Institut français : « Penser les projets de façon hybride avec le digital »

    Gaëlle Massicot-Bitty

    Entretien avec Gaëlle Massicot-Bitty, responsable du pôle artistes et professionnels au département développement et coopération artistiques de l’Institut français

    Quelle réponse a été apportée par l’Institut français au blocage de la circulation des artistes ?
    L’année 2020 nous a obligés à repenser notre action et à réfléchir à de nouveaux formats avec le réseau et les équipes artistiques. Vous savez que nous favorisons la mobilité des professionnels étrangers à travers les focus. Aux Nouvelles Zébrures d’automne, à Limoges, nous avons réussi à mobiliser quelques programmateurs d’Europe et d’Afrique et nous avons filmé des spectacles ainsi que des présentations de projets d’artistes. Un mois plus tard, nous avons monté un focus virtuel, permettant aux professionnels d’accéder aux spectacles captés et aux rencontres professionnelles. Cette alternative nous a permis d’avoir une réponse inclusive. Autre exemple avec le festival Next (Hauts-de-France) qui n’a pas pu se tenir. Nous avons eu une version totalement numérique, grâce au partenariat avec la Région Hauts-de-France, pour présenter les artistes, dans des spectacles sans public, pour des programmateurs majoritairement européens.

    Comment envisager l’avenir ?
    Il y a une mobilisation pour maintenir les liens avec équipes artistiques, penser les projets de façon hybride. Nous avons ainsi repris Relance Export avec des projets qui commencent en digital. C’est le cas avec la Biennale de la danse de Cali, en Colombie, qui a invité de jeunes chorégraphes. Le projet va commencer dès avril sous forme digitale et pourrait se poursuivre sur place. Pour le dispositif « La Collection », qui est un catalogue de formes légères, avec différentes institutions françaises, en 2021, nous l’organisons en deux temps, avec un catalogue sur le premier semestre où les projets peuvent être aussi en format numérique. Par exemple, on s’est associé avec Klap, à Marseille et la commande de Michel Kelemenis de pièces de 10 minutes. Klap a capté ces spectacles et l’Institut français au Mexique va en diffuser les contenus. Quand les frontières seront ouvertes, Klap passera commande à des chorégraphes français pour des formes jouées en plein air, par exemple, au Maroc. La question est en effet aussi d’adapter pour le plein air des spectacles prévus pour la salle. L’Institut français en Chine a proposé le festival French Waves, en juin, avec la chaîne Tencent Art, pour des spectacles surtitrés en chinois. En deux mois d’exploitation, elle a touché 3,12 millions de spectateurs. Nous sommes partenaires en Chine pour déployer à nouveau ce contenu. Avec le Festival Expériences du Festival d’Avignon et à l’initiative du service culturel aux états unis, on a développé des contenus pour les étudiants des classes d’arts américaines. Nous regardons aussi, avec Avignon, de nouveaux usages avec la Corée du Sud grâce à un partenariat avec une plateforme payante, offrant des contreparties financières. C’est le début d’une réflexion sur le point d’équilibre financier et la rémunération des artistes.

    Comment se présentent les focus de la Biennale de Lyon et d’Avignon ?
    On réfléchit avec Dominique Hervieu pour Lyon, à avoir une alternative possible, avec des propositions numériques, certainement dans un dispositif hybride. On est sur ce projet avec l’ONDA. Rien n’est encore fixé. De même avec Avignon. Maintenant, nous avons  l’expérience de Limoges et Next, et nous savons que cela peut marcher. Ensuite, chaque focus est construit avec les partenaires.

    A plus longue échéance, quels sont les événements prévus ?
    On sent bien le besoin des artistes français d’échanger avec des partenaires étrangers. Plus tard dans l’année, il est prévu que Thomas Lebrun aille au Brésil pour une création, de même Amala Dianor en Inde. Nous avons aussi un grand projet avec Eleusis, en Grèce, capitale européenne de la culture. Il y en a d’autres comme la tournée de Congo Jazz band (Hassane Kouyaté), celle de Farm fatale (Philippe Quesne) et Un Ennemi du peuple (Jean-François Sivadier), celle d’Akzak (Héla Fattoumi et Éric Lamoureux). On sait aussi que quand la mobilité reprendra, il y a aura des quatorzaines donc un coût supplémentaire pour les équipes. Nous travaillons sur l’accompagnement. On a acté une programmation 2021 et on sait qu’elle va devoir s’adapter. L’important c’est de garder le contact avec les créateurs et que le réseau culturel garde le lien avec la scène française.

    Propos recueillis par Yves Perennou

    En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°488

    Crédit photo : D. R.