« Contrer les effets de la crise »

    Olivier Michel

    Entretien avec Olivier Michel, président de Profedim, Syndicat professionnel des producteurs, festivals, ensembles et diffuseurs indépendants de musique

    Où en est-on du paiement de contrats de cession ?
    Il semblerait qu’il y ait des lieux qui rechignent à rétribuer les équipes, ne serait-ce que sur le coût plateau ou le reste à charge après chômage partiel. Mais c’est minoritaire. Leur raisonnement est assez étrange, d’autant plus quand l’équipe artistique est importante comme c’est souvent le cas avec des ensembles, le fait d’annuler doit réduire les coûts d’accueil. Certes, il y a une perte de billetterie. Nous proposons qu’il y ait, à terme, une compensation des pertes de billetterie, d’autant qu’on se dirige vers des jauges réduites. On ne veut pas faire de la délation. On va envoyer des courriers à des organisations qui représentent ces lieux.

    Le recours au chômage partiel explique-t-il ces refus ?
    Le chômage partiel a un coût. Les restes à charges sont conséquents. Pour nous, ce qui compte, c’est qu’il y ait un avenant, que le report ne soit pas considéré comme un contrat identique. S’il y a report de la date, le ministère considère qu’on ne peut pas mettre les interprètes au chômage partiel sous prétexte qu’on doublerait la rémunération. Or on n’est pas sûr d’avoir la même distribution. L’activité partielle est un levier important et on souhaite que cela se poursuive. Nous avons réussi, en tant que Profedim, à obtenir un arbitrage favorable pour que les associations à subventions importantes y aient accès, mais une semaine plus tard, le dispositif était mis en question pour les établissements publics. Il y a eu une levée de boucliers des organisations syndicales. J’espère qu’il y aura un retour en arrière du ministère du Travail. Le spectacle vivant devrait pouvoir bénéficier du chômage partiel tant que la reprise n’est pas normale, ce qui prendra du temps.

    Dans quelle situation économique se trouvent les structures musicales ?
    Il y a eu des pertes importantes chez les ensembles. Du côté des lieux, c’est variable, selon leur sensibilité à la billetterie. à l’international, il n’y a aucune compensation aux annulations. Récemment, nous avons obtenu de pouvoir déclarer en activité partielle un interprète d’employeur français qui devait jouer en Allemagne. En sens inverse, les structures qui attendaient des équipes étrangères en automne n’ont aucune visibilité. Nous avons aussi de grosses craintes du côté du mécénat. Et il y a de mauvaises nouvelles du côté des organismes de gestion collective (OGC). On a entendu récemment dire que la Sacem revoit à la baisse ses soutiens d’actions culturelle de 20 %, ce qui correspond à la baisse de recette de la copie privée. C’est d’autant plus grave que l’action culturelle de la Sacem soutient beaucoup le financement de commandes à des auteurs compositeurs.

    Comment envisagez-vous la reprise ?
    Il va falloir distinguer le travail des artistes dans un espace clos ou pas, en présence ou pas du public. Les chanteurs émettent des postillons qui peuvent contaminer jusqu’à 5 mètres devant. Il y a la question des instruments, le nettoyage des instruments. Cela soulève des inquiétudes sur le contenu des programmes. Des orchestres revoient leurs programmes pour écarter les chœurs. Il y a des idées avec le numérique, mais il faut être  attentif à ne pas mettre le numérique à tous les endroits. Le spectacle vivant s’appuie sur la réception du public physique. La saison sera très fragilisée, ne serait-ce que dans le rapport au public. Dans quelle mesure peut-on faire deux représentations le même jour, pour réduire les jauges ? Dans quel cadre financier ? Il y a des salles qui vont revoir leur billetterie à la baisse et multiplier les représentations. Certains lieux demanderaient des efforts aux équipes artistiques. Ces sujets doivent être traités assez vite.

    Vous comptez sur une relance publique ?
    A titre personnel, je pense que l’état devrait doubler son financement au spectacle. Il faut trouver des moyens de relancer, alors qu’on a des craintes de resserrement financier des collectivités et des OGC. L’état doit être garant de nouveaux financements. Nous commençons à réfléchir à des propositions artistiques qui se feraient en dehors du cadre de la boîte noire. On pourrait aussi profiter de cette situation pour que les équipes musicales soient plus présentes dans les lieux pluridisciplinaires, sur le territoire. L’idée n’est pas l’animation culturelle mais des adresses au public. Il y a aussi le crédit d’impôt, l’action à l’international. On réfléchit à toute sorte de moyens de contrer les effets à long terme de cette crise. Nous travaillons beaucoup avec les festivals en ce sens.

    Propos recueillis par Yves perennou

    En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°471 bis

    Crédit photo : Pierre Lucet-Penato