Dans l’espace public, les artistes en mode « furax »

    Furax

    Depuis fin septembre, le mot-dièse #culturefurax tourne sur les réseaux sociaux. Son lancement fait suite à l’annulation de la Journée singulière des Rencontres d’ici et d’ailleurs qui aurait dû se tenir les 26 et 27 septembre à Garge-lès-Gonesse. Jean-Raymond Jacob, directeur du Cnarep  (centre national des arts  de la rue et de l’espace public) Le Moulin fondu, explique qu’il découle d’une réelle « colère ». Dans les 24 premières heures, son texte de protestation a été partagé près de 500 fois. Il pointe le fait que le dialogue se fait difficilement avec sa préfecture, alors que les collectivités locales offrent globalement leur soutien.

    Jean-Raymond Jacob avertit que 2021 pourrait être l’année de la casse. Jean-Luc Prévost, président de la Fédération nationale des arts de la rue, se dit solidaire. Il suggère de travailler en priorité sur « le rôle des préfets » et sur la relation avec les directeurs techniques et avec les maires. Il souhaite rester « constructif », même s’il s’agace de l’absence de prise en compte du savoir-faire professionnel du secteur, face au « manque d’ouverture » des décideurs publics, alors que la ministre semble « à l’écoute ». Alain François, trésorier de la Fédération en Île-de-France, appelle à ne pas confondre un « événement artistique et culturel » organisé par des professionnels avec un « rassemblement », et souligne la difficulté de travailler quand les interdictions se font « la veille pour le lendemain », sur des critères « ambigus ». Les deux fédérations invitent les préfectures au « dialogue ».

    Du côté des artistes, cette initiative trouve un écho. Barthélemy Bompard de la compagnie Kumulus (26), dont un spectacle aurait dû jouer dans l’espace public parisien, mais a été interdit « par le préfet trois heures avant de jouer », trouve « injuste » d’empêcher le public « encadré par des professionnels » de se rassembler en plein air. Derrière son « coup de gueule », cette question : « Combien de temps on va tenir sans s’effondrer, si on ne peut pas travailler ? » Périne Faivre, directrice artistique de la compagnie Les Arts Oseurs (34), s’est associée à l’initiative « par solidarité ». Elle rappelle que l’annulation du festival à Garges-lès-Gonesse n’est qu’un épisode dans « une seconde vague d’annulations [de spectacles] sans préavis ». Pour elle, « l’action collective » seule permettra de rétablir la « liberté dans l’espace public ». Pour l’instant, cette protestation s’étend avec lenteur hors du secteur rue. Certains artistes, à l’image de la chorégraphe Marina Torres, expriment leur solidarité et leur exaspération des contraintes, y compris en salle.

    Mathieu Dochtermann

    En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°480

    Légende photo : Le lancement de Furax, à Garges-lès-Gonesses

    Crédit photo : Xavier Cantat