Fabrice Roux : « Je souhaite des aides plus importantes pour les indépendants »

    Fabrice Roux

    Fabrice Roux, directeur-gérant de L’Archipel (cinéma et salle de musiques actuelles et de théâtre), à Paris, président de la société de production Happyprod, vient d’être réélu pour 3 ans à la tête de La Scène indépendante, qui représente des entrepreneurs de spectacles. Fervent défenseur d’aides spécifiques pour les plus petits indépendants, l’activation des aides à l’emploi dès 1 artiste sur scène, il évoque aussi la nouvelle gouvernance de l’ASTP dont le conseil d’administration du 11 juin (après notre bouclage) devait désigner les représentants du conseil professionnel et élire de la présidence de l’association.

    Vous avez signé un communiqué avec Ekhoscènes saluant la réforme de l’Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP) alors que vous avez été très critique pendant le processus.
    Nous avons atterri sur quelque chose qui nous convient. Auparavant, il y avait trop peu de bénéficiaires et des inégalités de traitement. J’ai appelé de mes vœux une modification, et pas que de la gouvernance. L’inspection générale des affaires culturelles (IGAC), dont nous avions demandé le rapport, a rendu ses conclusions. C’est un système qui ne prenait pas en compte les évolutions naturelles que le métier avait vues. Il y avait des dysfonctionnements. Il fallait redistribuer les cartes. La direction d’Ekhoscènes a participé à faire évoluer les choses. 

    Vous êtes donc satisfait de la nouvelle architecture de gouvernance ?
    Oui. En bonne intelligence, nous avons réussi à la changer. Nous représentons 10 % du conseil d’administration de l’ASTP, et Ekhoscènes 90 %. Aujourd’hui, nous sommes dans un autre rapport, avec la montée en puissance de l’État et de la Ville de paris, et l’entrée des salariés, des organismes de gestion collective. Les relations avec Ekhoscènes se sont apaisées. Désormais, l’ASTP est plus ouverte, plus transparente. Ça s’annonce bien pour la suite. Nous allons tout faire pour accoucher de la réforme des aides.

    Vous voulez des aides spécifiques pour les indépendants ?
    Oui. Nous avons le droit de réclamer des aides spécifiques pour les indépendants — qui n’ont que leur banque et le droit de tirage pour eux. Je ne suis pas contre les groupes, je suis pour qu’on revoie l’organisation du partage des aides afin qu’il y ait des lignes budgétaires plus importantes pour les indépendants qui n’ont pas de filet de sécurité. 

    Quand aboutira cette réforme des aides ?
    On est bien parti pour faire voter les choses en décembre avec des dispositifs plus justes, avec l’accent sur l’aide à la diffusion, à l’emploi, à la création. Je suis aussi pour qu’il y ait une aide au déficit, mais seulement pour les entreprises, pas pour les projets. Là, l’ASTP est à la fois l’endroit où apaiser les choses et servir de laboratoire pour le futur. Car il faut s’élever un peu au-dessus de la mêlée pour regarder l’intérêt de la filière. Par exemple, il n’est pas normal que seule la ville de Paris contribue au financement de l’ASTP, les autres grandes villes doivent aussi le faire. Sur ce sujet du financement de l’ASTP, je reste sidéré qu’on n’ait pas encore déplafonné les recettes de la taxe [cette année le plafond est de 8,5 millions d’euros, NLDR]. On devrait d’ailleurs aussi déplafonner les recettes de la taxe qui financent le Centre national de la musique. On a fléché un impôt pour que nos filières se développent, il ne faut pas freiner ni limiter ce développement.

    Et les crédits d’impôts ?
    On peut se satisfaire que cela ait été remis dans le budget cette année. Mais ça me gêne que des esthétiques comme la danse ne puissent y émarger. Je me battrai pour ça. Et ce qui ne fonctionne pas non plus, ce sont les inégalités de traitement entre la musique et l’humour (crédit d’impôt dès un artiste sur scène) et le théâtre (où il faut être 6 sur scène au moins). Il n’y a aucune raison à cela. Aujourd’hui, tout le monde fait tout, on n’a pas vraiment de raison d’entretenir des différences de traitement entre différentes esthétiques : nous voulons l’égalité de traitement. Pourquoi cela existe-t-il pour l’humour et la musique et pas pour le théâtre ?

    Le Centre national de la musique a un nouveau président…
    Je suis très heureux des rendez-vous que j’ai eus avec Jean-Baptiste Jourdain [nouveau président, NDLR] qui connaît très bien le secteur. Nous avons de notre côté un discours franc et direct : le rabiotage sur le droit de tirage, cela ne me convient pas. On a touché à ça et on a un peu l’impression qu’on est devenu une variable d’ajustement. Je ne désespère pas de le faire revenir là-dessus. Il ne faut pas toucher au 65 % [jusque-là, le produit de la taxe billetterie du CNM était reversé aux producteurs de live à 65 % et les 35 % restants répartis à toute la filière via les aides sélectives. Ce droit de tirage est passé à 60 %, soit 2,7 millions d’euros en moins]. J’ai des adhérents qui ont besoin de ces droits de tirage, car ils font énormément de développement d’artistes. Ceux qui investissent en plus sur l’émergence, il faut les accompagner. Et sans doute faut-il accompagner davantage les indépendants que les groupes, car ce sont souvent des découvreurs de talents. Concernant les aides sélectives, je pense que le nouveau règlement élaboré est très compliqué. Il faut le simplifier. On doit pouvoir organiser des aides triennales. On connaît les producteurs, certains déposent 30 demandes d’aides. Il faut faire des canaux directs, aller plus vite, plutôt que de redemander à chaque fois les mêmes pièces, etc. 

    Votre syndicat représente aussi des producteurs d’humour ?
    Oui, cela me tient très à cœur — nous avons 103 producteurs d’humour. Je suis pour qu’on crée une commission création-diffusion particulière pour l’humour avec des producteurs qui savent de quoi ils parlent. C’est un genre en permanence en croissance, et il faut créer les conditions pour que les producteurs se rejoignent. Nous avons créé les Augustes de l’humour à Lille, un énorme succès, et cette manifestation a vocation a être diffusée sur France Télévisions. À partir de 2026, j’aimerais qu’on crée un marché professionnel (stands, showcases) sur 2-3 jours autour de cette manifestation. 

    Et le Fonpeps ?
    On continue de vouloir que dispositif de soutien à l’emploi du plateau artistique de spectacles vivants diffusés dans des salles de petites jauges (APAJ) soit applicable, dès une personne sur scène et non de 3 personnes comme actuellement. Car nous sommes dans de petites salles. A Avignon, je crois que 900 spectacles ont moins de 3 artistes sur scène. Dans les chiffres, c’est l’aide à l’embauche en CDI ou en CDD dans le secteur du spectacle (AESP) qui mangeait beaucoup des crédits du Fonpeps, avec des postes administratifs qui sont devenus permanents. Or, le Fonpeps est d’abord une aide à l’emploi des artistes et techniciens. Une des solutions pourrait être de limiter l’APAJ aux jauges les plus petites, par exemple pour les salles de moins de 250 personnes (aujourd’hui moins de 500), dès un artiste sur scène. 

    Propos recueillis par Jérôme Vallette

    En partenariat avec La Lettre du spectacle n°584

    Légende photo : Fabrice Roux

    Crédit photo : Alexandre Dinaut