Gestion de droits : enjeux de la directive droit d’auteur

    Linda Corneille

    La transposition de la directive sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché numérique unique apparaît comme providentielle pour les sociétés d’auteurs. Même si elle était prête depuis deux ans. La pandémie et ses phénomènes de réclusion forcée ont, en effet, favorisé la consommation de culture en ligne. La Sacem a lancé des répartitions spécifiques destinées à rémunérer les concerts, sets de DJ et sketches (secteur qu’elle se partage avec la SACD) des artistes ayant investi gratuitement la toile pendant le confinement. Avec pour seule condition que les diffusions soient « événementielles » et uniques sur Internet tout en ayant recueilli un minimum de 10 000 vues. Bob Sinclar a réuni plus de six millions de personnes en direct le temps d’un DJ set, le concert d’une heure de Jean-Louis Aubert sur Facebook a généré deux millions de vues.

    Sur Instagram, propriété de Facebook, 850 000 fans de hip-hop du monde entier ont assisté au duel de DJ Premier et de RZA. On est loin des niveaux de fréquentation générés quotidiennement par YouTube en France, qui se comptent en milliards de vues, même si une grande partie des flux d’images et de sons qui y transitent échouent à se transformer en rémunération pour les auteurs-compositeurs. « Il est certain qu’on a vécu une réelle accélération sur Internet pendant le confinement », confirme David El Sayegh, secrétaire général de la Sacem. « Mais les retombées, s’agissant des revenus, mettront du temps à devenir concrètes, il faut être patient. Ce boom du numérique n’a pas compensé la chute de plus de 60 % de ce qui était généré par le spectacle vivant. La Sacem a beaucoup souffert pendant la crise sanitaire, avec une baisse de 11 % de ses recettes. Nous sommes certains que 2021 ne sera pas une bonne année. Nous paierons six mois d’arrêt pendant un an à un an et demi. »

    Forfaits
    Le théâtre, lui, est beaucoup moins interconnecté au Web. Sur YouTube, certaines pièces référencées peuvent facilement atteindre les dizaines de milliers de vues mais le streaming reste ici une pratique marginale. Nombre de mairies ou compagnies ont voulu rendre disponibles, pendant la crise sanitaire sur leurs sites Internet, des captations à titre gratuit. La SACD s’est pliée à cette demande. « Le buy-out, ce système forfaitaire anglo-saxon d’où le droit moral est absent, qui considère la culture comme un bien commercialisable, est basé sur la rentabilité de l’œuvre. Il est très différent du droit latin, qui privilégie l’auteur, la création », rappelle Linda Corneille, directrice du spectacle vivant et de l’action culturelle à la SACD. Pourtant, une brèche a été ouverte le temps du confinement avec la définition de quatre types de forfaits pour la « diffusion audiovisuelle temporaire d’un spectacle ». 260 demandes d’autorisations de diffusion à titre gratuit sont parvenues à la SACD à partir d’octobre 2020. « Mais, depuis l’annonce de la réouverture officielle des salles, on constate un important tassement des demandes d’autorisations », conclut Linda Corneille.

    Nicolas Mollé

    En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°497

    Légende photo : Linda Corneille

    Crédit photo : E.R. Espalieu