Serge Hureau : « Notre mission première est de sauver de l’oubli les œuvres des musiques populaires chantées »

    Serge Hureau

    Le Centre national du patrimoine de la chanson, des variétés et des musiques actuelles, lieu de création, d’éducation culturelle et artistique, et d’enseignement artistique supérieur est né en 1990, et est piloté par le chanteur Serge Hureau, directeur, artiste permanent et artisan de sa création. Installés depuis 2013 à La Villette, doté du Théâtre-École des répertoires de la chanson, qui recrute actuellement sa nouvelle promotion, le Hall de la chanson s’apprête aussi à jouer pour la seconde année consécutive dans le Off d’Avignon.

    Qu’est-ce que le Hall de la chanson ?
    C’est l’unique Centre national du patrimoine de la chanson, des variétés et des Musiques actuelles, une structure de création artistique, de formation supérieure, d’éducation artistique et culturelle, de formation continue, qui a pour mission la promotion, la valorisation et la transmission des répertoires patrimoniaux de la chanson sans distinction de genres. Notre Théâtre-École des répertoires de la Chanson (TEC) complète la structure depuis 2018.

    Quels sont vos moyens ?
    Le budget annuel (TEC compris), s’élève à 1 445 000 euros (2023), subventionnés par le ministère de la Culture (Direction générale de la création artistique) à hauteur de 945 000 euros. On a une convention triennale avec l’État qui court jusqu’en 2025 pour l’action du théâtre lui-même.

    Comment rentrer au TEC ?
    Les candidatures au concours sont accueillies jusqu’au 26 avril (lehalldelachanson.com). On a créé cet établissement d’enseignement supérieur privé et gratuit en 2018, sous le haut patronage de Charles Aznavour. Les étudiants qui ont déjà obtenu un diplôme national supérieur professionnel (DNSP) ou une licence voient leur formation TEC validée par un master grâce un partenariat avec l’Université de Paris 8. Nous avons deux cursus : chanteur-interprète et musicien-arrangeur, d’une durée de deux ans qui s’adresse à 15 jeunes artistes de moins de 32 ans, chanteurs, musiciens, comédiens ou danseurs. Les titulaires des DNSP sont directement inscrits à l’audition. Les élèves qui sortent de formation vont présenter leurs travaux individuels de sortie d’école (chef-d’œuvre) pendant plusieurs semaines en juin. Par ailleurs, ils ont fait un travail autour des 100 ans de la naissance de Charles Aznavour, pendant deux mois dans le centre de détention de Meaux (Seine-et-Marne) où on donne les cours. Les artistes-étudiants, mélangés avec les « amateurs », donneront un spectacle qui sera présenté plusieurs jours, dans le cadre du festival Vis-à-vis du Théâtre Paris Villette. 

    Sur quoi travaille le Hall ?
    Essentiellement sur le patrimoine, ce qui est notre mission première de sauver de l’oubli les œuvres de chanson, c’est-à-dire des œuvres des musiques populaires chantées. On commence au Moyen Âge et on finit avec l’apparition du hip-hop il y a 40 ans en France. On accueille beaucoup de résidences. Notre principe, c’est de travailler avec des gens jeunes. Dans notre école et dans nos activités extérieures. Nous avons aussi un très gros partenariat avec le Conservatoire supérieur d’art dramatique où, depuis 15 ans, on enseigne l’art de la chanson. On agit en français, mais aussi en langues de France, en occitan, par exemple, ou dans différents créoles dans notre programme « Les ÎleS de France » qu’on confie à de jeunes artistes issus des outre-mer. La chanson, c’est un objet populaire. Si on l’oublie et qu’on en fait un objet de chapelle, on est foutus. 

    La nature de vos spectacles ?
    ll y a des spectacles qui sont terriblement travaillés dans le style. On prend souvent les anniversaires des artistes comme prétexte, parce que nous ne sommes pas trop snobs ! Et aussi parce que ça créé un engouement. Mais nous fouillons des détails qui ne seraient pas évoqués dans les médias. C’est en cela que nous sommes, vraiment, un service public. Ça demande un certain type de compétences à cultiver pour interroger les œuvres et ne pas être ennuyeux. Par exemple, nous préparons un gros travail sur l’arrivée du jazz il y a 100 ans et en quoi il a ouvert les chansons françaises. On associe Joséphine Baker avec les 40 ans de l’arrivée du hip-hop, et on monte un bal moderne, pour donner Joséphine B[re]aker !

    Qu’est-ce que le patrimoine de la chanson ?
    C’est toute notre histoire. Il vous permet de savoir comment une femme parlait d’un homme il y a 300 ans. Avec les chansons, on va loin dans l’histoire des mentalités. C’est ça qui nous intéresse. Nous ne sommes pas idolâtres. Ainsi, nous allons regarder ce qui se cache de fort, de social, de profond derrière un artiste. Notre mission est aussi de le transmettre. C’est une importante dimension de notre travail. Nous recevons énormément de lycéens et de collégiens, car nous avons un lien avec l’Éducation nationale, en particulier la très dynamique académie de Créteil. 

    Vous êtes bien implantés dans votre théâtre de La Villette ?
    On a de très bonnes relations avec nos voisins dans ce lieu vraiment extraordinaire, stimulant, avec notre petit théâtre de 160 places où il y a deux grandes loges, deux petites loges, un atelier de décor, un foyer d’artistes au sous-sol et un hall où on peut faire du cabaret avec 40 personnes. On a postulé à un appel d’offres de la Villette pour des salles dans un bâtiment voisin affectées à nos actions EAC, au TEC et à la formation permanente. Nous serons en travaux en 2025 (isolation thermique et phonique notamment) pour une petite période.

    Une saison dense entre La Villette et Avignon
    Le 5 mai, le Hall de la chanson présentera Et pourtant, à l’occasion du centenaire de la naissance de Charles Aznavour, au Théâtre Paris-Villette (Festival Vis-à-vis) puis au Hall de la chanson (17, 22 et 24 mai) avec les artistes-étudiants du TEC et des détenus du centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin.
    Le 15 mai, une exposition Joséphine Baker en onze tableaux de Catel sur les murs extérieurs du Hall de la chanson.
    Le 8 juin, lors de l’exposition Ces chansons qui nous ressemblent, création du Bal Joséphine B[re]aker (chorégraphie urbaine de Fabrice Mahicka et Valentina Corosu, arrangements de Tim Andriamanantena et Vladimir Médail, chant Lymia Vitte), à la Cité internationale de la langue française (Villers-Cotterêts).
    Du 18 au 30 juin, les jeunes artistes sortants du Théâtre-École des répertoires de la chanson présenteront leur Festival chefs-d’œuvres, travaux individuels de sortie de l’école.
    Le Hall de la Chanson sera une nouvelle fois au Festival Off d’Avignon avec Le Prof ,de Brassens et Les Eaux sauvages, d’Anne Sylvestre, en alternance du 3 au 12 juillet (au Théâtre de L’Arrache-Cœur), avec Olivier Hussenet, Alban Losseroy et Vladimir Médail.

     

    Propos recueillis par Jérôme Vallette

    En partenariat avec La Lettre du Spectacle n°557

    Légende photo : Serge Hureau

    Crédit photo : Frédéric Pickering