Aux BIS, le spectacle vivant explore des solutions pour sortir de la crise

    BIS 2024

    Sous pression, la filière a esquissé, à Nantes, lors des BIS, des pistes d’existence et de résistance.

    Protéger le service public de la culture, c’est aussi réfléchir à son financement. Pour les participants des nouveaux débats «Pourquoi / Comment », le constat est évident. « Si les crédits budgétaires sont en augmentation constante depuis 2014 (+14 % entre 2021 et 2023), rappelle Vincent Guillon, codirecteur de l’Observatoire des politiques culturelles, les difficultés sont, néanmoins bien réelles : avec l’effet ciseau de l’inflation et des recettes en baisse ». Quelles portes de sortie s’offrent au spectacle vivant ? Pour Joël Brouch, « le service public est indissociable d’une démocratie. Et il est difficile d’être audible dans les territoires où les services publics reculent. »

    Pour les conforter, le directeur de l’Office artistique de la Région Nouvelle-Aquitaine (OARA) voit une solution : « un nouvel acte de décentralisation pour que les collectivités aient une autonomie fiscale, et décident de leurs propres compétences. » Ce qui permettrait « que nos politiques publiques soient en capacité de prendre en compte les initiatives citoyennes ». Le président de la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC), Frédéric Hocquard, veut lui aussi « franchir une nouvelle étape » de décentralisation. D’autant que sur ce sujet « le dialogue s’est abîmé avec l’État ». L’adjoint à la maire de Paris est venu aux BIS avec une double proposition : « Déplafonnons la taxe de séjour avec un fléchage des recettes sur la culture. Et mettons un critère culture dans les dotations globales de fonctionnement [DGF versées par l’État aux collectivités en fonction de paramètres précis, NDLR) afin que soient bonifiées les villes vertueuses sur la culture ». Il faut, tranche-t-il « changer de rapport entre l’État et les collectivités ». Ce sont « des pistes très fécondes », lui répond “l’État”, représenté à Nantes par son directeur général de la création artistique, Christopher Miles. Lui l’assure : « l’espace de négociation État-collectivité c’est le plan Mieux produire, mieux diffuser », dans lequel l’État promet d’abonder les fonds locaux. Pour conforter l’« exception culturelle française » qui fait que « la culture est imbriquée dans les autres politiques », complète plus philosophe, Aurélie Filipetti, directrice des affaires culturelles de Paris et ex-ministre de la Culture, il faut résister « à l’offensive médiatique des extrêmes ». Et « c’est à travers la liberté de création qu’on peut défendre notre vision du monde ».

    Défendre sa liberté
    Une liberté de création et de diffusion mise à mal ces dernières années avec des attaques répétées, parfois violentes, souvent sournoises. Mais aussi, désormais, le spectre de l’autocensure. Aux BIS, Agnès Tricoire, avocate, (lire aussi page 5), estime que des risques pèsent aujourd’hui à trop vouloir, parfois, prendre les devants. « Le débat doit toujours remplacer la censure sous toutes ses formes, avertit-elle. La censure est toujours un renoncement, jamais un acte de courage. » D’autant plus que, prévient-elle, « interdire a priori c’est ouvrir la porte à l’extrême droite, lui fournir des outils juridiques » qu’elle retournera. « Si quelque chose d’inadmissible se passe dans une spectacle, là on peut mobiliser le droit pénal et faire condamner », rappelle-t-elle. Face aux attaques, complète Aurélie Hannedouche, directrice du Syndicat des musiques actuelles (SMA), « il faut toujours réagir sur le plan médiatique, politique et juridique, pour ne jamais banaliser ces faits, ». Pas toujours évident quand « ces pressions sont exercées par des municipalités qui font partie de l’arc républicain, via par exemple une ingérence dans les programmations. » Là, un risque d’autocensure guette tous et toutes : « À préférer la sécurité à la liberté, n’allons nous pas finalement perdre les deux ? » Aymeric Seassau (PCF), adjoint à la culture de Nantes, le martèle : « La première ligne de conduite, c’est la tolérance zéro ». Il pointe surtout « une censure par l’appauvrissement »... quand des collectivités « suppriment les aides à la création ». Financements et liberté sont inextricables.

    Jérôme Vallette

     

    L’absence inédite de la ministre
    Nommée six jours avant les BIS 2024, Rachida Dati a manqué à l’appel du 20e anniversaire, ces 17 et 18 janvier. « C’est la première fois en vingt ans qu’un ministre ne se rend pas au BIS », a précisé son organisateur, Nicolas Marc. Un résumé lapidaire du rendez-vous manqué avec un spectacle vivant dubitatif voire vexé par cette absence. « Soyez sûrs de ma mobilisation entière », a-t-elle fait lire par Christopher Miles. « Je veux défendre une politique publique protectrice, ambitieuse [...]. Porter un spectacle vivant exigeant et populaire, partout pour tous. » Dont acte ? 

    En partenariat avec La lettre du Spectacle n°552

    Légende photo : Aux BIS 2024

    Crédit photo : Philippe Anessault