«Les mises en concurrence, un danger pour la culture»

    Bruno Julliard

    Des difficultés sont apparues ces derniers mois à la tête de scènes de la Ville de Paris. Entretien avec Bruno Julliard, adjoint à la maire de Paris délégué à la culture.
    Quelle est votre évaluation ?

    Je suis très satisfait de l’équilibre artistique des directions en charge de nos théâtres ou lieux de spectacle vivants. Certaines personnalités jouissent déjà d’une grande expérience, comme Emmanuel Demarcy-Mota (Théâtre de la Ville) ou Jean-Michel Ribes (Le Rond-Point). De même pour le Monfort, où le travail est remarquable. Cela se conjugue avec de nouvelles équipes, par exemple les codirecteurs du Paris-Villette que j’apprécie énormément et Laëtitia Guédon pour les Plateaux sauvages. J’ai beaucoup d’espoir pour le Châtelet avec Ruth Mackenzie. Dans un an, à la réouverture, son rayonnement international sera de grande qualité. Je suis attaché au renouvellement, au bout d’une dizaine d’années. Mais quand un projet est très bon il peut perdurer. C’est pourquoi nous reconduisons José-Manuel Gonçalves au Centquatre. La Gaîté lyrique est le seul équipement de cette dimension en délégation de service public (DSP). Je n’ai jamais été favorable à ce mode de gestion pour ce type d’équipement. Je suis plus favorable aux conventions d’occupation du domaine public (CODP). La DSP construit une relation plus administrative. Je suis extrêmement préoccupé par l’ordonnance de 2017* qui prévoit des mises en concurrence pour l’occupation du domaine public, y compris dans la culture. On risque de créer des machines à répondre aux marchés publics. Le secteur culturel aurait un avenir aussi sombre que l’éducation populaire qui a été dévitalisée par les mises en concurrence. J’ai demandé au ministère de définir une exception pour tous les lieux culturels. Les actionnaires actuels de la Gaîté lyrique ont toute ma confiance. Il est vrai que l’identité artistique et culturelle est encore à définir, même si les objectifs sont remplis. Je vois d’un bon œil la proposition de direction qui nous a été faite et qui va être annoncée par le conseil d’administration.

    Quel est le projet pour la Cartoucherie ?

    La Ville est propriétaire des murs, mais n’intervient pas dans le fonctionnement. Les théâtres de la Cartoucherie sont financés par l’état et sont attachés à cela, avec une exception en ce qui concerne l’Atelier de Paris Carolyn Carlson. Nous avons d’excellentes relations avec ces théâtres. Pour l’Aquarium, j’avais proposé que ce soit le théâtre d’accueil de Théâtre Ouvert. Cela n’a pas été retenu par les équipes de Théatre Ouvert. Nous nous sommes mis d’accord avec la DGCA pour rédiger un appel à projets et sur un jury auquel participera ArianeMnouckine. Ce sera un financement de l’état avec une CODP. Nous n’avons pas un plan général pour la Cartoucherie. Ce sera théâtre par théâtre. Je souhaite que le projet d’Ariane Mnouchkine perdure et que cet espace unique au monde d’audace et de liberté artistique soit maintenu. La demande de lieux de création reste forte à Paris. Y aura-t-il un plateau pour la danse ? Avec le Grand Parquet et les Plateaux sauvages, nous avons ouvert une capacité de 30 résidences de créations par an. Nous le ferons dans le cirque et des arts de la rue avec, enfin, l’ouverture de la rue Watt, où 50 compagnies pourront être accueillies. Nous avons créé un nouveau dispositif d’aides à la résidence. Pour la danse, les capacités sont de 20 résidences à l’Atelier de Paris, 20 à Micadanse, 7 à l’étoile du Nord, 7 à Regard du cygne. Ce n’est pas suffisant. Nous étudierons les possibilités ouvertes par les renouvellements de direction. Ce sera le cas du Théâtre 14 l’année prochaine. Un appel à candidatures vient d’être lancé. L’année suivante, nous verrons pour le Théâtre 13, en accord avec la directrice, Colette Nucci.

    Quelle est votre position sur le Tarmac ?

    L’Aquarium aurait été une solution satisfaisante. Je ne suis pas, en principe, opposé à un rapprochement, dès lors que les deux projets peuvent fusionner. Il y avait une possibilité, encore aurait-il fallu que les négociations soient bien menées en amont. Je souhaite soutenir le projet du Tarmac, mais l’honnêteté intellectuelle me fait dire qu’il n’y a pas de raison de refuser un nouveau projet. Aujourd’hui, il n’est pas mûr. Pour la prochaine saison, il faut garantir la présence du Tarmac dans ses murs et accompagner le changement dans un esprit constructif. Je ne crois pas à la possibilité de chasser l’équipe du Tarmac s’il n’y a pas de projet clair et négocié.

    * Ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017

     

    Propos recueillis par Yves Perennou

    Légende photo : Bruno Julliard

    Crédit photo : D. R.

    En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°432.