
Scène Ensemble est né le 1er janvier de la fusion du SNSP et de Profedim. Le nouveau syndicat a fait le choix d’une coprésidence portée par Céline Portes et Vincent Roche-Lecca.
Quel est le poids de Scène Ensemble six mois après sa création ?
Vincent Roche-Lecca : Nous approchons aujourd’hui les 500 membres, avec des typologies d'acteurs et d'actrices du spectacle vivant subventionné très divers. Du coup, nous avons une approche un peu plus d'ordre de la filière, entre des ensembles artistiques, des scènes permanentes, des festivals...
La coprésidence s’est-elle imposée comme une évidence ?
Céline Portes : C'était une évidence et une nécessité, car il y avait toute une confiance à créer en tant que syndicat unifié. Il fallait rassurer nos adhérents sur le fait qu'on ne perdrait aucune technicité dans nos expertises. C’est absolument passionnant, car nous retrouvons comme le dit Vincent le sens d'une filière du spectacle vivant avec les producteurs, les diffuseurs, et tout le sens de nos interdépendances dans cette filière. Cette coprésidence représente aussi cette chaîne.
Pourrait-on envisager d’autres rapprochements ?
V. R.-L. : J’espère que certains vont y voir un signal pour venir toquer à la porte ! Nous arrivons au bout d'un système d'organisation du spectacle vivant, dans un secteur, une branche, assez balkanisée, peuplée de microentreprises et de chapelles. C’est aussi le sens de l'histoire de ce secteur, qui va devoir se serrer les coudes. Mais la peinture est encore très fraîche chez nous et ce sont des choses qui se discutent sur le long terme. Il y a aussi des familiarités déjà existantes avec les Forces musicales et le Syndeac, avec lesquels nous sommes regroupés au sein de l'USEP-SV.
C. P. : On peut toujours imaginer ouvrir plus loin, mais il faut déjà stabiliser Scène Ensemble. Nous avons déjà doublé, triplé, le spectre des thématiques et des enjeux à prendre en charge. Nous sommes plus forts ensemble, mais est-ce qu'il faut devenir toujours plus gros ? Vincent a raison d’évoquer l’USEP-SV parce que nous avons de vrais combats en commun.
Vous avez une feuille de route avec cinq axes. Mais si vous deviez choisir, lequel serait prioritaire ?
V. R.-L. : Nous pesons un vrai poids économique et c’est très bien d'avoir argumenté là-dessus, mais peut-être a-t-on un peu perdu de vue à quoi sert le service public de la culture. Le combat prioritaire, peut-être, serait de retrouver une petite musique séduisante à l'oreille pas seulement des spectateurs, mais aussi des décideurs et d’autres secteurs d'activité. Nous manions de l’argent public, ça coûte, mais ce n'est pas forcément le nombre d'entrées que l’ont fait qui est l’alpha et l’oméga. Derrière, c'est une société plus fraternelle, plus apaisée.
C. P. : Nous devons réaffirmer vraiment la question de l'intérêt général dans le service public de la culture.
L’un des points de tension actuel est la baisse, parfois même l’effondrement du soutien des collectivités, pour des raisons parfois économiques, mais parfois aussi très politiques. Que comptez-vous faire ?
C. P. : En effet, c'est assez vertigineux. Évidemment, il y a la question de la compétence partagée qui va être notre sujet prioritaire, même si le débat n'est pas forcément à notre avantage en ce moment, car des collectivités ont déjà fait le choix de dire que la culture ne les concerne plus. Il va falloir interroger le législateur.
V. R.-L. : On doit également renforcer le dialogue avec les élus locaux convaincus, qui peuvent faire contagion chez d'autres ou servir de boussole. Nous pouvons agir plus fortement auprès de leurs fédérations.
Êtes-vous inquiets à l’approche des élections municipales ?
C. P. : Extrêmement inquiets. Nous regardons les cartes et nous voyons quelles collectivités pourraient basculer dans une zone de non-dialogue. Ce qui a changé, c'est que nous avons une extrême droite aujourd’hui armée idéologiquement, sur ce que devraient être aujourd'hui la proposition et l'offre culturelle de services publics. Il va falloir batailler sur le terrain des programmes, ce qui n'était pas le cas avant. Cela va nous obliger à préciser aussi certaines positions, à préciser exactement notre vision du service public de la culture.
Il y a l'extrême droite, mais on voit que certaines idées et postures ont essaimé dans la droite traditionnelle.
C. P. : Nous avons en effet un discours de remise en question plus généralisé sur la nécessité même de la culture. Avec Christelle Morançais par exemple, nous avons une vision très claire de ce que devrait être la culture : un divertissement pur et simple, rentable, avec une vision commerciale. Et c’est vrai que l’on ne s'attendait pas à ces attaques-là de ce spectre politique.
V. R.-L. : Nous serons impactés dès la saison prochaine par ces municipales. Je me souviens de 2014 : dans les mois qui ont suivi, de nombreux directeurs de théâtres de ville ont été débarqués…
Propos recueillis par Bruno Walter
En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°585
Légende photo : Céline Portes et Vincent Roche-Lecca
Crédit photo : D. R.