
Désormais loin des réalités, ces critères d’aides au projet ou au conventionnement conduisent des équipes à renoncer à leurs demandes.
C’est la suite logique de l’alerte lancée par LAPAS, l’Association des professionnel·le·s de l’administration du spectacle, à l’été 2024 : la diffusion s’effondre. Cette année, ce sont les experts DRAC qui sonnent l’alarme sur des critères d’éligibilité aux aides au projet ou au conventionnement « hors sol » par rapport à la réalité : soit la baisse moyenne de la diffusion de 33 % entre les saisons 2023/2024 et 2024/2025. LAPAS a rebondi et présenté une tribune (La Lettre du Spectacle, le 20 mai), signée par l’ensemble de la filière et de très nombreux experts DRAC.
Pour la majorité des compagnies, il est impossible de répondre à ces prérequis, modifiés en 2022, pour déposer une demande de conventionnement en DRAC : 25 représentations sur 2 ans et 70 sur 3 ans pour la danse, 20 représentations sur 2 ans et 70 sur 3 ans pour la musique ou encore 50 représentations sur 2 ans et 90 sur 3 ans pour le théâtre dans deux régions au minimum, 80 représentations pour le cirque, les arts de la rue et les DOM.
Conséquence ? LAPAS relève déjà une chute de 22 % des demandes théâtre et arts associés en Île-de-France. « Nous assistons de façon accélérée à l’immense précarisation des artistes et techniciens », résume Véronique Felenbok, sa présidente.
Un mouvement se lève
« On a rejoint ce mouvement assez facilement, car cela met des mots sur ce qu’on vit tous, témoigne Vincent Roche Lecca, nouveau coprésident de Scène Ensemble. Il y a une forme d’unanimité, on est très nombreux à être membre des commissions DRAC. » Mais le directeur de la Scène nationale de Bourg-en-Bresse précise que cette tribune « n’est pas une attaque en règle des DRAC, car on voit les conseillers tordre les critères pour faire rentrer les dossiers ». Lui demande « d’arrêter la machine deux secondes pour réfléchir : certains poussent pour une reconnaissance du volume d’emploi, d’autres pour une piste plus mécanique de baisse des seuils. » Même son de cloche au Synavi (lire page 4), dont la directrice assure avoir prévenu la direction générale de la création artistique (DGCA) dès février, et « demandé officiellement un assouplissement des seuils », détaille Claire Moreau. Une circulaire aux DRAC avait été envisagée, dit-elle, mais n’est pas venue. Par ailleurs, son syndicat demande d’intégrer « les lieux de diffusion non dédiés » dans les critères, avec une réalité : « Partout où on joue, il y a du public », et un slogan : « Une date vaut une date ».
Une réunion le 1er juillet
Pour la trésorière du Syndeac, et chorégraphe, Mélanie Perrier (Compagnie 2 minimum), il devait pourtant y avoir des dérogations : « Dans les faits, c’est une exception et non plus la règle ». De plus, elles ne sont pas homogènes sur le territoire. Son syndicat qui a obtenu un rendez-vous avec le DGCA, Christopher Miles, le 1er juillet, a décidé de « l’élargir aux organisations représentant des équipes artistiques : Scène Ensemble et le Synavi ». Elle est d’autant plus inquiète que les DRAC « respectent de moins en moins l’avis des comités d’experts » et qu’« on demande aux compagnies des copies des coproductions à échelle de trois ou quatre ans » alors que les calendriers ont « rétrécis ».
Et les productions sont ralenties par l’inertie administrative, que ce soit le vote tardif des budgets des collectivités ou l’instruction des demandes (plus de 10 mois). « C’est un effet de domino qui conduit à une hécatombe », cingle Mélanie Perrier. « On pourrait attendre de l’État, qui a une vision panoptique, qu’il soit en capacité d’inventer un système au plus près des besoins et des exigences ».
Jérôme Vallette
En partenariat avec La Lettre du spectacle n°584
Légende photo : Sea Of Silence, de Tamara Cubas
Crédit photo : Eric Deguin