Cirque : à Auch, les artistes livrent leurs doutes

    Circa TsuÏca

    Le festival CIRCa, à Auch, a réussi à se tenir, du 16 au 25 octobre. Si sa nouvelle directrice Stéphanie Bulteau était soulagée, le nombre de programmateurs présents était au tiers de ce qu’il est d’habitude. Les artistes s’en rendent compte, qui eux luttent pour diffuser leurs spectacles. L’une des difficultés réside dans le fait que les reports de la saison dernière ont créé un « bouchon » comme l’appelle Jani Nuutinen (Circo Aereo), de sorte que les lieux n’ont plus de temps de plateau libres pour proposer des dates. « Il y a de grosses inquiétudes chez les compagnies », confie Pauline Barboux (L’Envolée Cirque). « On a aucune visibilité pour la suite », renchérit élodie Guézou (compagnie AMA). Pour la même raison, les résidences sont devenues difficiles à obtenir. Or, même si certaines compagnies, comme AMA ou Circo Aereo, ont bénéficié de temps de plateau proposés par les lieux pendant l’été, c’est loin d’être le cas pour tous les artistes. « C’est très difficile, les projets qui sont nés en 2020 ne peuvent pas toujours faire leur première », regrette Lucho Smit (Galapiat Cirque). Les programmateurs internationaux n’ont presque pas pu se déplacer et les artistes ont fait une croix sur les tournées au-delà des frontières.

    Les programmateurs français commencent à anticiper les restrictions sanitaires : Pauline Barboux indique ainsi qu’on lui a demandé si le musicien qui accompagne sa création 2020 pouvait « jouer avec une visière. » Une circassienne décrit leur attitude comme « frileuse ». Les artistes s’adaptent : Raphaëlle Boitel a renoncé à créer une grande forme, ceux qui ont des solos les privilégient. Les collectifs comme Galapiat Cirque ou Cheptel Aleïkoum semblent pour l’instant mieux tenir le coup, sans doute grâce à leur « renommée » et aux réserves financières qui ont servi à « abriter les salariés ». Pour autant, même eux se troublent quand on aborde l’avenir : Guillaume Dutrieux (Cheptel Aleïkoum) le concède : « Pour l’instant, on y voit que du feu, mais on va sentir les conséquences en 2021-2022. » Les efforts des opérateurs publiques pour aider les compagnies sont salués, mais comme le dit Raphaëlle Boitel : « à un moment les structures ne pourront plus faire tampon. » Incertitude, le mot revient souvent : « Normalement, on est toujours dans l’anticipation », confie la même, « mais là on n’arrive plus à se projeter. »

    Mathieu Dochterman

    En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°481

    Légende photo : (V)Îvre, par la compagnie Circa TsuÏca

    Crédit photo : Ian Granjean