Festivals : le cadre imposé suscite surtout du mécontentement

    Jazz à Vienne

    Après le cadre fixé par le 18 février par la ministre de la Culture pour les festivals d’été, les Vieilles Charrues ont annoncé un nouveau format : 10 jours de concerts pour 5 000 personnes assises et distanciées, signe que le festival avait anticipé. Tout comme Pause Guitare, à Albi, qui avait dédoublé sa programmation sur deux semaines et investi dans des gradins. Les Francofolies de La Rochelle maintiennent les concerts en jauge limitée. Pour d’autres, s’adapter de la sorte est inenvisageable. Garorock et le Hellfest ont annulé. Les Eurockéennes (130 000 spectateurs) pourraient faire de même, leur directeur, Jean-Paul Roland, dénonçant, sur Publicsenat.fr : « Ce ne sont pas des spectateurs qu’on pose assis comme des Playmobils à deux mètres de distance pendant huit heures, et on les ressort. Nous, on fabrique de l’interaction sociale ». Au Foin de la Rue (Mayenne) n’organisera pas d’édition 2021, la jauge de 5 000 personnes assises lui semblant incompatible avec l’identité du festival et des spectateurs âgés en moyenne de 25 ans. Beaucoup de manifestations plaidaient pour un prorata en pourcentage de la jauge plutôt qu’un seuil de 5 000 individus sans justification sanitaire.
    Lisa Bélangeon, coordinatrice du festival mayennais, et élue du Syndicat des musiques actuelles, déclare : « Une saison culturelle aura lieu, mais pas des festivals au sens où on les entend dans les musiques actuelles. Aucune date de reprise n’est fixée, elle semble liée à celle de la réouverture des lieux culturels. Sur les bars et la restauration, pas de réponse non plus. Nous nous étonnons qu’il n’y ait pas de distinction entre événements en intérieur ou en extérieur. »

    Artistes : s’adapter ou pas
    Le Syndicat des producteurs, diffuseurs et salles de spectacles (Prodiss), dénonce « la jeunesse française sacrifiée » et défend vaccinations et pass sanitaire « qui permettraient à tous les festivals d’avoir lieu cet été ». Béatrice Desgranges, directrice de Marsatac, confie : « Le plus précieux est de maintenir la promesse d’un rendez-vous. Nous n’avons pas encore trouvé la formule, mais Marsatac restera électro, urbain et festif. Et nous n’empêcherons pas les spectateurs assis de se lever, nous veillerons surtout à la distanciation, qui doit être précisée. » L’événement marseillais, prévu en juin, pourrait décaler ses dates. Le festival Jazz à Vienne (du 23 juin au 10 juillet) s’adaptera plus facilement que d’autres car la moitié des concerts au Théâtre antique sont en formule assise, l’autre en assis-debout (7 500 spectateurs). Benjamin Tanguy, son directeur artistique, observe : « Cela pose plein de questions, notamment sur nos recettes propres, mais aussi côté artistique. Beaucoup de groupes internationaux préfèrent reporter leur venue à 2022 plutôt que de réfléchir à un projet plus léger où à des cachets moindres ». Heureusement, plusieurs artistes français proposent des formules adaptées, comme le rappeur Disiz la Peste en piano-voix, ou l’artiste électro Rone en formule symphonique. À Brest, le festival électro Astropolis a demandé aux artistes programmés d’adapter leurs prestations scéniques à un public assis.

    Festivals ou concerts
    Angelo Gopee (Live Nation France), qui organise le Main Square festival, à Arras, estime qu’il ne faut pas confondre festival et série de concerts en plein air : « Cette décision politique – en total contradiction avec le discours rassurant du président de la République – va sacrifier pour l’été l’essentiel des esthétiques musicales contemporaines ». Il réclame des éclaircissements rapides sur l’articulation des aides. Au Festival interceltique de Lorient (FIL), Lisardo Lombardia, directeur général, est optimiste : « Le FIL est un événement pluridisciplinaire loin des festivals en espace clos. Les gens y déambulent en ville comme le reste de l’année et nous pourrons utiliser le parc central de la ville. La grosse difficulté concernera les bals, s’il n’est pas possible d’être debout et de se toucher… Mais je pense que la situation s’améliorera d’ici l’été. »

    Nicolas Dambre  

    En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°489

    Légende photo : Jazz à Vienne

    Crédit photo : Daniel Durand