Hip-hop : les pionniers du rap face à l’explosion du genre

    Une vue du site de Transfert

    Le festival de musiques hip-hop Reboot fera ses premiers pas à Rezé, près de Nantes, les 11 et 12 octobre, avec 25 artistes de différentes générations et origines dont Hocus Pocus, Neg Marrons, Lla &Ce... L’association nantaise Pick up production divise son événement Hip Opsession qu’il a créé il y a 15 ans en une séquence dédiée à la danse qui aura lieu au printemps dans différentes scènes de l’agglomération et ce nouveau week-end principalement rap. 7 000 à 8 000 personnes sont attendues sur la friche artistique Transfert, à Rezé. Pick Up Production combine ainsi le projet culturel participatif de la friche Transfert et une adaptation à l’évolution économique du rap. Interrogé sur le décalage entre la popularité de la musique rap et sa programmation par les scènes publiques, le programmateur de Reboot, Pierrick Vially, répond que la tendance est en plein retournement, ce qui place dans une situation paradoxale les passionnés de hip-hop. Depuis des années, ceux-ci programment du rap « contre vents et marées ».

    Aujourd’hui, ce genre musical a envahi les scènes de musiques actuelles et les festivals généralistes en font la base de leur programmation. « Nous avons été snobés pendant de nombreuses années, observe-t-il. Aujourd’hui, le rap est partout. On s’est battus pour cela, mais c’est une difficulté pour nos logiques associatives. On n’a plus les moyens de programmer certains artistes. Un rappeur peut devenir rock star en 6 mois avec deux projets en format court, sans album, et remplir un Zénith sur son seul nom. Et certains artistes rap refusent d’être dans des festivals comme les nôtres. » Hip Opsession doit s’adapter à ce contexte, mais veut éviter de faire payer cette inflation aux festivaliers. « L’idée est de garder une grande dynamique danse sur 10 jours. Autour de notre événement phare du battle (au printemps), nous proposons des créations, des espaces d’échanges libres, des espaces d’initiations, des conférences, du payant, du gratuit... Pour l’automne 2020, l’intention est de construire une semaine sur les musiques hip-hop (conférence projections, ateliers, gratuité) qui se terminera sur un week-end avec programmation payante. »

    Pick Up Production ne veut pas se focaliser sur l’événementiel et conserve une dimension informative, pédagogique. Cette structure est l’un des initiateurs du réseau Buzzbooster qui, depuis une dizaine d’années, soutient les jeunes artistes et aide à la diffusion. Questionné sur les hésitations des programmateurs face à des popularités qui font feu de paille, Pierrick Vially répond : « On discute souvent de ces questions avec les programmateurs de musiques actuelles. Il y a en ce moment une complexité et un renouvellement des artistes qui n’est pas forcément négatif. Nous avons aussi un travail de pédagogie auprès de la scène émergente car, de plus en plus, les artistes se voient eux-mêmes dans des logiques éphémères. »

    Yves Perennou

    En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°456

    Légende photo : Une vue du site de Transfert, à Rezé
    Crédit photo : Pat and Patate