d’avoir des sous-programmations par précaution, des festivals constitués de duos et de trios. Nous avons très peur de cela.

    Dans quel état sont les ensembles musicaux ?
    Les situations sont très différentes. En ce début 2021, la plupart des ensembles ne sont pas dans un danger mortel. Les mécanismes d’indemnisation et de compensation ont été plutôt efficaces pour les maintenir hors de l’eau. Ceux qui ont le plus souffert sont ceux qui avaient une politique internationale où les compensations n’ont pas été les mêmes. Et aussi les plus jeunes ensembles qui travaillent sur des effectifs importants. Les ensembles qui fonctionnent à un niveau national, plus anciens, ou ceux en émergence, s’en sortent. C’est sur 2021 et la reprise que l’inquiétude est la plus grande.

    Cette inquiétude porte sur la relance ?
    Nous avons du mal à nous projeter et à y voir clair dans le plan de relance. C’est certes beaucoup d’argent : 30 M€ répartis au niveau des DRAC dont 8 à 10 M€ pour les ensembles artistiques. Nous avons des propositions claires, en association avec la Fevis. Il faut profiter de cette période pour mettre en place des mécanismes vertueux, à travers notamment les aides aux résidences. De l’argent nouveau arrive dans les DRAC, mais on a du mal à voir la manière dont se mettent en place les dispositifs. Nous voulons une politique ambitieuse d’aide à la coproduction et à la diffusion qui dépasse notre écosystème. Par un système de bonus, il faut inciter le réseau pluridisciplinaire (théâtres lyriques, théâtre de ville...) à augmenter leur part de musique savante dans la programmation. Nous réclamons cela à cor et à cri depuis début octobre. De nombreux théâtres sont derrière nous sur cette idée de bonus.

    Propos recueillis par Yves Perennou  

    En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°489

    Crédit photo : Pascal Le Mée