« Moi, Kadhafi » interroge les mécanismes de l’assimilation

    Moi, Kadhafi

    L’équipe de Moi, Kadhafi de Véronique Kanor peaufine actuellement la structuration technique de cette pièce qui doit être donnée du 7 au 30 juillet au Théâtre des Halles, à Avignon. « Beaucoup de choses ont changé depuis la lecture qui y a été effectuée l’an dernier, souligne Serge Abatucci, l’interprète principal. Désormais, Paul, le personnage antillais qui a accepté d’incarner Kadhafi au théâtre, du fait de sa ressemblance physique avec le leader anti-impérialiste, arrive sur scène avec un baluchon qui contient des oripeaux tels qu’une veste militaire, une casquette, un chèche, des lunettes de soleil. Le baluchon va devenir un costume, une sorte de toge. »

    Paul va ensuite se livrer à un monologue intérieur extériorisé sur scène dans lequel s’imbriquent les notions de passage de l’enfance à l’âge adulte, d’assimilation envisagée comme une dévoration équivoque ou les ambiguïtés de l’éternel combat manichéen entre le bien et le mal au niveau géopolitique. « Lorsqu’on entend le lapsus de George Bush qui confond Irak et Ukraine, on se demande si il le fait exprès, si c’est réel, poursuit Serge Abatucci, il y a aujourd’hui un peu partout un grand retour de l’autocratie et de l’extrême droite, 60 à 70 % des ressortissants des DOM-TOM ont voté Marine Le Pen en plein mois de la commémoration des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leur abolition, un non sens absolu. Les gens sont dans un égarement total  car si on veut protester, on reste chez soi. »

    Mise en scène et scénographiée par Alain Timar avec Alfred Alexandre à la dramaturgie, la pièce a été produite par le Centre dramatique Kokolampoe de Saint-Laurent-du-Maroni, en Guyane. « Ils sont vraiment moteurs culturellement ici, souligne David Jurie, DG adjoint, en charge de la culture et du patrimoine de cette ville qui a vu sa population passer de 8 000 à 100 000 habitants en vingt ans. Nous avons des réflexions communes sur la formation des techniciens, le matériel. » Sur les 1,7 M€ qu’elle consacre à la culture, la Ville alloue annuellement 150 000 € de subventions à cette scène conventionnée d’intérêt national, un effort important face aux dépenses que nécessite une jeunesse en pleine explosion en Guyane : Saint-Laurent-du-Maroni compte 32 écoles et en construit deux par an en moyenne.

    Nicolas Mollé

    En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°517

    Légende photo : L’acteur principal Serge Abatucci co-dirige aussi le centre dramatique Kokolampoe. 

    Crédit photo : Pascal Gely