Crise et tabous du Liban

    Jogging

    C’est un spectacle issu d’un Liban en crise que présentera Hanane Hajj Ali, au Festival d’Avignon, du 20 au 26 juillet. Jogging est un seul en scène qu’elle a écrit, inspiré de sa vie à Beyrouth. Hanane Hajj Ali : « Deux choses m’aident à tenir : le théâtre et le jogging. Cette pièce défie le triangle des Bermudes des tabous que sont la religion, la politique et le sexe. Elle n’est donc pas la bienvenue dans de nombreux pays arabes. » Hanane interprète quatre femmes, dont Médée et elle-même, qui assume de porter le voile tout en étant comédienne. Un « work in progress » initié en 2017 à Beyrouth. Après la guerre civile (1975-1990), la crise politique et financière, puis l’explosion du port de Beyrouth en 2020, dans tout le spectacle vivant, le système D prédomine. « Un ministère de la Culture a été créé en 1993, dont aucun politique ne voulait, totalement inactif. Une grande solidarité s’est mise en place, par exemple avec la création de l’Arab Funds for Arts and Culture (AFAC) ou de l’association Al Mawred, que j’ai cofondée », témoigne la comédienne.

    Ces deux structures soutiennent son spectacle, donné plus de 350 fois au Liban, mais aussi aux États-Unis, en Grande-Bretagne ou en France. « La crise bancaire nous a fait perdre du jour au lendemain tout l’argent que nous y avions déposé. Par exemple, une aide de l’AFAC. Plusieurs théâtres, comme le KED, le Théâtre arménien ou le Théâtre Gemmayze ont été détruits par l’explosion du port, mais reconstruits grâce à des initiatives privées. » Le réseau électrique ne fonctionne qu’une heure par jour, ces lieux s’appuient sur des groupes électrogènes. Face à l’inflation galopante, Hanane Hajj Ali et d’autres se produisent  gratuitement. Elle vit de représentations à l’étranger, de cours et vend le texte de sa pièce à l’issue des représentations. À ces contraintes s’ajoute la censure par le Bureau de la sûreté générale, même si Hanane Hajj Ali ne leur a pas soumis le texte de Jogging. Elle s’inquiète du niveau d’éducation des jeunes Libanais, alors que, depuis 2019, beaucoup d’universités n’ouvrent que de façon sporadique : « La situation libanaise est catastrophique, c’est pourquoi l’art et la culture sont quelque chose d’aussi vital que le pain. »

    Nicolas Dambre

    En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°518

    Légende photo : Jogging, seul en scène écrit par la comédienne et auteure Hanane Hajj

    Crédit photo : Marwan Tahtah