Réparer (par) les arts vivants
Giuseppe Burighel et Sunga Kim (dir.)
Voici un ouvrage de fond qui sort de l’ordinaire, abordant sous une grande diversité d’entrées la « grande » question de la portée de l’acte artistique, et de l’œuvre pour qui la reçoit. Ainsi, se demandent les nombreux contributeurs à cet ouvrage, l’art peut-il réparer ? Et, s’il le peut, n’est-il pas trop tard pour que cette « réparation » advienne dans une société extrême troublée et confrontée à d’immenses défis sociaux, politiques ou écologiques, tous existentiels ? Si l’on part du postulat que la réparation est ici « indissociable des traumatismes de l’histoire, des crises de civilisation, des injustices sociales et de la fracture des liens sociaux », l’ouvrage collaboratif met en jeu l’art vivant contemporain sous le prisme « de la responsabilité, de la perte, de la blessure et du dommage ».
Artistes et scientifiques livrent ici leur pensée, leurs réflexions, empruntant à l’esthétique du spectacle vivant, à son histoire ou à des considérations juridiques sur les pratiques réparatrices apparues dans le champ des arts vivants. On compte, parmi ces contributeurs éclairés, Rachid Ouramdane, Béatrice Picon-Vallin, Margaux Redon-Magloire, Lorraine de Sagazan, Manon Worms… Leurs approches sont complémentaires, certains se confrontent au postulat de départ, celui d’un art qui répare, quand d’autres témoignent, usent de la métaphore, ou développent un propos plus politique et revendicatif. On pourrait penser qu’un tel ouvrage recenserait une parole consensuelle sur un sujet qui pourrait l’être tout autant. Ce n’est pas le cas, car ici, ce sont aussi les lignes de tension, voire de fracture, propres au monde de l’art comme à nos sociétés contemporaines, qui nourrissent un débat prolifique. Voilà donc de quoi nourrir la réflexion de chacun, quelle que soit sa place dans la longue chaîne de la création des œuvres à leur mise en partage avec les publics.
Coédition EUR ArTeC/Les presses du réel, grande collection ArTeC, 320 pages, 18 euros.